[Critique] THE AMAZING SPIDER-MAN
Titre original : The Amazing Spider-Man
Rating: (moyenne)
Origine : États-Unis
Réalisateur : Marc Webb
Distribution : Andrew Garfield, Emma Stone, Rhys Ifans, Denis Leary, Martin Sheen, Sally Field, Irrfan Khan, Campbell Scott, Chris Zylka, Embeth Davidtz, Annie Parisse, C. Thomas Howell, Miles Elliot, Charlie DePew, Max Charles…
Genre : Fantastique/Romance/Comédie/Adaptation/Saga
Date de sortie : 4 juillet 2012
Le Pitch :
Élevé par sa tante et par son oncle suite à la disparition de ses parents, Peter Parker n’est pas ce que l’on peut appeler un garçon populaire. Un jour, alors qu’il découvre dans sa cave une mystérieuse mallette ayant appartenu à son père, Peter cherche à comprendre ce qui a bien pu pousser ses parents à le laisser alors qu’il était enfant. Son enquête le mène dans les laboratoires d’Oscorp, où sont menées des expériences. Là-bas il se fait mordre par une araignée génétiquement modifiée. Une morsure qui lui confère de grands pouvoirs. Désormais, Peter Parker est fort, agile et rapide. Celui qui se fait désormais appeler Spider-Man doit faire face à de nouvelles responsabilités. Difficile alors pour le lycéen de trouver le temps d’entretenir sa relation naissante avec la jolie Gwen Stacy. Surtout lorsqu’un lézard géant s’amuse à terroriser la ville…
La Critique (Gilles) Rating: :
Dans un épisode de la série How I Met Your Mother, le personnage de Barney Stinson affirme avec assurance que tout ce qui est nouveau est forcement mieux. Barney n’est pas le seul à penser une chose pareille. À Hollywood, certains producteurs en sont persuadés, au point de faire de cette devise leur leitmotiv. Parfois, pour le meilleur (Batman Begins est l’exemple récent le plus marquant), mais souvent pour le pire.
Le truc avec les bons concepts, c’est qu’ils sont rares. Quand on en tient un bon, mieux vaut l’exploiter au maximum. En cela, Marvel est une véritable mine à concepts, dont certains sont carrément de vraies valeurs sûres. Il n’y a qu’à voir les scores au box-office mondial d’Avengers, d’Iron Man et compagnie pour s’en convaincre. Impossible de laisser filer la poule aux œufs d’or quand on sait que les dollars vont pleuvoir. Et donc impossible de s’en tenir à la trilogie de Sam Raimi en ce qui concerne ce cher Homme Araignée.
C’est le principe du reboot. On reprend le truc depuis le début en occultant ce qui a été fait avant. Et cela même si on parle d’un réalisateur comme Sam Raimi qui, quoi qu’on puisse penser de son Spider-Man 3 bancal, avait tout compris aux personnages et aux enjeux de la bande-dessinée. Un vrai artiste qui avait signé avec Spider-Man 2, le film de super-héros ultime (et ce pour bien des raisons). C’est la dure loi du capitalisme adaptée au cinéma. Encore une fois, parfois, si le type à la tête d’un tel projet a les épaules assez larges et le savoir-faire nécessaire, on peut avoir droit à un bon film. Il faut s’y faire, -et même si c’est révoltant quand il s’agit d’occulter une œuvre aussi dense que la saga Spider-Man de Sam Raimi-, les choses en sont là.
Alors qu’en est-il du reboot tant redouté de Spider-Man par Marc Webb, un réalisateur dont la seule expérience au cinéma se résumait à la comédie romantique (500) Jours ensemble ? Force est de reconnaître que le résultat surprend dans le bon sens. Non pas que du coup, le film devienne légitime. The Amazing Spider-Man n’est pas légitime. Ni nécessaire. La mise en route, 10 ans à peine après la sortie du Spider-Man de Raimi, d’une autre version relevait dès le départ de l’infamie pécuniaire propre aux pires manigances des nababs hollywoodiens. On est d’accord et rien ne viendra changer cet état de fait.
Mais coup de bol, Marc Webb s’est senti investi d’une mission. Comme Peter Parker, qui lorsqu’il découvre ses pouvoirs, découvre aussi les responsabilités qui vont avec, Webb a tenu à livrer le meilleur film possible. En tenant compte des exigences des studios et de la genèse du projet, qui ont fait de Webb, l’un des types les plus détestés par les geeks fans de Spidey, de la terre entière.
Il est très difficile de ne pas faire preuve de mauvaise foi quand on aborde la critique de ce nouveau Spider-Man. Il est tentant de ne souligner que les défauts et pas les qualités (car qualités il y a). Tentant de pourrir jusqu’à la moelle un long-métrage qui symbolise à lui seul la roublardise d’une industrie avide de fric. Vous avez pigé l’idée.
Pour autant, essayons de jeter un regard détaché sur The Amazing Spider-Man. Loin d’être le navet annoncé et redouté, The Amazing Spider-Man est un divertissement tout à fait honorable. Un film qui remplit son contrat de blockbuster estival à destination du plus grand nombre.
Au fond, Marc Webb fait avec Spidey, ce qu’il sait faire de mieux. Car The Amazing Spider-Man n’est ni plus ni moins qu’une grosse comédie romantique. On retrouve, dans la relation qu’entretiennent Gwen Stacy (Emma Stone) et Peter Parker (Andrew Garfield), les mêmes effluves que dans (500) Jours ensemble. Une love story qui suit sensiblement la même trajectoire que celle empruntée jadis par Zooey Deschanel et Joseph-Gordon Levitt. The Amazing Spider-Man est ainsi beaucoup plus intéressant quand il ne met pas en scène l’araignée. C’est lorsque Gwen et Peter, seuls dans un couloir du lycée, commencent à flirter ou lorsqu’il avoue à sa belle ses pouvoirs, que le long-métrage gagne ses galons. Dans les sourires et dans les regards que s’échangent Andrew Garfield et Emma Stone. Les deux comédiens sont d’une justesse absolue lors de ces séquences. Emma Stone, toujours sublime, est aussi touchante que subtile et Garfield fait ce qu’il peut pour faire oublier Tobey Maguire. Sans y arriver totalement, notamment quand il fait sa tête à claque, mais suffisamment pour attirer l’empathie sur son personnage. Comme lors des scènes qu’il partage avec Emma Stone, l’acteur est tout à fait convaincant quand il donne la réplique à Sally Field et Martin Sheen, par ailleurs comme toujours parfaits.
C’est quand l’intrigue principale reprend ses droits et que Spider-Man occupe le devant de la scène, que les choses se gâtent un peu. Si il signe de belles séquences spectaculaires (la scène du bahut, la scène du pont ou le bouquet final), Marc Webb semble embarrassé lorsqu’il doit composer avec les effets-numériques. En cherchant à être immersif, il manque d’ampleur et fait regretter la maestria de Sam Raimi. Son Spider-Man n’arrive jamais à tutoyer des sommets toujours squattés par son ainé. Là où Raimi arrivait à concilier le drame et l’action, Webb privilégie toujours le premier aux dépends du second.
Il y a clairement deux films dans The Amazing Spider-Man : la comédie romantique aux accents dramatiques (et sombre) et le film de super-héros conventionnel qui se contente de reproduire avec bonne volonté les figures de style.
On remarquera néanmoins la belle performance de Rhys Ifans dans un rôle pourtant calqué sur celui de Willem Dafoe dans Spider-Man premier du nom (Le Lézard et le Bouffon Vert sont tous les deux schizophrènes, etc…), même si le design de son alter-égo maléfique peine à convaincre pleinement.
Le bilan est en demi-teinte. Indéniablement porté par ses acteurs, qui font un boulot remarquable, The Amazing Spider-Man opte trop souvent pour le pilotage automatique. Paresseux dans l’action, il se rattrape quand il analyse les relations entre ses personnages. Ce qu’il fait avec un brio qui entraine une émotion sincère. De quoi aider le film à rallier une large part du public féminin.
Les fans de la trilogie de Sam Raimi ne sont quant à eux pas sans savoir, que cette dernière vient d’être rééditée en blu-ray. À vous de voir…
@ Gilles Rolland
La Critique (Daniel) Rating: :
À une époque où les médias sont actifs 24h sur 24 et 7 jours sur 7, il est parfois difficile d’évaluer séparément le côté business et le côté artistique de certains films, surtout quand on considère l’implication d’aspects ou de méthodes peu reluisants. Mais à un moment ou à un autre, une certaine reconnaissance de ces facteurs et de leur contexte s’avère inévitable, notamment lorsque les défauts de la version finale de l’œuvre sont si intimement liés avec sa production.
Exemple du jour, The Amazing Spider-Man, un long-métrage déplorable à l’incompétence étouffante, dont chaque seconde de sa longueur impardonnable empeste l’artificiel et la froideur. Un modèle parfait du cinéma cynique, purement commercial, sans passion, sans âme, qui plane sur automatique et semble être sorti tout droit de la chaîne de montage. Voici un film qui n’existe pas parce que quelqu’un voulait désespérément raconter une histoire, ou donner vie à un personnage bien-aimé pour expérimenter avec des nouvelles formes de narration visuelle, ou même pour en tirer profit, mais pour remplir un contrat. L’entreprise Sony est obligée de rouvrir la porte sur Spider-Man le plus vite possible s’ils ne veulent pas que les droits de la licence ne reviennent à Marvel, et lancer un reboot de la saga avec un changement complet de casting et un nouveau réalisateur reste l’échappatoire le plus facile. Appeler ça une commande serait une insulte aux commandes. C’est plutôt le cinéma selon les agents comptables.
Avant toute chose, il faut préciser qu’avec une telle situation, les éléments qui en ressortent ne sont pas forcément négatifs. Après tout, des circonstances similaires nous ont donné le magnifique X-Men : Le Commencement de Matthew Vaughn. Mais là où l’œuvre de Vaughn bénéficiait d’un bon coup de bol avec du talent et de la motivation derrière, The Amazing Spider-Man est empoisonné par un cocktail toxique de maladresse, de flemmardise et de mauvaises décisions. Peter Parker joue peut être avec les lois de la gravité, mais il ne peut pas échapper aux lois de Murphy. Tout ce qui pouvait mal tourner a bel et bien mal tourné. Le seul aspect qui le sauve d’un désastre à l’échelle de Green Lantern, c’est le fait que l’ennui et le manque d’ambition sont trop présents pour que ça devienne détestable.
Le reboot recale Peter Parker et Gwen Stacy au lycée, où Gwen est une jeune prodige scientifique et Peter est…une énigme totale, pour le dire franchement. L’idée elle-même n’est pas nécessairement mauvaise, ni le fait que les aventures de l’Homme-Araignée ne démarrent réellement qu’après une heure d’histoires romantiques entre teenagers inspirés de Twilight et traités à la manière de Sauvés par le Gong. En effet, prendre le temps de créer des personnages complexes et différencier ce nouvel univers de la trilogie de Sam Raimi serait la chose la plus intelligente à faire. Malheureusement, le film ne fait ni l’un, ni l’autre. Tout droit sorti de The Social Network, Andrew Garfield est quelqu’un de très prometteur, mais son talent d’acteur est écrasé par un scénario épouvantable qui n’arrive pas à comprendre qui est Peter Parker, à part que ce n,’st pas le gus des comics, ni Tobey Maguire.
De scène en scène, le personnage change d’identité : parfois c’est un fainéant, parfois c’est un skateur, parfois c’est un emo kid, parfois c’est un farceur, parfois un étudiant qui fait le malin, et parfois un dépressif marmonnant à la Michael Cera. Les autres personnages sont tous en carton, et pas dans le style archétypal qui peut occasionnellement marcher dans un film de super-héros. Seul la belle Emma Stone montre de la vraie profondeur en Gwen Stacy, servant à la fois de petite amie à Peter et de procédé narratif à l’intrigue.
Le reboot est, quelle surprise, une version cool et modernisée des origines de Spider-Man, mais le résultat est un bordel pas possible qui empeste le déjà vu. La première moitié du long-métrage est calquée sur les moments familiers qu’on a déjà vu sous un jour meilleur à plusieurs reprises, et toutes les révélations soi-disant « choquantes » pédalent dans le vent, alternant entre l’absurde et le pur hasard.
Voyons plutôt : comme par hasard, le père de Peter Parker est un scientifique célèbre, et comme par hasard son ancien partenaire est Curt Connors (a.k.a le Lézard). Comme par hasard, tous les deux travaillent pour Norman Osborne, et comme par hasard, leurs expériences sont le résultat de la transformation de Peter en Spider-Man. Tout ça, comme par hasard. Ah, et Gwen Stacy est l’assistante de Connors. Comme par hasard.
Cette conception réductive des personnages est peut-être compréhensible pour les studios et les producteurs travaillant la structure de l’intrigue, mais ça ne sert qu’à transformer ce qui devrait être un univers étendu aux possibilités immenses, en monde petit et inintéressant ; tout en dérobant à Peter l’aspect « Monsieur Tout-le Monde » de sa personnalité qui, en passant, constitue la partie la plus importante de son personnage.
Pire encore, certains se sont amusés à jouer avec les détails de la mort tragique de l’oncle Ben, dénuant ce moment capital de l’histoire de tout son sens thématique. Rien de bien pertinent, finalement, puisque le film préfère s’intéresser à donner des nouvelles motivations à Spidey concernant le mystère de ses parents. Motivations qui aboutissent à que dalle. Après tout, la volonté divine des suites dit qu’il faudra attendre pour savoir. De grands pouvoirs ? De grandes responsabilités ? Pourquoi perdre son temps avec de telles conneries quand on peut pomper gratuitement sur Batman Begins ?
Pour ce qui est du bad guy, le Lézard, il n’y vraiment pas grand-chose à dire. Comme avec Peter, le scénar lamentable n’arrive pas à se décider sur le personnage de Curt Connors, hormis le fait que n’avoir qu’un seul bras lui file le cafard. Et puisque le film est beaucoup plus préoccupé par l’histoire d’amour ennuyeuse et ses tentatives pathétiques à construire un univers comic book crédible, Connors est laissé sur le quai avec une sous-intrigue de supervillain ultra-cliché. Les quelques indices que le Lézard pourrait être un antihéros incompris sont jetées aux orties sans explication valable. À la place, lorsque Connors se transforme en lézard géant, il devient aussi un fasciste reptilien qui veut conquérir le monde, parce que…parce que. C’est comme ça, et pas autrement. Le long-métrage n’a littéralement aucune idée de comment représenter le personnage, si ce n’est donner quelques enjeux pour une scène d’action finale à la mise en scène risible.
En parlant de mise en scène, le Lézard ressemble au monstre ridicule de Gary Oldman dans Perdus dans l’Espace tellement les effets-spéciaux sont mauvais, et la majorité des scènes d’action se déroulent la nuit, avec un style nocturne très laid, saturé de reflets d’objectifs. En soit, une énième tentative de donner une allure sombre et réaliste au long-métrage, parce que maintenant, c’est à la mode : tous les reboots doivent jouer la carte hardcore comme l’a fait Batman. Curieux qu’avec un budget aussi titanesque, le film arrive quand même à paraître moche et bâclé. Et le fait que le pauvre Garfield (non, pas le chat…) doit patauger à travers le tout habillé d’un costume aussi misérable que celui d’Halle Berry dans Catwoman n’arrange pas les choses.
L’action est presque salvatrice, les séquences de lance-toile de Spidey étant l’un des seuls réels progrès faits par rapport à la trilogie de Raimi. C’est dommage qu’il ne se balance pas vers quelque chose d’intéressant. D’ailleurs, ils ont aussi essayé de caser le facteur réaliste dans les lances-toiles de l’Homme-Araignée, ce qui donne lieu à une séquence épique dans l’acte final impliquant des grues, qui est clairement censé miser sur le côté émouvant comme l’a fait Spider-Man 2 avec la scène inoubliable du train. Sauf qu’ici, c’est le moment où The Amazing Spider-Man cesse d’être crédible et devient complètement con. Si les séquences de jazz dans Spider-Man 3 étaient un peu too much, là on touche carrément le fond.
Soyons clair. The Amazing Spider-Man n’est pas le pire des navets, ni même le nanar de l’année. Mais c’est dur d’imaginer un film aussi méprisable. C’est le genre de long-métrage qui n’a aucun respect pour son public et pour le sujet dont il s’inspire. Il ne fait aucun effort, ne prend aucun risque, et n’a aucun mérite artistique. Il existe uniquement à partir du principe que même le film Spider-Man le plus je-m’en-foutiste fera fortune, tout simplement parce que c’est un film sur Spider-Man. Il y a peut être une leçon qu’Hollywood pourrait tirer de tout ça, mais je ne peux conclure qu’avec ces mots : The Amazing Spider-Man est une catastrophe. Et en tant que cinéphile, en tant qu’admirateur de Spider-Man depuis des lustres, c’est le genre de déception qui laisse un très mauvais goût dans la bouche.
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Marvel Studios