[Critique] TED
Titre original : Ted
Rating: (moyenne)
Origine : États-Unis
Réalisateur : Seth MacFarlane
Distribution : Mark Wahlberg, Mila Kunis, Seth MacFarlane, Joel McHale, Giovanni Ribisi, Patrick Warburton, Matt Walsh, Jessica Barth, Aedin Mincks, Bill Smitrovich, Patrick Stewart, Norah Jones, Sam J. Jones, Tom Skerritt, Bretton Manley…
Genre : Comédie
Date de sortie : 10 octobre 2012
Le Pitch :
John, 8 ans, souffre d’être rejeté par les autres enfants de son âge. Solitaire, il s’attache rapidement à Teddy, une peluche qu’il trouve au pied du sapin le jour de Noël. Souhaitant plus que tout que Teddy prenne vie, John voit son vœux se réaliser le lendemain matin, lorsqu’il s’aperçoit que Teddy marche et parle comme un être humain. Dès lors, les deux amis deviennent inséparables.
27 ans plus tard, John et Ted sont toujours aussi proches. Une amitié qui pèse lourd sur la relation amoureuse qu’entretiennent John et Lori, avec laquelle il sort depuis 4 ans…
La Critique Gilles) Rating: :
Que peut-il arriver de mieux à un enfant de 8 ans, que de voir sa peluche préférée prendre vie du jour et lendemain ? Rien. Et c’est sur cette base que débute Ted, le premier film de Seth MacFarlane, le créateur des séries Les Griffin, American Dad !, ou encore The Cleveland Show. MacFarlane fait ses débuts de réalisateur avec un bagage en somme toute solide de scénariste à la télévision et une idée en béton armée, aussi simple qu’imparable.
Et pour un premier film, force est de reconnaître le coup de maitre. Ted est une véritable réussite.
Pour qui a grandi dans les années 80 et 90, le long-métrage de MacFarlane est un régal de tous les instants, qui donne envie d’applaudir. De plus, il s’agit probablement du meilleur film sur l’amitié depuis Shaun of the Dead d’Edgar Wright.
Les habitués des séries citées plus haut connaissent l’humour de Seth MacFarlane. Un humour frondeur, satirique et souvent trash, nourri à la pop culture des années 70, 80 et 90. Que ces derniers soient rassurés : Ted contient tout ce qui fait le sel d’American Dad !(pour ne citer que celle là). Le passage de l’animation au « live » et celui du petit au grand écran, n’ont pas altéré la verve de MacFarlane. Tout comme il notable que celui-ci ne s’est pas non plus laisser démonter par le changement de durée. Alors habitué à des formats d’une vingtaine de minutes, il prouve ici qu’il peut tout à fait tenir la longueur et ne jamais tirer sur la corde. Ce qui est loin d’être tout le temps cas, quand on parle de réalisateurs rompus aux séries qui sautent le pas et touchent au cinéma.
Ted porte bien la marque de son créateur. Un créateur qui s’illustre une nouvelle fois par le biais de son amour immodéré pour les petits êtres étranges doués de parole. Ted l’ours en peluche s’inscrit en effet dans la lignée de Stewie, le bébé vindicatif des Griffin, ou encore de Roger, l’extra-terrestre trash d’American Dad !. Ted étant néanmoins accepté comme tel (à savoir une peluche qui marche, qui parle et qui pense) par tout le monde (la pirouette utilisée pour expliquer la situation de Ted est fantastique). Autre point commun entre ces trois personnages : ils sont tous doublés en version originale par MacFarlane lui-même, qui a un véritable don pour donner vocalement de la substance à ces créatures spéciales au caractère bien marqué et brut de décoffrage.
Ce qui ne veut pas dire que Ted se contente de répéter et de recycler les gimmicks des séries qui ont fait la réputation et le succès de MacFarlane. C’est là où c’est fort. Ted va plus loin. Il ne lâche rien sur le plan de la provocation, mais canalise son énergie pour taper dans le mille sur plusieurs tableaux.
On rit donc beaucoup (mais alors beaucoup hein ! Prévoyez une couche si vous souffrez d’incontinence), mais pas seulement. Ted se fait aussi tendre, mais reste garanti sans guimauve. En suivant les codes propres à la comédie romantique -quand le métrage suit la romance entre Mark Wahlberg et Mila Kunis-et ceux inhérents à la comédie bien potache -quand Ted est au premier plan-, MacFarlane veille à ne jamais céder à la facilité. Tout le temps sur le fil du rasoir, il exécute un petit exploit en donnant à son œuvre des airs de conte, sans pour autant renier une seule seconde son côté sale gosse amateur de blagues salaces, de pets en publics et de jeux de mots bien trashs et absurdes.
Avec une indépendance salvatrice, Ted s’avère donc -on en remet une couche- hilarant, vulgaire, tendre et pertinent. Quelques adjectifs qualificatifs pour vous donner une idée de ce qui vous attend une fois que vous aurez poussé les portes de votre cinéma favori.
