[Critique] AU REVOIR LÀ-HAUT

CRITIQUES | 27 octobre 2017 | Aucun commentaire
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Rating: ★★★★☆

Origine : France
Réalisateur : Albert Dupontel
Distribution : Nahuel Perez Biscayart, Albert Dupontel, Laurent Lafitte, Niels Arestrup, Héloïse Balster, Emilie Dequenne, Mélanie Thierry, Philippe Uchan, André Marcon, Michel Vuillermoz, Kyan Khojandi…
Genre : Drame/Comédie/Adaptation
Date de sortie : 25 octobre 2017

Le Pitch :
Albert, dessinateur de génie et Édouard, comptable, deviennent amis en combattant dans les tranchées. En sauvant Albert d’une mort certaine, Édouard est blessé par une explosion sur le champ de bataille alors que la guerre est sur le point de se terminer. Défiguré et officiellement mort à la guerre, il décide de profiter de son anonymat pour se venger de la France en montant une arnaque aux monuments aux morts. Il entraîne Albert ainsi qu’une jeune fille dans l’aventure…

La Critique de Au Revoir Là-Haut :

Pour sa première adaptation, Albert Dupontel a choisi le roman Au Revoir Là-Haut de Pierre Lemaître. Livre qui a reçu le Prix Goncourt en 2013. Un film dont le scénario s’est décliné au fil de 13 versions différentes et qui, au final, s’impose comme le long-métrage le plus ambitieux et le plus original de l’année.

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Balles et masques

Au Revoir Là-Haut commence sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Les balles font tomber sans distinction des hommes par milliers, les obus déchirent les corps, les visages et les esprits, les armes détruisent les innocences. Bien que se situant dans le passé, le film est d’une modernité confondante et, dans notre contexte où l’Histoire semble se répéter en boucle, sonne plus que jamais d’actualité. Deux hommes se lient d’amitié dans ce décor d’apocalypse et dans un semblant de pause, l’un d’entre eux se voue à son art. Après l’armistice, cet homme est devenu une « gueule cassée », son visage est mutilé et il doit se réfugier dans la créativité pour se reconstruire, au sens littéral du terme. Partant de là, Dupontel met à profit toute son imagination avec l’appui de Cécile Kretschmar qui a conçu les masques qui s’adaptent à l’humeur que son propriétaire veut leur donner. Ce qui pourrait être un artifice devient presque un personnage à part entière et constitue un des ressorts visuels principaux multipliant les références à la culture du début du XXème siècle. Dans une séquence, ces masques servent de métaphores lors d’un réquisitoire contre les faiseurs de guerre. Ces puissants chefs et industriels dansant main dans la main et s’adonnant à un jeu d’échecs géant. On les retrouve par ailleurs encore aujourd’hui et c’est ce que dénoncent Lemaître et Dupontel. Ce dernier faisant preuve d’une subtilité que les fans de ses débuts ne lui connaissaient que peu. Dans cette charge, un personnage incarne toutes les bassesses du monde, à savoir Pradelle, un lieutenant belliqueux, veule, et cruel qui se mue après la guerre en entrepreneur sans scrupules qui n’hésite pas à se faire du beurre sur les morts. Moins trash, moins frontal, moins bourrin qu’à ses débuts, Albert Dupontel n’en a pas pour autant perdu sa verve.

A l’Ouest, du nouveau

Chantre d’un humour noir sans aucune concession, Albert Dupontel a marqué les esprits avec le culte Bernie puis avec Le Créateur. Au fil de ses films, on le trouvait assagi, un peu trop peut-être même si dans Neuf Mois Ferme, il apportait un peu de la folie furieuse qui a contribué à bâtir son style si particulier. Une impression que l’on a encore avec Au Revoir Là-Haut. En revanche, on ne peut pas lui reprocher un manque d’originalité et de prise de risques. Là encore, il ose trancher avec le cinéma hexagonal actuel (même si par moments, il se rapproche un peu d’un Jean-Pierre Jeunet). Il se montre inventif et fait preuve d’une direction artistique très fouillée, mettant en place un univers onirique. De plus, il sait également se montrer très habile avec une caméra comme l’attestent plusieurs plans magnifiques et variés (superbe travail de Vincent Mathias à la photo). Sur le plan visuel et technique, comme la plupart des films de Dupontel, Au Revoir Là-Haut fait souffler un vent de fraîcheur dans un cinéma hexagonal balisé, sclérosé et empêtré dans une somme de poncifs.
Dupontel qui a également su s’entourer. En premier lieu, le jeune Nahuel Perez Biscayart (vu dans 120 Battements par Minute) accomplit un vrai tour de force, à savoir celui de composer toute une palette d’émotions et de les communiquer au public, alors que son personnage ne peut articuler et qu’on ne voit au maximum que la moitié de son visage. Pour l’accompagner, la toute jeune Héloïse Balster fait des débuts prometteurs. Comme à son habitude, Niels Arestrup, monstre de charisme, est impeccable et finit même par émouvoir. Quant à Laurent Laffite (un des rares « de la Comédie Française » qui ne soit pas insupportable à l’écran) prouve, quand il ne s’essaie pas à l’humour sur scène ou comme animateur dans un festival, qu’il peut être un acteur solide et son personnage de salaud intégral, véritable boite de Pandore humaine, est parfaitement crédible.
Au Revoir Là-Haut a donc tous les arguments pour décrocher des nominations, voire cartonner aux Césars (pour peu que l’Académie fasse enfin preuve d’audace). Ce qui serait mérité.

En Bref…
Faisant parti des films français les plus attendus de l’année, Au Revoir Là-Haut ne déçoit aucunement, en partie grâce à un casting en état de grâce. Si il est difficile de voir ici le meilleur Dupontel, ce dernier ayant perdu un peu de sa radicalité, force est de reconnaître ici un film ambitieux, poétique et intelligent. Avec son parti-pris original, sa direction artistique recherchée et son esthétisme, c’est en outre l’œuvre la plus visuellement aboutie de son réalisateur. Et un Dupontel même moins bon qu’à ses débuts, ça botte quand même le cul de pas mal de cinéastes hexagonaux.

@ Nicolas Cambon

Au-revoir-là-haut-Albert-Dupontel  Crédits photos : Gaumont Distribution

Par Nicolas Cambon le 27 octobre 2017

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