[Critique] SEUL SUR MARS

CRITIQUES | 21 octobre 2015 | Aucun commentaire
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Titre original : The Martian

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis
Réalisateur : Ridley Scott
Distribution : Matt Damon, Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Jeff Daniels, Michael Peña, Sean Bean, Sebastian Stan, Aksel Hennie, Chiwetel Ejiofor, Mackenzie Davis, Benedict Wong…
Genre : Science-Fiction/Adaptation
Date de sortie : 21 octobre 2015

Le Pitch :
Dans un futur proche, lors d’une expédition sur Mars, une violente tempête force les astronautes à quitter prématurément la planète. Mark Watney, l’un des membres du groupe, manque cependant à l’appel. Heurté par un débris, il est laissé pour mort par ses coéquipiers, qui doivent se résigner à entamer le trajet retour. Pourtant, Watney est bien vivant. Seul sur Mars, avec à sa disposition des ressources extrêmement limitées, il va devoir faire appel à son savoir et à beaucoup d’ingéniosité pour subsister et tenter de contacter la Terre. À plusieurs millions de kilomètres, la Nasa travaille quant à elle d’arrache-pied afin d’organiser une mission de sauvetage…

La Critique :
Ridley Scott va bientôt fêter ses 78 ans. Depuis 2000 et Gladiator, le rythme de ses livraisons est à proprement parler impressionnant. Tout particulièrement depuis 2012 et Prometheus. Scott enchaîne les projets d’envergure à l’ambition souvent démesurée et accouche d’œuvres racées, loin de ses films les plus pépères, comme Une Grande Année, pour ne citer que lui. Prometheus donc, qui opérait un retour vers les origines de son cinéma, en initiant un trait d’union avec Alien, puis Cartel, l’un des thrillers les plus marquants de ces dernières années, Exodus, une fresque biblique XXL façon Cecil B. DeMille, et maintenant Seul sur Mars, soit l’adaptation homérique du best-seller d’Andy Weir. Moins d’un an sépare ses deux derniers long-métrages. Rien ne semble plus arrêter Scott et son appétit féroce de cinéma. En pleine forme, en phase avec le public qui remplit plus que jamais les salles, toujours joyeusement indifférent aux critiques de ceux qui pour la plupart retourneront probablement leur veste quand le moment viendra (comme ils ont opéré avec son frère, Tony, décédé en 2012, devenu subitement un saint aux yeux de ceux qui dézinguaient tous ses films), Ridley s’impose décidément comme l’un des derniers chevaliers d’une certaine idée d’un cinéma américain généreux et fédérateur.

Seul-sur-Mars-cast

Avec Seul sur Mars, le réalisateur s’est mine de rien attaqué à un genre épineux. Il faut dire qu’à quelques exceptions près, la planète rouge n’a jamais vraiment porté chance à ceux qui ont voulu y ancrer leurs récits. Que ce soit Brian De Palma (Mission to Mars), John Carpenter (Ghosts of Mars), ou Andrew Stanton (John Carter) pour ne citer que les plus fameux, sans oublier des œuvres comme Planète Rouge ou le plus récent The Last Days on Mars, beaucoup se sont cassés les dents. Commercialement, artistiquement ou les deux, dans le cas des plus gros naufrages. En cela, Seul sur Mars (qui à l’heure de la publication de cette critique fait un carton au box-office américain) rompt cette espèce de malédiction. Ce qui n’était pas vraiment gagné au départ, compte tenu du fait qu’on parle ici d’un long-métrage principalement centré sur un type seul, paumé au beau milieu d’une immense étendue désertique. Une sorte de déclinaison de Seul au Monde, et donc de Robinson Crusoé, mais dans l’espace.
Basé sur l’histoire burnée d’Andy Weir, brillamment adaptée par Drew Goddard (l’un des hommes derrière la flamboyante résurrection de Daredevil à la télévision), le métrage fait rapidement tomber tous les doutes qu’il pouvait susciter en premier lieu, sans jamais flancher. Il n’est jamais ennuyeux, ne s’embourbe pas, les ellipses sont toutes pertinentes, le rythme est parfait et la tonalité jamais plombante. La « faute » à un humour savamment dosé et la plupart du temps redoutable, mais aussi à une bande-originale (signée Harry Gregson-Williams) faisant la part belle à des tubes disco dont le caractère pour le moins décalé, profite étrangement à l’ambiance si particulière qui se dégage de l’ensemble.
Autre détail aussi surprenant qu’enthousiasmant : le refus catégorique de céder aux émotions faciles. De se complaire dans le pathos et la guimauve. Conscient qu’il appelle des situations attendues, propulsées par des notions souvent présentes dans ce genre de films, comme le courage, le script n’insiste pas inutilement. Il ne s’attarde pas sur ce qui est assez clair pour laisser respirer les ressentis et du coup, leur offrir une portée décuplée. L’absence de grosse romance va aussi dans ce sens. Pas vraiment révolutionnaire dans le fond, Seul sur Mars l’est par contre presque quand il tente une approche plus sensitive et moins « hollywoodienne » dans l’âme.

