[CRITIQUE] THE CREATOR
Titre original : The Creator
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Gareth Edwards
Distribution : John David Washington, Gemma Chan, Ken Watanabe, Sturgill Simpson, Madeline Yuna Voyles, Allison Janney, Ralph Ineson…
Genre : Science-Fiction
Durée : 2h13
Date de sortie : 27 septembre 2023
Le Pitch :
En 2065, alors qu’une forme extrêmement avancée d’intelligence artificielle a lancé une attaque dévastatrice sur Los Angeles, un ancien agent des forces spéciales est dépêché en Asie, où les IA sont retranchées, afin de trouver le Créateur, un mystérieux individu responsable du chaos. Ce qu’il va découvrir va contre toute attente bouleverser ses certitudes…
La Critique de The Creator :
Remarqué en 2010 grâce à son premier film, l’épatant Monsters, Gareth Edwards a par la suite enchaîné avec son premier long métrage de studio, à savoir l’excellent et ambitieux Godzilla, qui a par la suite donné naissance à une franchise qui ne parviendra jamais vraiment à convaincre. Pas autant que Godzilla en tout cas. Puis Edwards est arrivé dans le monde fantastique de Star Wars, à la tête de Rogue One. Un épisode qui rapidement, est devenu le préféré des fans hardcore. Et pour cause car il s’agit probablement du meilleur Star Wars « récent ». Gareth Edwards que nous retrouvons aujourd’hui sous pavillon 20th Century Studios (le Fox ayant disparu au moment du rachat par Disney), avec The Creator, un film qu’il a non seulement réalisé, mais aussi co-produit et co-écrit (avec Chris Weitz, l’un des deux hommes derrière le premier American Pie et surtout le metteur en scène et scénariste du formidable Pour un garçon). Ceci étant dit, The Creator, qu’est-ce que ça donne ?
Intelligence (presque plus) artificielle
Le monde dans lequel évolue Joshua, l’ex des forces spéciales campé par John David Washington dans The Creator, n’est pas si éloigné du nôtre. Dans un futur proche, les IA se sont considérablement développées jusqu’au jour où elles ont carrément balancé une bombe sur Los Angeles, réduisant le centre-ville à néant dans un torrent de flammes. Désormais traquées par une coalition dirigée par les États-Unis, les IA vivent en harmonie avec quelques humains dans la Nouvelle Asie. Là réside le fameux Créateur qui donne son nom au film et que le héros doit débusquer pour espérer mettre fin à un conflit aux ramifications plus complexes qu’on ne pourrait le penser de prime abord.
Malin, le scénario de The Creator l’est assurément. À partir d’un postulat auquel on n’a pas vraiment de mal à croire, étant donné l’importance croissante des IA dans notre réalité, Gareth Edwards et Chris Weitz ont imaginé que ces dernières devenaient autonomes, au point de menacer le genre humain. Un peu comme avec Skynet dans Terminator. Si ce n’est qu’ici, l’antagoniste désigné n’est peut-être pas celui que l’on croit… Certes plutôt classique, le pitch de The Creator s’épaissit par la suite considérablement sous l’impulsion de deux scénaristes conscients des rapprochements que leur histoire encourage mais également décidés à insuffler à cette dernière un véritable souffle politique qui au fond, fait toute la différence.
IA or not IA ?
Avec son Amérique en quête de vengeance et son héros torturé, The Creator ne cherche pas l’originalité à tout prix mais fait les choses avec application. Fort d’un savoir-faire qu’il n’a cessé d’affiner depuis ses débuts, quelque-part entre la démarche au cœur de Monsters et celle de Rogue One, Gareth Edwards part certes d’un postulat plutôt simple mais réussit sans cesse à surprendre dans le bon sens. Non seulement grâce au soin apporté aux détails, aussi bien au niveau de l’écriture que de la mise en scène, que grâce aux multiples thématiques et questionnements que son film charrie.
En dissertant sur la place de l’IA dans nos vies, et plus globalement sur la place de la technologie, The Creator tire aussi à boulets rouges sur l’Amérique colonisatrice, faisant du conflit au centre de son scénario une sorte d’allégorie sur les guerres passées dans lesquelles les États-Unis se sont impliqués. Tout sauf simple, le script contient ainsi de multiples pistes de réflexion sans cesser de mettre l’émotion au premier plan. Une émotion qui trouve un réceptacle parfait en John David Washington, ici bien plus convainquant que dans le cryptique Tenet, parfaitement dirigé et totalement à sa place.
Le nouveau monde
Porté par des acteurs formidables, superbement mis en scène, avec de vrais morceaux de bravoure, écrit avec une sensibilité qui fait aujourd’hui défaut à bien des blockbusters, The Creator résonne avec puissance grâce à la pertinence de son propos et son refus des nouveaux codes d’un cinéma hollywoodien qui a tendance à se montrer de plus en plus désincarné. Un film qui n’est ni un remake, ni une suite, ni une adaptation de bouquin, réalisé par un artisan à l’ancienne, qui sait parfaitement où il veut aller, sans temps mort et habité, à l’instar de Monsters, d’une vraie poésie.
Rejetant tout ce qui, souvent, parasite les blockbusters, comme l’humour débile et autres gimmicks de plus en plus gênants, le film illustre aussi la volonté de son réalisateur d’avoir voulu dépenser au mieux chaque dollar de son budget (pas loin de 80 000 au total). Aucune faute de goût ici, à tous les niveaux. À tel point qu’hormis ses effets spéciaux évolués, The Creator semble venu d’une autre époque. Une époque où film grand public ne rimait pas avec bouffonnerie filmée sur fonds verts et où les personnages, y compris les plus secondaires, bénéficiaient d’un soin tout particulier.
En Bref…
Poétique, puissant, spectaculaire, parfaitement rythmé et photographié, The Creator est une réussite indéniable. Un film ambitieux, qui, à partir d’un postulat certes classique, développe une somme de thématiques qui lui confèrent toute sa profondeur. Une autre preuve qu’aujourd’hui, Gareth Edwards est bel et bien l’un des meilleurs cinéastes en activité.
@ Gilles Rolland