[Critique] MR. TURNER
Titre original : Mr. Turner
Rating:
Origine : Angleterre
Réalisateur : Mike Leigh
Distribution : Timothy Spall, Paul Jesson, Dorothy Atkinson, Marion Bailey, Ruth Sheen…
Genre : Drame/Biopic
Date de sortie : 3 Décembre 2014
Le Pitch :
Une partie de la vie du célèbre peintre précurseur du courant Impressionniste, Joseph Mallord William Turner. Ses techniques de peinture, ses voyages, ses relations, et les vives critiques que générèrent ses œuvre. Le tout concentré sur les dernières années de sa vie…
La Critique :
Si il y a bien quelque chose qui saisit de prime abord dans Mr. Turner, ce sont ces éblouissants paysages qui parsèment le film de part en part, rendus par une photographie tout à fait sublime.
En cela, le long-métrage de Mike Leigh rend réellement hommage au surnommé « Peintre de la lumière », le très exactement Joseph Mallord William Turner. Des plans filmés dignes des grands tableaux de maître, où le spectateur marche dans les inspirations diverses du célèbre peintre voyageur.
Étonnant ou amusant d’ailleurs d’évoquer la beauté de la photographie devenue un art et un métier aujourd’hui, celle-là même qui fit peur à Turner par le passé. Une scène en particulier illustre le propos avec humour, tout en nous poussant à l’interrogation sur l’art de la peinture qui s’est fait tout de même beaucoup plus rare, ou tout du moins, moins « important », deux siècles plus tard. Et le film se situe au XIXème siècle, à l’époque du peintre, la réalisation se veut d’ailleurs extrêmement réaliste. La misère, les graves problèmes sanitaires de l’époque sont montrés de façon non édulcorée et dans leur réalité. Ce point fait de Mr. Turner, un métrage certainement moins accessible que d’autres films d’époque qui oublient les détails incommodants, propres aux différents siècles. Nous avons affaire ici à un biopic tout à fait singulier, qui se démarque de la foule d’autres du genre qui sont désormais présents chaque année sur les écrans. Complètement atypique le long-métrage de Mike Leigh sort des rangs en retraçant la vie d’un artiste reconnu, de façon non artificielle et sans surenchère. Face à l’opportunisme qu’engendre ce genre cinématographique, cela mérite vraiment d’être souligné.
Le portrait tiré de l’artiste évoque une personne sympathique avec un côté humain indéniable, bien que son caractère rustre soit mis en avant. Un personnage un peu bougon et plutôt secret qui ne s’est par ailleurs pas vraiment occupé de sa première épouse et de ses enfants, mais qui n’est jamais dépeint dans le film comme quelqu’un de prétentieux, bien au contraire. À noter que Joseph Mallord William Turner a légué une grande partie de ses œuvres à la National Gallery, donc au domaine public et accessible à tous, plutôt que de les vendre à prix d’or à quelques particuliers.
Et ce personnage si caractéristique est interprété par un Timothy Spall admirable et parfaitement imprégné du rôle. Un acteur britannique qui avait déjà été remarqué pour son interprétation du personnage de Peter Pettigrew dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, le troisième opus de la saga considéré pour beaucoup comme étant le meilleur, et réalisé par le très talentueux Alfonso Cuarón. On a également pu voir Timothy Spall dans Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street, de Tim Burton ou encore dans Le Discours d’un Roi, de Tom Hooper (pour ne citer qu’eux), dans lequel il interprétait Winston Churchill. Ici, Timothy Spall occupe le champs 99 % du temps, et sans aucune fausse note. Son interprétation est immense. C’est par ailleurs la cinquième collaboration entre le réalisateur et l’acteur. Il reçut d’ailleurs le Prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes.
Une belle interprétation, une belle photographie … Mais alors qu’est-ce qui pourrait faire défaut au film ? Sa longueur ? L’ennui qu’il peut susciter par moments ? Il est vrai que Mr. Turner est lent, agrémenté de longs dialogues, et baigne dans une aura contemplative importante. Le film manque peut-être un peu de saveur, mais c’est aussi cette simplicité qui fera que certains apprécieront.
Au-delà de cette dimension très réaliste dans le traitement du film, rappelons que Joseph Mallord William Turner peignait pendant la grande période romantique, l’apogée du romantisme plus exactement. Grand paysagiste, ces œuvres sont très contemplatives et paraissent en mouvement, ce qui est en opposition aux objets fixes des tableaux de l’époque. Le peintre reconnu essuya d’ailleurs des critiques pour ce style si particulier, qui deviendra plus tard le courant impressionniste.
Certaines scènes du film offrent d’ailleurs des moments d’échanges tout à fait jouissifs entre tous les grands peintres de l’époque romantique en Angleterre. Ainsi on observe les tensions entre William Turner et John Constable (qui deviendra lui aussi un des précurseurs de l’impressionnisme) traitées non sans humour ! Des scènes qui raviront les amateurs de peinture et de l’histoire qui lui est liée.
Les techniques de peinture de William Turner sont très représentées dans le film, le but est de montrer un peintre « qui se salit les mains » comme l’a précisé le réalisateur du film. Une critique du pédantisme parfois présent dans les milieux artistiques vient pointer le bout de son nez, accompagnée d’un message d’accès à l’art pour tous, ce qui est est fort appréciable.
Certainement un peu long et manquant de saveur, certains rencontreront peut-être l’ennui au visionnage de Mr. Turner, mais que l’on accroche ou pas au long métrage de Mike Leigh, dans tous les cas on découvre des choses intéressantes. Les puristes apprécieront sûrement, tandis que les néophytes auront découvert un peintre majeur dont les œuvres continuent d’émerveiller encore aujourd’hui.
@ Audrey Cartier
Crédits photos : Diaphana Distribution