On peux penser aux films comme Supergrave, qui lui aussi avait réussi la prouesse de parler de pénis et de nichons sans y sacrifier sa substance et son propos. Ted parle certes de sexe, de picole et de défonce, mais au fond, il s’agit surtout d’amitié et d’amour. D’ambition aussi. Bref, c’est génial et réellement brillant scénaristiquement parlant. Tout comme la démarche, aussi trash qu’effrontée, qui pour autant, ne sonne pas creux.
Autre détail vraiment excellent : les références. C’est souvent le cas quand on parle de films montés par des types un peu geeks sur les bords, nourris à la culture bis des années 80, mais là c’est un véritable festival. Dans Ted, les références sont toutes plus savoureuses les unes que les autres. Seth MacFarlane a, en plus, un gros sens du timing, qui fait que tous les clins d’œil tapent dans le mille. Le point d’orgue étant l”irruption, sans qu’on s’y attende, d’un monument ultime de la science-fiction déviante du siècle dernier. Sans trop en dire, sachez simplement que c’est extraordinaire. De quoi se lever et applaudir. Ouais, carrément. Qui verra comprendra.
Les trentenaires qui aiment le cinéma et la musique passionnément vont se baffrer comme rarement. Les autres aussi, car malgré tout, le métrage n’exclut personne. Jubilatoire, cette tendance à soigner la moindre réplique en injectant ici ou là un petit détail qui fait mouche, habite le film de bout en bout. D’un poster sur le mur de la chambre de John, à une petite succession de notes ultra célèbres, en passant par un clin d’œil à Pink Floyd, Ted est un film super généreux. Et bien sûr, une telle orgie de références et de répliques immédiatement cultes, appelle de multiples visions.
Les personnages aussi valent leur pesant de cacahuètes. Ted bien sûr, l’ours trash, qui aime la marijuana, la bière et le sexe, animé de main de maitre, expressif et attachant au possible, mais pas seulement. Honneur aux dames ! Mila Kunis, proche de l’univers de MacFarlane depuis une douzaine d’années (Meg Griffin dans Les Griffin, c’est elle) se coule avec sa malice et son charisme naturel dans cet univers de mecs. Jamais de trop, Mila Kunis prouve si besoin était son statut de muse à geeks, tandis que Mark Wahlberg trouve lui aussi le ton juste. Attendrissant, John, son personnage, tiraillé entre son amitié pour son ourson en peluche et son amour pour sa petite-amie, déclenche illico l’empathie. Comment ne pas s’identifier à cet ado attardé, qui peine à mettre les deux pieds dans une existence d’adulte plus responsable ? La symbolique est forte et remarquablement retranscrite. Sans se prendre la tête.
Il y aurait beaucoup à écrire sur Ted, qui se pose comme l’un des temps fort de l’année. Mais ce serait prendre le risque de trop en dire. On va donc conclure en saluant bien haut les divers niveaux de lecture d’un long-métrage fédérateur. Soutenu par une équipe dévouée à son humour dévastateur, Seth MacFarlane a gagné en maturité, mais n’est pas devenu plombant. Il livre avec Ted, un film super cool (parfois il n’y a pas d’autres mots). Une bombe à retardement aussi originale que surprenante. Le temps file, on oublie le monde extérieur et on se marre. Rien à redire, c’est très fort et on attend la suite.
Conseil : À voir si possible en version originale
@ Gilles Rolland
La Critique (Daniel) Rating: :
Ted n’est pas compliqué. Il ne cache aucun grand secret symbolique, ni de message subversif ou autres interprétations du genre qui pourraient démontrer que le premier long-métrage de Seth MacFarlane est autre chose qu’un film sur l’histoire d’un flemmard et de son nounours magique. Ceux qui ont suivi le travail de MacFarlane à la télé pourront attester que ses trois séries sont plus ou moins hilarantes (avec un humour à prendre ou à laisser). C’est la même chose pour toutes : Les Griffin (ou Family Guy pour les habitués) s’est nettement améliorée après son come-back en 2005, et on y trouve toujours du bon et du mauvais. Idem pour American Dad ! et The Cleveland Show, indiscutablement plus stables en terme qualité. Mais dans l’ensemble, MacFarlane est quelqu’un d’incroyablement talentueux, doté d’un sens de l’humour étonnamment malin, utilisant la comédie trash et le contexte de la classe ouvrière pour masquer des moments impressionnants de perspicacité.
À cet égard, Ted est l’exemple parfait, d’une déconstruction de l’intrigue la plus lourdingue qu’on puisse trouver dans les comédies du 21ème siècle (le dilemme du jeune homme correct retenu par les vestiges de son enfance prolongée, vestiges auxquels il s’attache, que ce soit un hobby de gamin ou les conneries de son meilleur pote) et une parodie de tous les films de « copains magiques » à la Disney, entre Peter et Elliott le dragon et E.T., qui propose de raconter ce qui pourrait se passer après le générique de fin. On retrouve des ersatz de Winnie l’Ourson et de Christopher Robin vivant une existence de glandeurs en pilote automatique. Deux ados attardés qui passent leur vie à jouer les sales gosses et à se défoncer à longueur de journée.
