[CRITIQUE] NOPE

Titre original : Nope
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jordan Peele
Distribution : Daniel Kaluuya, Keke Palmer, Steven Yeun, Brandon Perea, Michael Wincoo, Wrenn Schmidt, Keith David, Donna Mills…
Genre : Science-Fiction/Horreur
Durée : 2h15
Date de sortie : 10 août 2022
Le Pitch :
OJ et sa sœur Emerald tentent tant bien que mal de maintenir à flot le ranch familial, dans lequel ils dressent des chevaux pour le cinéma. Un jour, OJ voit dans le ciel une forme étrange. Manifestement hostile, celle-ci ne tarde pas à multiplier les attaques…
La Critique de Nope :
Considéré depuis la sortie de Get Out, son premier film en tant que réalisateur, comme l’un des nouveaux grands maîtres de l’horreur, Jordan Peele fait désormais autorité à Hollywood, multipliant les projets en tant que producteur mais aussi pour son propre compte. Et c’est donc 5 ans après ses débuts derrière la caméra avec Get Out et 3 ans après Us, son second essai pour le moins décevant que le cinéaste revient à la charge avec Nope.
Don’t Look Up
Toujours animé d’une volonté d’assaisonner les frissons avec un discours politico-social incarné, Jordan Peele se focalise ici sur les propriétaires d’un ranch spécialisé dans le dressage des chevaux pour le cinéma. Le seul de son genre tenu par des Afro-américains et l’un des premiers a avoir collaboré avec les grands studios hollywoodiens. Une manière plutôt orignale de débuter un récit qu’il a bien sûr lui-même écrit, où il est tout aussi question de la place des Afro-Amérciains dans l’industrie du spectacle que du désir de celles et ceux qui y évoluent de se battre en risquant parfois leur vie pour continuer à y exister, envers et contre le racisme mais aussi les bouleversements qui ont secoué Hollywood ces dernières décennies.

Métaphore hollywoodienne
Comme avec ses précédentes livraisons, Jordan Peele ne se contente donc pas de faire peur mais joue sur plusieurs tableaux. À l’heure où les remakes et autres suites règnent plus que jamais sur l’industrie du cinéma, Peele entend illustrer avec la créature de Nope l’aspect carnassier du monstre de divertissement, qui dévore sans l’ombre d’une hésitation tout ceux qui se laissent hypnotiser et charmer. Le personnage incarné par Steven Yeun devient ainsi la parfaite illustration de cette volonté, lui qui change brutalement de statut en cours de métrage pour souligner les intentions du scénario lors d’une séquence horrifique pour le moins éloquente.
Nope n’est donc pas un véritable blockbuster, malgré son budget confortable (70 millions de dollars) et sa mise en scène spectaculaire et ample, car jamais il ne s’abandonne complètement aux clichés en vigueur dans le seul but de divertir. Inspiré par Les Dents de la Mer, La Quatrième Dimension, mais aussi King Kong et Jurassic Park, Jordan Peele reprend dans ce curieux film de monstres des anciennes saveurs à son compte pour se livrer à un assemblage certes audacieux mais néanmoins parfois assez abscons.
La menace vient du ciel
Évoquant les productions d’antan, résolument tourné vers le passé avec ses références vintage pour la plupart très bien digérées mais aussi marqué par une modernité flagrante, Nope est néanmoins alourdi par une rythmique en dents de scie qui l’empêche de vraiment se montrer aussi redoutable que prévu. Jordan Peele, dans une démarche qui rappelle un peu celle de M. Night Shyamalan, essaye tellement de prendre les spectateurs par surprise qu’il finit par se prendre les pieds dans le tapis pour au final s’avérer assez sage. Certes sa mise en scène, qui renvoie à Steven Spielberg, et sa superbe photographie aident grandement le film a maintenir l’attention de son public, mais son écriture, parfois brouillonne, qui joue sur un mix de tonalités pas toujours très heureux, plombe l’ensemble.
En d’autres termes, ce ne sont pas les bonnes idées qui manquent dans Nope et Jordan Peele fait assurément ici preuve d’une audace qui devient rare à Hollywood. Pour autant, contrairement à Shyamalan avec Signes, le réalisateur n’arrive pas à se montrer toujours cohérent et donc efficace et complexifie inutilement une histoire qui s’avère au final assez basique. Fatalement, s’il se montre passionnant dans son premier tiers puis nettement plus prévisible par la suite, Nope ne décolle jamais assez longtemps pour être le grand film qu’il aurait pu être. Et ce malgré un casting solide et ce désir de faire passer un discours pertinent à travers un mélange des genres qui emprunte tout autant au western, à l’horreur pure et à la science-fiction old school.
En Bref…
Intéressant, passionnant par moment, remarquablement réalisé et visuellement abouti, Nope pêche par une rythmique trop irrégulière et une écriture qui, si elle ne manque d’ambition, ne parvient jamais à véritablement se montrer à la hauteur des attentes. Il serait certes exagéré de parler d’occasion manquée mais il est sûr que sous ses airs un peu prétentieux de trip s.f. révolutionnaire, Nope repose sur une écriture trop brouillonne pour pleinement convaincre.
@ Gilles Rolland