Droit dans ses bottes, Ridley Scott, accompagné de son fidèle directeur de la photographie Dariusz Wolski, illustre cet excellent script en alternant la grandiloquence spectaculaire des blockbusters et le caractère plus intimiste qui va comme un gant à la situation de ce type abandonné sur une planète hostile. Ainsi, Seul sur Mars illustre la synthèse parfaite entre deux écoles de cinéma qui ont finalement tout à gagner à s’associer quand le projet le justifie. Grandiose, magnifiquement mis en scène, dispensant un suspense à couper au couteau et inscrit dans la démarche réaliste imposée avec succès par Gravity et Interstellar, le long-métrage sait aussi se poser, quand il nous fait partager les peurs et les doutes du « naufragé », alors que ce dernier se confie à son journal de bord. Une tactique très maligne qui rend en outre la compréhension totale, quand bien même les sujets relatifs à la science auraient pu paumer pas mal de monde en chemin.
Car si Seul sur Mars cause de quelque chose qui relève de la science-fiction (bien qu’on s’en rapproche de plus en plus), il se refuse à tout sensationnalisme facile. Mars n’est presque qu’un prétexte à raviver les thématiques de Robinson Crusoé. Il propose de nouveaux défis à cette figure bien connue de la littérature et du cinéma, et souligne d’une autre façon les métaphores et la philosophie qui découlent de ce combat pour la survie.

Matt Damon, le héros de cette fresque spatiale humaniste, est à nouveau un gars en quête de secours. Un rôle taillé pour cet acteur parfait de A à Z. Tout spécialement quand le job implique un engagement physique et moral total. Si le scénario fonctionne aussi bien, c’est en grande partie grâce à lui et sa capacité à traduire à l’écran le désespoir puis la joie, le courage puis le dépit, sans jamais rien lâcher. Il est le pilier d’une œuvre vraiment galvanisante, dont la puissance rappelle les grands classiques du genre, et incite à le placer au panthéon des films « spatiaux ». Surtout que derrière, le casting 5 étoiles lui assure un prestige impressionnant. Kate Mara, Jessica Chastain, Kristen Wiig (à contre-emploi), Chiwetel Ejiofor, Sean Bean, ou encore Jeff Daniels ne sont pas de simples faire-valoir, pas plus que tous les autres. Même ceux qui campent des archétypes de ce style de divertissements. Tous vont dans la même direction, parfaitement dirigés par un réalisateur en phase avec son récit et ses collaborateurs.

À nouveau, en un temps record (surtout si on prend en compte le fait que la sortie a été avancée), Ridley Scott nous offre un grand moment de cinéma. Seul sur Mars repose sur une volonté d’embrasser des ressorts bien connus, mais se les approprie avec une sincérité réellement appréciable. Dénué de cynisme, dévoué à ses personnages, et à la lutte centrale de ce Robinson 2.0, il s’apparente à une sorte d’ode suprême à la science (avec LA réplique clé « je vais devoir en chier de la science ! »), avec son héros super-geek, qui survit avant tout grâce à son cerveau et non plus uniquement grâce à ses muscles. Avec sa volonté de proposer une alternative en forme de remise à jour du héros yankee typique, Seul sur Mars prend rapidement des airs de classique instantané, ancré dans son époque. Le genre qui reste dans les mémoires et qui devrait, à l’instar de Gladiator en son temps, s’inscrire comme la nouvelle référence de sa catégorie.
Les récents progrès en matière d’exploration spatiale ne cessent de nous rapprocher de cette planète, source de nombreux fantasmes. En prenant le contre-pied d’une science-fiction fantasque, Ridley Scott s’inscrit dans une réalité à peine extrapolée et nous fait entrevoir l’avenir. Un grand merci pour ce voyage épique.

@ Gilles Rolland

Seul-sur-Mars-Matt-DamonCrédits photos : 20th Century Fox France

 

Par Gilles Rolland le 21 octobre 2015

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