[Critique] REVENGE

CRITIQUES | 9 février 2018 | Aucun commentaire
Revenge-poster

Rating: ★★☆☆☆

Origine : France
Réalisatrice : Coralie Fargeat
Distribution : Matilda Lutz, Kevin Janssens, Vincent Colombe, Guillaume Bouchède…
Genre : Thriller/Horreur
Date de sortie : 7 février 2017

Le Pitch :
Richard, un puissant chef d’entreprise et Jen, sa jeune maîtresse, se rendent dans une villa isolée dans le désert pour passer le week-end. Le lendemain de leur arrivée, les deux associés de Richard, venus pour une partie de chasse prévue de longue date, débarquent à leur tour, armés jusqu’aux dents et prêts à se défouler. Profitant de l’absence momentanée de Richard, l’un des deux hommes, obsédé par Jen, la viole. En voyant ce que son ami a fait, effrayé à l’idée que sa femme apprenne sa liaison, Richard décide de tendre un piège à Jen et finit par la laisser pour morte dans le désert. Mais la jeune femme reprend vie et, arme au poing, décide de se venger. La partie de chasse peut commencer…

La Critique de Revenge :

De temps en temps le cinéma de genre français tente une percée héroïque avec un film voulu sans concession qui généralement, parvient à faire parler de lui dans le cercle des amateurs, où, comme ce fut le cas pour Grave, bien au-delà (voir les nominations aux Césars). C’est rare, mais parfois, cela donne lieu à de bonnes surprises. Le cinéma français pouvant quoi qu’il en soit compter sur une petite poignée de cinéastes spécialisés dans l’horreur, l’épouvante ou encore le thriller hardcore. Et puis il y a les petits nouveaux qui ruent dans les brancards. Comme Coralie Fargeat, qui avec Revenge, est parvenue à sortir du lot, en festival puis auprès d’une audience un petit peu plus large. Une réalisatrice qui signe son premier film…

Revenge

Traversée du désert

Le genre rape & revenge est vraiment particulier en cela qu’il donne souvent lieu à des œuvres bien radicales mais aussi, le plus souvent, marquées par une outrance qui finit irrémédiablement par noyer la force du propos et sa pertinence. C’est d’ailleurs le cas de Revenge, qui constitue un parfait exemple de rape & revenge en roue libre, qui en plus de ne pas avoir intégré les codes du genre auquel il se rattache sans vergogne, se complaît dans un déferlement de violence qui finit par devenir ridicule au possible. Et malheureusement, c’est loin d’être sa seule tare.
Pour autant, on comprend rapidement où Coralie Fargeat veut en venir : Revenge interroge la place de la femme dans la société, traite de la violence que cette dernière subit de la part des hommes puissants et organise une vengeance voulue radicale afin de clouer au piloris la figure du violeur qui agit impunément, comptant sur son influence, son argent, ses avocats et sa position privilégiée pour toujours s’en sortir. Il convient d’ailleurs de souligner que si il a été conçu avant que l’affaire Weinstein n’éclate (et toutes les autres qui ont suivi), Revenge trouve dans le contexte actuel de multiples raisons de raisonner avec force. Avec plus de mesure et de maîtrise, le film aurait pu constituer une sauvage réponse aux affaires révoltantes en cours et devenir en quelque-sorte un parfait pamphlet féministe à la fois malin et violent. Mais non, Revenge n’est au final qu’un énième coup d’épée dans l’eau. Un film dont le propos vient certes raisonner pour plusieurs raisons dans une douloureuse actualité, mais qui ne parvient jamais à faire valoir ses atouts, préférant tabler sur de bons vieux clichés pas du tout digérés et, pour la plupart, pas compris non plus…

