[Critique] SPRING BREAKERS

CRITIQUES | 6 mars 2013 | 1 commentaire

Titre original : Spring Breakers

Rating: ★★★½☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Harmony Korine
Distribution : Ashley Benson, Selena Gomez, Rachel Korine, Vanessa Hudgens, James Franco, Sidney Sewell, Thurman Sewell, Heather Morris…
Genre : Drame
Date de sortie : 6 mars 2013

Le Pitch :
Rêvant de fuir leur quotidien morose, trois étudiantes décident de braquer un fast food, afin de se payer un voyage en Floride à l’occasion du spring break. Une fois les poches pleines, elles enrôlent une quatrième amie et partent, en quête de sensations fortes et d’une nouvelle vie. Une fois sur place, les choses prennent pourtant une drôle de tournure. Notamment quand leur route croise celle d’Alien, un rappeur local et criminel notoire…

La Critique :
Quand on a connu la célébrité très jeune, grâce à la chanson, à la télé ou au cinéma, en incarnant un certain idéal bien sous tous rapports, difficile de s’imposer une fois l’adolescence finie. En France, beaucoup de starlettes, autrefois habituées à chanter des bluettes pour gamines bercées aux contes de fées modernes, posent à poil pour des magazines comme Entrevue, ou s’affichent dans des poses lascives, dans des vidéos, à l’image de Laurie et de son dernier clip qui la montre carrément en train de bouffer à pleine bouche une banane au chocolat. Aux États-Unis, le problème est le même pour celles et ceux qui désirent se défaire d’une aura juvénile et ainsi acquérir à la fois un nouveau public et une crédibilité plus solide dans leurs disciplines respectives. Britney Spears s’est rasée la tête, Lindsay Lohan a tout fait, y-compris le pire, et Taylor Momsen a tourné gothique trash (au rabais mais quand même). Les gars ne sont bien sûr pas en reste, comme en témoigne la dernière performance en date de Zac Efron, dans Paperboy, où il se fait pisser dessus par Nicole Kidman.
Bien sûr, il ne faut pas faire de généralités et certains arrivent très bien à négocier cette transition sensible, comme par exemple Jodie Foster ou Ryan Gosling et leur carrière quasi-parfaite et dénuée d’un violent électrochoc brutal, censé illustrer le passage définitif à l’âge adulte.
Rien à voir en somme avec Selena Gomez et Vanessa Hudgens, qui ont décidé de confier la destruction de leur image de Disney Girls bien proprettes à Harmony Korine, un réalisateur connu pour ses brûlots juvéniles trash, mais aussi pour ses collaborations avec le non moins trash Larry Clark (sur le culte Kids par exemple). Et Selena et Vanessa n’ont pas misé sur le mauvais cheval…

Armé d’un scénario direct, simple et efficace, Harmony Korine pose, avec son dernier film, un regard sans concession sur la génération spring break. À savoir sur une certaine jeunesse américaine avide de fiestas allègrement arrosées, de sexe sans tabous et de défonce en tout genre. Véritable cour des miracles, le spring break apparaît en effet comme le terrain de jeu idéal pour un cinéaste désirant mettre en exergue les attentes d’une génération prise en étau entre la crise et les espérances suscitées par les médias de la télé-réalité et de l’argent facile. Authentique laboratoire à ciel ouvert où tout le monde se balade à moitié à poil, jamais bien loin d’un joint ou d’une ligne de coke, et rythmé par des hymnes électro transcendants, le spring break est, comme dans le Piranha d’Alexandre Aja (dans une moindre mesure), un simple prétexte pour se livrer à une étude en règle d’une catégorie bien spécifique de personnes attirées par les activités borderlines.

Ne mentant absolument pas sur la marchandise, Spring Breakers envoie du lourd. Très vite, il ne cache pas son ton déluré et résolument libre. Tout y passe et rien ne nous est caché. Voulu comme une expérience hallucinogène par son créateur, le film s’apparente en effet à un gigantesque trip tour à tour contemplatif, surexcité, violent ,sexy et bordélique. La musique est omniprésente, Korine use jusqu’à l’excès de certains gimmicks sonores franchement gonflants, les images regorgent de teintes fluos, des phrases sont répétées comme autant de mantras sous ecstasy, la violence est frontale et le sexe tout autant.
Étonnamment fondues dans cette ambiance pourtant complètement opposée à leurs précédents faits de gloire, Ashley Benson et Vanessa Hudgens (complètement déchainées) semblent prendre un malin plaisir à choquer et à surprendre, tout comme Rachel Korine (la femme du réalisateur). Rien ne les arrête et si certains seront tentés de leur faire des reproches, ce ne pourra pas être celui de se montrer timorées. Une tendance que ne suit pas Selena Gomez, pour autant impliquée dans pas mal de situations déjà bien « extrêmes » (par rapport à ses précédentes apparitions au cinéma ou à la télé), mais garante d’une retenue certaine, et représentante de l’énorme clivage entre l’Amérique puritaine et pieuse et l’Amérique trash. Cette dernière y va mollo et ce n’est pas plus mal, tant son rôle amène un peu de mesure à une orgie visuelle et sonore parfois trop excluante pour se montrer véritablement immersive jusqu’au bout.

Basé sur une mise en scène chiadée mais étrangement nuisible au rythme du film, agrémenté de nombreux ralentis maniérés et autres flash backs ou flash forwards pas toujours utiles, Spring Breakers devrait laisser beaucoup de spectateurs sur le bas-côté. D’une part ceux qui s’attendent à trouver là qu’un erzatz d’American Pie riche en nymphettes à moitié nues et complètement bourrées et d’autre part, ceux qui resteront hermétiques au caractère un peu trop foutraque de l’entreprise.

Quoi qu’il en soit, Spring Breakers vaut le détour. Pour la simple et bonne raison, que même si il déçoit, il s’avère être une véritable expérience de cinéma. Le cahier des charges est ce qu’il est, mais il est rempli jusqu’au bout. James Franco apportant quant à lui son charisme dans un rôle bigger than life étonnant, proche de celui de Gary Oldman dans True Romance. Pour Franco donc, mais aussi pour un quatuor de comédiennes courageuses, totalement convaincantes, et il faut bien le dire, très sexy, ou encore pour le regard acerbe, un poil cynique et franc du collier de son réalisateur, Spring Breakers assure le show. Et du même coup se démarque d’un film creux et crétin comme Projet X, qu’on serait tenter de rapprocher de Spring Breakers.

Et après tout, comment ne pas saluer un film qui parvient à distiller, l’espace une scène, une jolie poésie en forme d’oasis de sérénité dans un désert de cul, de coke et de gnôle, en convoquant la musique de cette brave Britney, représentante ultime et respectée d’une génération aux espoirs contradictoires et contagieux.

@ Gilles Rolland

Spring-Breakers-photoCrédits photos : Mars Distribution

Par Gilles Rolland le 6 mars 2013

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ThaliaGrace
ThaliaGrace
11 années il y a

La critque resume assez bien l’esprit du film