[Critique] MUSIC OF MY LIFE
Titre original : Blinded By The Light
Rating:Origine : Grande-Bretagne
Réalisatrice : Gurinder Chadha
Distribution : Viveik Kalra, Kulvinder Ghir, Meera Ganatra, Hayley Atwell, Aaron Phagura, Nell Williams, David Hayman, Dean-Charles Chapman…
Genre : Drame/Adaptation
Durée : 1h57
Date de sortie : 11 septembre 2019
Le Pitch :
En 1987 à Luton en Angleterre, Javed, un adolescent d’origine pakistanaise, se heurte à un père très conservateur et à une société gangrenée par un racisme dont il est la cible. Un jour néanmoins, un des élèves de son lycée lui fait découvrir la musique de Bruce Springsteen. Une véritable épiphanie pour Javed, qui va dès lors reconnaître ses luttes, ses souffrances et ses espoirs dans les paroles du Boss. Springsteen qui allume chez le jeune homme une étincelle à l’origine d’une série de changements radicaux. Histoire vraie…
La Critique de Music of my Life :
De l’eau a coulé sous les ponts depuis Joue-la comme Beckham, le premier véritable succès de la réalisatrice britannique Gurinder Chadha. Un carton au box-office doublé d’un excellent film, ayant encouragé les critiques et le public à attendre avec impatience de quoi serait fait son avenir dans le monde du cinéma. Pourtant, ni Coup de foudre à Bollywood ni Le Journal intime de Georgia Nicolson n’ont eu le retentissement espéré et il faut bien avouer que depuis le temps, tout le monde avait un peu oublié la cinéaste. Gurinder Chadha qui revient en force avec ce Music of my Life (Blinded By The Light, le titre original, est bien sûr largement plus pertinent au vu du sujet) et rappelle par la même occasion tout le talent qu’elle possède pour orchestrer des histoires puissantes aux multiples implications. Gurinder Chadha adaptant ici l’autobiographie du journaliste britannique Sarfraz Manzoor dans lequel il est notamment question du pouvoir de la musique de Bruce Springsteen qui agit ici comme un véritable catalyseur dans l’existence étriquée d’un jeune homme plein d’ambition mais retenu dans sa petite ville de Luton par des attaches dont il est plutôt ardu de se défaire.
Born in Luton
Le musique du Boss tient dans Music of my Life, le même rôle que le foot dans Joue-la comme Beckham : elle permet au personnage principal de s’échapper et lui inspire une émancipation à long terme destinée à totalement redéfinir son avenir. Aspirant écrivain, le jeune Javed est dans une impasse le soir où il décide de donner sa chance à cet artiste dont il n’a jamais entendu parler, sur les conseils d’un camarade de classe. Springsteen lui montre alors le chemin et tout change. Enfin presque car Javed vit dans l’Angleterre de la fin des années 80, en pleine Guerre Froide, quand le chômage atteint des sommets dans le pays et que les skinheads ont cette fâcheuse tendance à descendre dans la rue pour défiler. Mais Springsteen, avec ses paroles, parle à cet adolescent écrasé par une figure paternelle autoritaire et lui inspire une fuite par les mots. Sa prose se libère alors et, sous les assauts des riffs de Born to Run, Badlands ou encore Hungry Heart, sa vie change, envers et contre le racisme donc, la récession, les traditions qui ne lui conviennent guère et les espoirs de son paternel de le voir devenir ce qu’il a prévu pour lui dès sa naissance.
Cœur affamé
C’est avec une grande justesse et une infinie sensibilité que Gurinder Chadha parvient à retranscrire à l’écran les sentiments qui accompagnent la découverte de la musique de Bruce Springsteen chez ce jeune homme sensible et plein d’ambition mais totalement dépourvu face à une vie qu’il ne contrôle presque pas. Les notes jaillissent et la mise en scène s’emballe, adoptant la rythmique et se nourrissant de la puissance des mots du Boss pour donner lieu à l’écran, à des scènes ultra galvanisantes au sein desquelles les sentiments explosent. La séquence dans le marché, quand Javed déclare sa flamme en chanson à la fille qu’il aime ou encore la formidable escapade dans Luton au son de Born To Run en sont les preuves éclatantes. Peu à peu, Music of my Life laisse entrer la lumière et traduit avec une exaltation communicative ce qui se déroule dans la vie de son héros. Javed se reconnaît chez Springsteen, qui de son côté, lui donne les clés pour enfin accéder à cette évasion vers un futur plus lumineux. C’est aussi pour cela que le titre original Blinded By The Light (ébloui par la lumière) est infiniment plus pertinent que le fadasse Music of my Life. Parce que c’est de cela dont il s’agit : de lumière tellement éclatante qu’elle balaye tout sur son passage. Que ce soit la haine ou la morosité. Le film possédant en outre un sous-propos politique parfaitement juste. Le scénario embrassant une somme de thématiques fortes tout en s’imposant comme une incroyable déclaration d’amour à l’œuvre de Bruce Springsteen. Le fait que l’action se déroule à une époque où l’artiste était justement dans le creux de la vague renforce la puissance du propos, prouvant le caractère universel et intergénérationnel des compositions du Boss. Avec juste ce qu’il faut de mesure.
Thunder Road
Possédant tous les éléments chers à ce que l’on appelle généralement le feel good movie, Music of my Life sait aussi tracer sa propre route et s’approprier avec brio son sujet en se montrant au final incroyablement émouvant et inspirant. En pleine forme, Gurinder Chadha signe son meilleur film, elle qui en plus, a su remarquablement s’entourer. Du côté de la photographie – Ben Smithard fait un boulot parfait, parvenant à retranscrire cette arrivée de la lumière dans un quotidien morne- mais aussi du casting. Au premier plan, Viveik Kalra est extraordinaire, tout comme Kulvinder Ghir, qui joue son père. La relation entre les deux personnages étant au cœur du long-métrage. Au final, quelque-part entre le récit initiatique, le drame, la comédie musicale (le film lorgnant parfois vers le genre, sans se priver) et la chronique sociale aux accents politiques, Music of my Life réussit l’exploit de faire siens plusieurs gimmicks pourtant éculés, tout en respectant une progression plutôt prévisible, mais en la se réinventant totalement. Un peu comme la musique de Bruce Springsteen finalement, qui n’a jamais été un virtuose de la guitare ou fait preuve d’une quelconque prétention, préférant laisser parler son cœur pour vanter des valeurs dans lesquelles des millions de personnes se sont reconnues. Music of my Life soulignant le rôle primordial de ses chansons et de la musique en général. Celle qui sauve des vies.
En Bref…
Magnifique chronique d’un sauvetage par la musique, Music of my Life est un film prodigieux. Un conte initiatique puissant, superbement écrit, réalisé et incarné, avec simplicité, authenticité et sincérité. Une ode à la musique de Bruce Springsteen qui prend petit à petit la forme d’une invitation au dépassement de soi-même et à la résistance face à l’obscurantisme sous toutes ses formes. Sublime.
@ Gilles Rolland