[Critique] T2 TRAINSPOTTING
Titre original : T2 Trainspotting
Rating:
Origine : Royaume-Uni
Réalisateur : Danny Boyle
Distribution : Ewan McGregor, Jonny Lee Miller, Ewen Bremner, Robert Carlyle, Kelly Macdonald, Irvine Welsh, Shirley Henderson, Anjela Nedyalkova, James Cosmo…
Genre : Comédie/Drame/Suite/Adaptation
Date de sortie : 1er mars 2017
Le Pitch :
Mark Renton revient au pays, 20 après ans. Rangé des voitures, clean, il se dédie maintenant au sport qu’il pratique intensivement. Mais son retour à Édimbourg le pousse bien sûr à retrouver ses vieux potes de débauche, Spud, Sick Boy et Begbie et donc à se confronter à la rancœur que sa trahison et son départ n’ont pas manqué de provoquer. L’occasion aussi de se souvenir du passé. D’une époque définie par les excès et l’auto-destruction…
La Critique de T2 Trainspotting :
La brouille entre Ewan McGregor et Danny Boyle remonte à la fin des années 90, quand le réalisateur préféra embaucher Leonardo DiCaprio pour tourner dans La Plage, alors que McGregor n’aurait pas craché sur le job. Depuis, pas moyen d’envisager des retrouvailles pour les deux hommes. Jusqu’au jour où… À l’instar d’Axl Rose et de Slash des Guns N’ Roses, qui eux aussi, avaient juré de ne jamais se réunir à nouveau, McGregor et Boyle ont enterré la hache de guerre. Et quel meilleur moyen de fêter cette belle réconciliation que d’offrir une suite à leur plus flamboyant fait de gloire commun, à savoir Trainspotting ?!
Requiem pour un junkie
Plutôt que d’adapter Porno, le roman qu’Irvine Welsh a écrit en guise suite à son best-seller Trainspotting, Danny Boyle a préféré s’inscrire directement dans une démarche plus mélancolique. Irvine Welsh qui n’a visiblement pas été vexé car outre les quelques détails qui sont néanmoins aussi dans le bouquin, on retrouve l’auteur au générique, lui qui reprend le rôle qu’il tenait dans le premier volet. Bref… Pas d’histoire de film X ici. Juste le récit d’un homme que le destin remet, 20 ans plus tard, face à ses amis et à ses démons. Les deux se confondant pour lui aujourd’hui peut-être plus que jamais, vu que désormais, la sobriété est de mise. On parle bien sûr de Renton, alias Ewan McGregor. C’est sûr lui que Trainspotting 2 se focalise. C’est lui le centre névralgique de cette histoire qui entend non seulement nous donner des nouvelles des personnages, mais aussi proposer une réflexion sur le passage du temps, sur l’amitié, la famille et sur l’addiction, elle qui est de toute façon toujours au centre des procurations.
Nostalgie quand tu nous tiens
Danny Boyle ne s’en cache pas : la nostalgie est en effet le moteur de T2 Trainspotting. Un choix à la fois confortable et audacieux. Confortable, car c’est à priori la solution la plus simple quand on entend donner une suite à un film aussi culte que Trainspotting. On a envie de renouer avec les personnages, d’avoir de leurs nouvelles et de savoir si ils ont changé et c’est exactement ce qu’on nous montre. Boyle assume et se montre généreux quand il s’agit d’intégrer à son récit des images d’antan, de manière à superposer le passé avec le présent. Y compris dans l’utilisation de la musique, une composante essentielle de l’univers Trainspotting, avec le retour de l’hymne Lust For Life d’Iggy Pop, notamment. Une dynamique qui pourra néanmoins frustrer ceux qui attendaient une adaptation plus franche du roman d’Irvine Welsh, qui pour le coup, n’allait pas vraiment dans cette direction.
Cela dit, on peut aussi apprécier la chose et justement souligner l’audace de Danny Boyle, qui a justement pris le risque de ne pas se caler sur le roman. C’était quitte ou double et au final, c’est le positif qui l’emporte car ce que Trainspotting 2 perd en subversion et en impertinence, il le gagne en émotion.
