[Critique] PROMISED LAND
Titre original : Promised Land
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Gus Van Sant
Distribution : Matt Damon, Frances McDormand, John Krasinski, Rosemarie DeWitt, Hal Holbrook, Lucas Black, Scoot McNairy, Titus Welliver, Terry Kinney, Sara Lindsey…
Genre : Drame
Date de sortie : 17 avril 2013
Le Pitch :
Steve Butler et sa collègue, Sue Thomason, se rendent dans une bourgade du fin fond des États-Unis, dans le but d’exploiter les gisements de gaz de schiste. Tous deux travaillent pour la compagnie pétrolière Global, et sont habitués à obtenir ce qu’il veut facilement. Néanmoins dans la ville où ils sont envoyés, la tâche va s’avérer beaucoup plus complexe qu’à l’accoutumée…
La Critique :
Matt Damon devait réaliser Promised Land, mais par manque de temps, c’est Gus Van Sant qui s’en est chargé, et ce pour notre plus grand plaisir. Non pas que Matt Damon ne soit pas talentueux, mais Van Sant est un excellent réalisateur, qui fonctionne très bien avec cet acteur justement (qu’il a déjà dirigé deux fois, dans Will Hunting et dans Gerry). De plus, c’est bel et bien Matt Damon, accompagné par John Krasinski, qui a écrit le scénario du film.
Le sujet est brûlant. Difficile d’être passé à côté de la polémique autour du gaz de schiste ces derniers mois. De nombreux pays (dont la France) sont toujours en pourparlers et en négociations, et il semblerait que cette question ne mette pas tout le monde d’accord. De nombreuses associations écologistes et de nombreux citoyens se lèvent contre ces projets qui mettraient en péril la bonne santé des sols, des habitants et de leur exploitation. En détails et très rapidement, quelques explications : pour extraire ce gaz, on utilise la technique de la fracturation hydraulique. Cela consiste à injecter en grande quantité, et à haute pression, un liquide constitué d’eau, de produits chimiques, et de sable. Ce procédé et cette extraction provoquent la pollution des nappes phréatiques, les fuites de méthane à l’effet de serre puissant, la pollution due au trafic des camions, et l’utilisation intensive de l’eau pour forer. Il y aurait également des risques augmentés de radioactivité et de cancers.
La photographie de Promised Land se veut réaliste, les paysages sont beaux, et les cadres sont en harmonie avec le décor. Un décor de petite bourgade typique du fin fond des États-Unis, avec une ferme, des habitants soudés et proches de la terre. On sent la touche « Amérique profonde » bien palpable, mais pas dans le mauvais sens du terme. Cette atmosphère réaliste n’empêche pas un esthétisme des plus soignés, où les couleurs mises en valeur par de nombreux filtres, nous transportent, et donnent un cachet tout particulier à cette œuvre réussie.
Au delà de cet aspect esthétique fameux, Promised Land est doté d’un casting de rêve dans sa totalité. À commencer par les deux acteurs principaux que sont Matt Damon et Frances McDormand. Cette dernière qui illumine littéralement l’écran par son talent incroyable. Rosemarie DeWitt avec son charme si particulier et son aisance, apporte également sa pierre à l’édifice. Les personnages féminins sont dessinés avec une grande intelligence, et beaucoup de subtilité. Ces deux actrices brillent et apportent un vif éclat à la caméra aiguisée de Van Sant.
Même si John Krasinski et Hal Holbrook ne sont pas en restent. Cette distribution générale (à qui j’ai voulu rendre honneur), illustre parfaitement un combat à la David et Goliath, comme on en observe souvent dans nos sociétés, où les grandes corporations réduisent à néant les organismes de plus petites échelles. C’est l’un de ces combats titanesques qui nous font penser au fabuleux Erin Brockovich, de Steven Soderbergh. Cinématographiquement, on retrouve une empreinte similaire, et la même authenticité.
Le seul petit bémol que l’on pourrait reprocher à ce film édifiant, c’est un côté un peu surfait dans la finalité, malgré un dénouement renversant. On dénote un aspect « plein de bon sentiments », avec une deuxième partie plus longue et laborieuse que la première.
La grande intelligence du film, c’est cet aspect profondément non manichéen, qui expose les personnages dans leur globalité. C’est à dire des protagonistes qui prennent des bonnes et des mauvaises décisions, mais qui restent avant tout des êtres humains complexes. Là réside tout le génie d’un réalisateur au talent rare. Le but est de raconter une histoire, tout en restant proche des réalités et des gens.
Promised Land n’est certainement pas l’œuvre la plus forte du réalisateur, pas la plus marquante non plus. Mais il est bon d’être interpellé de cette façon par un film intelligent, soigné et qui traite d’un sujet primordial. Le mérite est là. Gus Van Sant est un habitué des films engagés. On se rappellera très longtemps de Elephant (sorti en 2003), ce vibrant plaidoyer anti armes, pour ne citer que lui. Tout comme l’est Matt Damon, qui a pu s’illustrer en se prononçant sur de nombreux sujets de société.
D’ailleurs, Gus Van Sant est l’un des producteurs du prochain film de Rob Stewart (réalisateur du magnifique et très salué à travers le monde Sharwater / Les Seigneurs de la mer) qui sort en avril (pas encore de date précise) et qui a pour titre Revolution. Aucuns sujets sensibles et sérieux, ne semblent échapper au réalisateur prodige, et on espère qu’il continuera encore longtemps à mettre ses talents et son temps au service de nobles causes, car du cinéma comme celui-là, on en redemande.
@ Audrey Cartier
Crédits photos : Mars Distribution