I Spit On Your Grave

Ce qui apparaît rapidement évident, dès que Revenge vient se réfugier derrière des artifices douteux en forme de cache-misère, c’est que ce dernier n’a pas du tout intégré l’importance de la nuance dans un tel genre. Bien sûr, on peut tout à fait utiliser le gore pour illustrer son propos. Beaucoup de longs-métrages y sont parvenus sans se prendre les pieds dans leurs propres ambitions. Mais pas Revenge. Non, Revenge lui, déverse des litrons de sang en espérant qu’au final, cela vienne alimenter ses thématiques et appuyer leur impact. Manichéen comme c’est pas permis, il se complaît dans une brutalité qui finit, comme souligné plus haut, par devenir ridicule, voire carrément risible, démontant pièce par pièce la tension qu’il s’était efforcé laborieusement de bâtir lors du premier quart. Il suffit de voir l’outrancier affrontement final pour s’en convaincre. Une ultime scène qui finit d’enfoncer Revenge dans les tréfonds d’un n’importe quoi gênant, prouvant par cela non seulement son manque de pertinence mais aussi son incapacité manifeste à faire preuve d’un tant soit peu de subtilité.
Et c’est quand Jen, l’héroïne campée par Matilda Lutz, se relève de sa chute, après avoir été laissée pour morte, que le film part complètement en vrille (et pas dans le bon sens). À partir de ce point précis, Revenge s’enfonce. Les personnages se vident littéralement dans le désert, les dialogues sont de plus en plus crétins, les clichés se retrouvent exacerbés pour le pire et en plus, tout ceci est bien trop long pour s’avérer véritablement marquant. Surtout qu’en l’occurrence, le second degré est totalement absent. Un second degré qui aurait pu permettre au script de marquer comme il le souhaitait les esprits et de justement exploiter des ressorts horrifiques sans tomber dans le ridicule.
Parcouru de métaphores foireuses, de plans probablement envisagés comme de puissantes allégories de la lutte du personnage principal mais en réalité parfaitement aux fraises, gore sans que cela ne soit justifié et justifiable et porté par des comédiens pas vraiment dirigés et, pour la plupart, à côté de la plaque, Revenge est avant tout une enfilade de scènes chocs vides de sens. Alors oui, Coralie Fargeat sait tenir une caméra (certains plans se détachent, malgré un maniérisme trop appuyé), mais c’est surtout quand il faut insister sur certains détails, histoire de surligner jusqu’à l’excès ses thématiques, qu’elle se montre malheureusement à la hauteur. Quand il faut filmer les courbes parfaites de Matilda Lutz avait de se complaire à fixer en gros plan la bouche de l’un des mecs, le plus gros et donc forcément le plus dégueulasse, c’est plus facile comme ça, alors que ce dernier engloutit des petits ours en chocolat.
Parce que c’est aussi cela Revenge : un film qui s’envisage comme une charge féministe sans concession mais dont les postures supérieures et prétentieuses le changent en tentative aussi vaine que vulgaire.
À vrai dire, seule Matilda Lutz, dans un rôle compliqué car mal écrit, parvient à miraculeusement tirer son épingle du jeu. Hyper charismatique, la jeune actrice est d’un magnétisme ahurissant, qu’elle joue la starlette en quête d’attention où la survivante, fusil au point, dans un désert riche en symboles en carton. Un diamant qui surnage on ne sait trop comment dans un océan de mélasse…Autant revoir I Spit On Your Grave, qui au moins assumait pleinement sa condition et parvenait au final à communiquer beaucoup plus sans se donner des airs supérieurs.

En Bref…
Encore raté ! Envisagé comme un violent pamphlet féministe, riche de réflexions sur la place de la femme dans la société, sur la domination des hommes et sur la quête de reconnaissance, Revenge n’est qu’un énième film d’horreur français totalement hors de contrôle qui se vautre dans un gore absurde, sans une once de second degré, en snobant les codes qu’il exploite pourtant, armé d’une prétention qui finit de rendre le tout ridicule.

@ Gilles Rolland

Revenge-Matilda-Lutz   Crédits photos : Rezo Films

Par Gilles Rolland le 9 février 2018

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