La horde sauvage
Difficile ainsi de ne pas jubiler dès les premières minutes tant Danny Boyle réussit à renouer avec l’ambiance du premier volet. On retrouve la ville d’Édimbourg, et ses quartiers sinistrés, propices à des errances embrumées et à une violence parfois brute et donc in fine cette réflexion, qui entre temps, s’est tournée vers la crise économique et ses conséquences. Même chose au niveau des personnages qui ont changé ou non, mais qui, tous autant qu’ils sont, s’imposent comme autant de métaphores d’une société en plein bouleversement. On s’aperçoit vite que si Renton n’est plus un junkie, le gouffre n’est pour lui pas très loin non plus. C’est particulièrement manifeste le concernant. Pour les autres, à savoir Begbie, Sick Boy et Spud, disons qu’ils incarnent tous ensemble un certain ancrage affectif qui, de manière très perverse, rappelle constamment à Renton d’où il vient et ce qu’il fut.
Le film s’efforce de décrire la lutte qui se joue dans l’esprit de Renton tout comme il tient aussi à faire la part belle à une certaine sensibilité, en s’appuyant sur l’âge des protagonistes. Age qui appelle une vulnérabilité, face à des problématiques qui ont changé. Ewen Bremner campe à ce titre un Spud très touchant. Au bout du rouleau mais quand même toujours fidèle à ses « valeurs ». Idem pour Jonny Lee Miller donc le Sick Boy s’inscrit dans une belle continuité. Bien sûr, impossible de ne pas s’incliner devant Robert Carlyle, qui profite du long-métrage pour opérer un retour en grâce. En pleine possession de ses moyens, il fait le job avec une flamboyance qui lui est propre et se retrouve notamment au centre de quelques-unes des séquences les plus drôles.
Une équipée (pas si) sauvage emmenée par un Ewan McGregor en pleine forme, de retour dans les pompes de l’un de ses personnages fétiches, lui aussi garant d’une belle émotion, comme peut l’illustrer par exemple la dernière scène…
Il est aussi intéressant de souligner la place que tient Kelly Macdonald. Oui on ne l’a voit pas beaucoup mais de par sa position privilégiée, l’actrice personnifie la volonté de Danny Boyle. Le cinéaste qui la place au-dessus. Elle est passée à autre chose, a évolué dans le bon sens et a définitivement tracé un trait sur tout ce qui pouvait lui nuire, grâce à une personnalité qui lui a permis d’avancer. Contrairement aux hommes donc, toujours empêtrés, à divers degrés, dans leurs sempiternels problèmes. Des gamins que T2 Trainspotting confronte avec une vraie tendresse. Le trash est moins frontal, plus nuancé, mais rien n’a foncièrement bougé. Plus les choses changent, plus elle restent les mêmes. Une maxime tirée de Los Angeles 2013 qui sied à merveille à cette suite.
Lust For Life
T2 Trainspotting est plus sage que son prédécesseur et c’est normal. Par contre, il est au moins aussi drôle. Le bonheur d’assister à ces retrouvailles étant parsemé de gags pertinents et de répliques bien senties. Comme quand Ewan McGregor se lance dans une diatribe virulente qui à elle seule résume la façon dont la société à évolué en 20 ans. En cela, le long-métrage s’avère percutant et rock and roll. Danny Boyle filme ses personnage avec beaucoup de bienveillance mais sait aussi les malmener. Son montage est nerveux et sa mise en scène en connexion directe avec le premier volet, pleine de piquant et de trouvailles savoureuses au possible. Et quand l’histoire fait un peu du surplace, c’est bien grâce à l’approche dynamique et punk de Boyle que l’ennui est gardé à distance.
En Bref…
Plus tendre que trash, plus nostalgique que novateur, T2 Trainspotting n’a évidemment pas la même gouaille que son prédécesseur. De l’eau a coulé sous les ponts. Pour autant, Danny Boyle réussit son pari et nous livre une partition moins insolente mais plus sensible, souvent drôle, formellement rock and roll et parfaitement savoureuse. Un film toujours sincère qui est quoi qu’il en soit attachant et finalement plutôt galvanisant.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Sony Pictures Releasing France