[Critique] STILLWATER

CRITIQUES | 3 octobre 2021 | Aucun commentaire
Stillwater-poster-France

Titre original : Stillwater

Rating: ★★★★☆

Origine : États-Unis

Réalisateur : Tom McCarthy

Distribution : Matt Damon, Abigail Breslin, Camille Cottin, Lilou Siauvaud, Deanna Dunagan, Anne Le Ny, Moussa Maaskri…

Genre : Drame

Durée : 2h20

Date de sortie : 22 septembre 2021

Le Pitch :

Ancien foreur de pétrole, Bill Baker quitte depuis plusieurs années sa ville de Stillwater en Oklahoma pour rendre visite à sa fille, emprisonnée à Marseille. Condamnée à neuf ans de réclusion pour le meurtre de sa petite-amie, la jeune femme ne cesse de clamer son innocence. À nouveau dans la cité phocéenne pour deux semaines, Bill entre en possession de preuves qui pourraient bien changer la donne. Il décide alors de prolonger son séjour pour tenter le tout pour le tout afin de ramener son enfant à la maison…

La Critique de Stillwater :

Acteur abonné aux seconds rôles, vu notamment dans Mon beau-père et moi et Syriana, Tom McCarthy s’est mis à la réalisation et à l’écriture en 2003. Une initiative saluée par la critique qui a su réserver un accueil plus que chaleureux à ses films, The Visitor et Spotlight en tête. Ce dernier ayant même permis au cinéaste de remporter trois Oscar (pour le film en lui-même, le scénario et la mise en scène). Tom McCarthy qui revient au charbon cette année, après un passage au Festival de Cannes et à celui de Deauville, avec Stillwater

Ceci n’est pas un Taken marseillais

Avec son histoire centrée sur un père un peu bourru désireux de sortir sa fille de prison, perdu dans une ville dont il ne maîtrise ni la langue ni les codes, Stillwater aurait en effet pu ressembler à Taken. Surtout avec Matt Damon dans le rôle titre, lui qui a mainte fois prouvé que quand il faut casser des bouches et balancer des patates de forain, il peut se montrer tout à fait capable. Mais non, Stillwater est plutôt un drame doux-amer, où l’action pure et dure n’a pas sa place. Même si, rassurez-vous, Matt Damon en place quand même une ou deux…

Stillwater-Matt-Damon-Camille-Cottin

And justice for her

Pour Stillwater, Tom McCarthy a donc emmené l’ancien soldat Ryan à Marseille pour un séjour de deux mois dans des lieux pas vraiment glamour, finalement loin du Vieux-Port. Une bonne idée tant le décalage permet d’emblée au film de gagner son identité. Voir Matt Damon, à nouveau très solide dans le rôle d’un père un peu paumé, à peine capable de gérer sa propre vie, parachuté dans une grande ville française, s’avère intéressant à plus d’un titre. Jouant sur le fait que Bill Baker, le personnage central, ne sait pas parler français et pense avant tout comme un Américain, bloqué par un système auquel il se soumet de mauvaise grâce, Stillwater sait miser sur les bonnes cartes pour maintenir notre attention au beau-fixe.

Résultat, le récit se montre vite assez immersif. Il est bien sûr en cela plus que jamais indispensable d’opter pour la V.O. Pour justement piger le décalage de la langue, ici primordial. À ranger d’une certaine façon aux côtés d’autres films du genre, comme Frantic de Roman Polanski, Stillwater se refuse néanmoins à tout sensationnalisme pour adopter une posture plus intimiste, et ainsi plus favorable à l’émergence d’une belle émotion, qui paraît ainsi plus authentique car pas parasitée par des scènes d’action ou des clichés trop éculés.

Plus dure la vie

Ayant eu accès à des endroits comme la prison des Baumettes, Tom Carthy a parfaitement su exploiter son nouveau terrain de jeu. Le réalisateur a aussi le bon goût de ne pas chercher à « glamouriser » la ville, bien au contraire. Il parvient d’ailleurs même à se servir du recul dont bénéficie son personnage principal pour livrer un état des lieux très éloquent sur une cité sur bien des aspects divisée, parfois au bord de l’implosion. Rarement Marseille n’a brillé de cette façon, à travers ses contradictions notamment, sur un écran de cinéma. Là est l’une des plus grandes qualités de Stillwater.

Un américain sur la Canebière

Loin des French Kiss (avec Kevin Kline et Meg Ryan, souvenez-vous) et autres Green Card (avec Gérard Depardieu et Andy McDowell), Stillwater se montre suffisamment honnête envers son public et ses propres intentions, mais aussi sobre et juste pour convaincre. Alors bien sûr, la réalisation de Tom McCarthy manque un peu d’ampleur. Finalement, le metteur en scène, totalement au service de son récit, peine à imposer un style vraiment marqué et donc à conférer à Stillwater une « patte » à part. Mais on peut aussi voir là une volonté de justement continuellement miser sur la sobriété. Et puis parfois, quand l’histoire le justifie vraiment, comme lors de cette scène au Vélodrome, McCarthy sait monter dans les tours.

Choc des cultures

En revanche, quand il s’agit de diriger ses acteurs, le réalisateur se montre toujours aussi bon. Si Matt Damon incarne le pivot, vraiment irréprochable et même impressionnant à plus d’un titre, Camille Cottin parvient aussi à s’imposer. Sans oublier l’étonnante Abigael Breslin. Même la jeune Lilou Siauvaud joue bien. C’est important de le souligner car il faut bien reconnaître qu’en France, les enfants acteurs, pour une raison ou pour une autre, jouent souvent comme des truffes. Mais pas elle et à l’arrivée, toutes ces performances, équilibrées et nuancées, participent à la réussite et à la pertinence de l’ensemble.

On pourra donc trouver que tout ceci manque un peu de personnalité, que la photographie est fade et que le récit se déroule sans grande surprise mais l’intérêt est ailleurs. Il se trouve dans cette simplicité apparente justement, et dans cette sincérité de tous les instants. Il se trouve aussi dans ce choc des cultures, dans les yeux de ce père en détresse et dans ces petits moments de grâce où l’émotion fleurit et prend presque par surprise…

En Bref…

Plus intense qu’il n’y paraît, toujours juste et remarquablement incarné, Stillwater sait parfaitement exploiter le décalage à la base de son récit. Au point de parfois mettre la trame principale de côté pour s’y consacrer pleinement. Comme si un film se cachait dans le film… Après le perturbant Spotlight, Tom McCarthy réussit à nouveau à toucher dans le mille. Peut-être avec moins de flamboyance, plus discrètement mais sans jamais se départir de sa sincérité.

@ Gilles Rolland

Stillwater-matt-Damon
Crédit photos : Universal Pictures France
Par Gilles Rolland le 3 octobre 2021

Déposer un commentaire

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires