[Critique] NIGHTMARE ALLEY

CRITIQUES | 20 janvier 2022 | Aucun commentaire
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Titre original : Nightmare Alley

[rating;4.5/5]

Origine : États-Unis

Réalisateur : Guillermo del Toro

Distribution : Bradley Cooper, Rooney Mara, Cate Blanchett, Toni Collette, William Dafoe, Richard Jenkins, Ron Perlman, David Strathairn…

Genre : Drame/Thriller/Adaptation

Durée : 2h30

Date de sortie : 20 janvier 2022

Le Pitch :

Dans les années 1930 aux États-Unis, un homme arrive dans une foire itinérante. Charismatique, il ne tarde pas à gagner la sympathie de toute la troupe. Il fait alors la rencontre de Madame Zeena, une voyante, et de Pete, son mari. Ce dernier l’initie au mentalisme et permet à l’homme de monter un numéro élaboré avec lequel il compte bien gagner beaucoup d’argent…

La Critique de Nightmare Alley :

Guillermo del Toro n’est pas trop du genre à se laisser porter par le succès pour vendre son âme au plus offrant. Alors que son dernier long-métrage, La Forme de l’eau, a remporté l’Oscar du meilleur film, le voici de retour aux commandes d’un projet tout sauf opportuniste, à savoir une adaptation du roman Le Charlatan de Willian Lindsay Gresham. Un livre par ailleurs déjà porté à l’écran en 1947. Alors, Nightmare Alley, qu’est-ce que ça donne ?

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La foire aux Freaks

Difficile, quand on n’a pas lu le livre ou vu la première adaptation, de savoir où Guillermo del Toro veut nous emmener alors que débute Nightmare Alley. Le mystère qui enveloppe Stan, le personnage principal, campé avec beaucoup de nuance par un Bradley Cooper au sommet de son art, est total. Qui est-il ? Que veux-t-il ? Difficile de déterminer les motivations de ce beau parleur bientôt amené à faire partie intégrante d’une troupe de forains qui n’est pas sans rappeler celle du Freaks de Todd Browning.

Hommage clairement assumé et habité au film noir, Nightmare Alley multiplie certes les références, à Freaks et à d’autres œuvres, mais le fait toujours avec parcimonie et goût, sans jamais que cela n’empiète sur le déroulement de l’histoire. Un déroulement aussi passionnant que fluide, qui entretient toujours le mystère, nous tenant en haleine en permanence.

Fantastiquement non fantastique

On se demande donc souvent où Nightmare Alley va. Est-ce que ce monstre, jalousement gardé dans une cage par le taulier de la foire, incarné par un Willem Dafoe à nouveau flamboyant de perfidie, va peu à peu prendre les commandes du récit pour s’imposer tel un antagoniste cauchemardesque ? Ce vieux mentaliste accro à la bouteille, superbement joué par David Strathairn est-il vraiment clairvoyant ? Encore une fois, le mystère est savamment entretenu et jamais le scénario, de concert avec la mise en scène de Guillermo del Toro, ne met la charrue avant les bœufs.

À l’heure où le cinéma se fait plus « consommable », plus rapide et spectaculaire, souvent au détriment du récit, Nightmare Alley impose une rythmique lancinante et prend son temps. Assez ironiquement, l’histoire, dans sa globalité, évoque les plus belles heures des Contes de la Crypte. Car Nightmare Alley est une fable. Un conte cruel peuplé de monstres qui évoluent parmi les humains cachés derrière des masques de normalité. Une histoire qui à la fin, assène impitoyablement son inéluctable morale, sans retenir ses coups.

Dans les méandres de l’esprit humain

Stanton, le personnage de Bradley Cooper, incarne l’essence du film avec une flamboyance certaine. Beau, affable, talentueux, il se laisse peu à peu consommer par son ambition, en voulant toujours un peu plus. Insatisfait chronique, cet homme entend prendre le monde à la gorge pour lui soutirer ce qu’il estime être son dû. À ses côtés, personne n’est vraiment innocent. Pas même cette belle jeune fille – troublante Rooney Mara- qui pourtant, fait office de symbole de pureté.

Alors que le monde se prépare à entrer en guerre, au moment où Hitler envahit la Pologne, le parcours de ce parvenu carnassier s’impose tel une métaphore aussi brutale que subtile. Pas étonnant que Nightmare Alley n’ait pas fonctionné au box-office américain tant sa démarche entend traduire la noirceur qui quelque-part habite l’esprit de tous les hommes, à travers le destin d’une poignée de marginaux justement enclins à arnaquer leur prochain pour arriver à leurs fins.

L’horreur est humaine

Terriblement actuel, Nightmare Alley, sous ses airs d’authentique film noir, est aussi bel et bien un film d’horreur. Si ce n’est qu’ici, l’horreur est humaine et se lit dans les actes de ces désespérés, animés d’une soif de pouvoir destructrice. Comme quand le personnage de l’exceptionnel Richard Jenkins tente maladroitement de purger son âme, avouant ses crimes atroces à un Bradley Cooper conscient qu’il vient de franchir une ligne invisible et que désormais, sa vie ne sera plus jamais la même.

Parfaitement maîtrisé, magnifiquement mis en scène, bénéficiant d’une photographie incroyable, Nightmare Alley reste un film exigeant et mature. Si son casting est bien évidemment attrayant, son déroulé, son message, sa faculté à instaurer petit à petit un malaise qui met un moment à nous quitter après la séance, en font un film plutôt perturbant. Guillermo del Toro nous tend un miroir à peine déformant et nous plonge bel et bien dans un cauchemar sans issue. Brillant.

En Bref…

Exigeant, terriblement sombre, magnifiquement écrit, réalisé et interprété, Nightmare Alley s’impose comme une fable cruelle sur la condition humaine. Une œuvre actuelle et maligne, effrayante et passionnante. Assurément l’un des meilleurs films de Guillermo del Toro.

@ Gilles Rolland

Nightmare-Alley-Cate-Blanchett-Bradley-Cooper
Crédits photos : Fox Searchlight Pictures

Par Gilles Rolland le 20 janvier 2022

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