Le concept relève du génie. C’est ahurissant de voir le nombre de buddy movies modernes qui sont construits autour de la formule classique du mec stable tiraillé entre les responsabilités de sa vie adulte (son boulot, sa femme/copine, etc.) et la mauvaise influence de son meilleur ami, qui représente une tentative figurative (Jonah Hill dans Supergrave) ou métaphorique (Jason Segel dans I Love You, Man) de se cramponner à sa propre irresponsabilité, et donc à sa jeunesse. Mais justement, MacFarlane décroche le jackpot en présentant la formule sous sa forme la plus extrême et logique : le meilleur pote immature est en fait un ours en peluche, véritable icône de l’enfance.
Et c’est tout. Le principe, c’est ça : pensez à tous les films avec le mec gentil, son copain qui fait le con et la petite copine qui s’exaspère ; imaginez qu’un nounours remplace le rôle du meilleur pote, et vous avez Ted. Il suffit de voir la bande-annonce qu’une seule fois pour deviner toute l’intrigue, étape par étape et scène par scène. Alors pourquoi ça marche ?
Et bien, parce que c’est marrant.
À vrai dire, il est tentant de pénaliser Ted pour son côté un peu conventionnel et prévisible au point de s’auto-parodier, mais il faut le reconnaître : il s’agit d’une comédie qui a l’unique intention d’être drôle, et sur ce point, Ted est drôle comme tout. Et pas seulement parce que le gag du nounours d’habitude adorable qui joue au connard ne s’épuise jamais. Ted fait plus que tenir sa promesse de nous faire rire. Pour un film au pitch relativement simple et à l’humour « débile » trompeur, il est est surprenant de voir comment son scénario est pointu et intelligent, même si l’humour reste quelque-chose de subjectif. Le nombre de rires dépendra donc de votre tolérance au mélange spécifique de MacFarlane : l’humour de bar, la nostalgie autoréflexive de la Nouvelle Angleterre, et les références culturelle parfois très obscures.
Si les décisions prises par Ted sont toutes judicieuses, son meilleur choix est peut-être de reconnaître ses limites. Le film est relativement court et son univers est petit, peuplé d’une simple poignée d’endroits et de personnages. Contrairement à beaucoup d’autres comédies du même genre, Ted et compagnie ne partent jamais à la grande aventure pour des grandes blagues élaborées aux conséquences mondiales. MacFarlane a le courage d’aller au-delà de la surface de son gag principal et de chercher quelque-chose qui pourrait ressembler à du cœur. À un tel point d’ailleurs, que le seul instant qui sonne faux (mais qui reste rigolo) serait l’insertion d’un méchant superficiel dans une sous-intrigue forcée qui existe uniquement pour donner lieu à une course-poursuite largement inutile. C’est dommage, parce que cette erreur légère semble être la faute des studios (qui pensent qu’un grand final d’action est désormais obligatoire dans toutes les comédies) et ne fait que trahir la formule épisodique digne des sitcoms qui marchait à merveille jusque là.
Malgré tout, Ted est avant tout une longue blague, bien racontée et qui fait beaucoup rire. Le slam-dunk du film est son excellent casting. MacFarlane sait exactement comment utiliser le don naturel de sincérité que possède Mark Wahlberg dans le rôle du meilleur ami de l’ours, puisque Ted ne marche que si l’on accepte que l’humain et le nounours se considèrent comme copains pour toujours, dans tous les sens du terme, sans clin d’œil détaché. Chez Wahlberg, impossible d’exprimer l’ironie, il ressemble toujours à un gosse de douze ans qui vient d’apprendre que le toutou Vagabond va devoir passer à la fourrière, chose qui constitue sa meilleure qualité en tant qu’acteur. Habituée de la boîte MacFarlane, Mila Kunis a vu fleurir sa carrière de comédienne au fil des années, et ici, elle transforme ce qui aurait facilement pu être une énième version quasi-antagoniste de la petite amie rabat-joie en rôle sympathique et attachant, par la simple force de son talent. Pas une mince affaire, finalement, si on considère que la plupart de ses scènes se basent autour de sa capacité à rouler les yeux et à montrer qu’elle en a ras le bol de parler à un ours en peluche.
Ted ne va pas révolutionner le cinéma, mais qu’est-ce qu’on s’éclate en le regardant ! Dans le paysage hollywoodien actuel, c’est rafraichissant de voir un film qui n’est pas une suite, qui n’est pas un remake, qui n’est pas l’adaptation d’un livre, d’un jouet, d’un jeu vidéo, d’une BD ou d’une autre licence du genre. Le seul argument de vente pour Ted, c’est son idée drôlement originale. Comme quoi les comédies peuvent encore surprendre. L’histoire la plus drôle de l’année est celle d’un nounours qui parle, et quand il parle, il ne surveille pas son langage. Parfois, c’est marrant parce que c’est marrant. Parce que ça arrive. Marrant, non ?
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Universal Pictures