[CRITIQUE] THE FABELMANS
Titre original : The Fabelmans
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Steven Spielberg
Distribution : Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano, Seth Rogen, Julia Butters, Keeley Karsten, Sophia Kopera, Judd Hirsch, Jeannie Berlin, David Lynch…
Genre : Drame
Durée : 2h31
Date de sortie : 22 février 2023
Le Pitch :
Sam Falbelman est passionné par le cinéma depuis qu’il a découvert sur grand écran Sous le plus grand chapiteau du monde. Bien décidé à tourner des films, il transforme ses sœurs et ses parents en acteurs de ses premiers essais. Malgré tout, sa passion ne l’empêche pas de faire face à de vraies difficultés quand en grandissant, il se confronte au monde…
La Critique de The Fabelmans :
Toujours aussi productif à 75 ans, Steven Spielberg, le réalisateur des Aventuriers de l’arche perdue, des Dents de la mer et de E.T. L’extraterrestre revient en ce début d’année avec The Falbelmans, un long métrage en forme d’autobiographie, aussi virtuose que bouleversant.
Premiers coups de manivelle
The Fabelmans débute dans la file d’attente d’un cinéma. Bientôt, alors que le petit Sam, accompagné de ses parents, s’apprête à découvrir son premier film sur grand écran, confortablement installé, la lumière jaillit du projecteur et un spectacle prend vie devant ses yeux. Tout un monde s’ouvre à lui, encourageant des émotions que ce petit garçon a bien du mal à comprendre et donc à gérer. Le début d’une vocation…
La lumière ne cesse d’ailleurs de jaillir dans le nouveau film de Steven Spielberg. Toujours prompt à faire preuve d’une virtuosité discrète mais flamboyante, le metteur en scène filme avec candeur un récit qui est le sien. Des décennies et une grosse trentaine de longs métrages parfois peuplés de monstres, de cœurs braves et d’âmes noires mais sans cesse portés par une authentique magie, pour aujourd’hui revenir aux sources. Aux sources de son être et aux sources de son art.
Il était une fois Spielberg
Steven Spielberg est Sam Fabelman. Un jeune garçon juif amené à quitter son domicile pour suivre ses parents en Arizona, avant d’être à nouveau déraciné pour finalement atterrir en Californie du Nord puis à Los Angeles. Dans le scénario qu’il a co-écrit, Spielberg a bien sûr énormément mis de lui-même. Michelle Williams et Paul Dano, qui campent ses parents, sont, comme dans la réalité, pianiste et concepteur d’ordinateurs. Certes les prénoms et les noms ont changé mais l’essentiel est là. Y compris quand Spieberg parvient à exprimer, avec des mots mais surtout des images l’influence que le cinéma a eu sur lui, son importance et le rôle qu’il a joué dans sa propre perception des autres et du monde.
La vie imite l’art plus que l’art n’imite la vie (Oscar Wilde)
Magnifiquement éclairé par Janusz Kaminski, foudroyant de beauté, parcouru de plans inventifs mais jamais tapageurs, The Fabelmans est un beau film, au sens noble, aussi bien au niveau du fond que de la forme. Véritable récit initiatique, il narre certes l’éveil d’un futur grand cinéaste mais s’intéresse finalement davantage à la construction de ce dernier.
L’enfance, souvent présente dans le cinéma de Steven Spielberg, est ici décrite comme une période un peu étrange, où les adultes semblent parfois agir en dépit du bon sens sans que l’on comprenne pourquoi. Le cinéma permettant au protagonistes principal, comme il a permis à Spielberg au même âge, de peut-être pas mieux comprendre mais en tout cas de prendre un certain recul.
Dans la deuxième partie, The Fabelmans met l’accent sur le véritable pouvoir du cinéma ou plutôt sur les véritables pouvoirs. Un art qui imite la vie, à moins que ce ne soit l’inverse, capable de sublimer la laideur, de manipuler la réalité, mais aussi de révéler des vérités. Enfin, le cinéma est montré ici comme un art fédérateur qui fait plus que distraire en cela qu’il offre aux spectateurs une chance de s’échapper l’espace de quelques instants.
Un art vivant, en perpétuelle évolution, dont le langage emprunte sa grammaire à celle de l’existence, tout en le sublimant bien souvent pour le rendre encore plus limpide. Un langage que Spielberg se devait peut-être de maîtriser à la perfection pour communiquer tout ce qu’il souhaitait exprimer avec ce film important à plus d’un titre dans sa filmographie. Quand bien même le papa d’E.T. maîtrise son art depuis déjà bien longtemps maintenant.
Une vie derrière l’objectif
Pour une fois mis en lumière, d’une certaine façon présent devant et derrière l’objectif, Spielberg sait émouvoir comme personne et le prouve encore ici. Il sait aussi faire preuve de beaucoup de drôlerie, exploitant ses personnages à divers desseins, comme cet oncle un peu fantasque mais finalement plus grave que prévu, cette mère pétillante et aimante, mais minée par le chagrin et les regrets, ce père concerné et affectueux, à sa façon et ces sœurs empathiques et dévouées.
En 2h30, The Fabelmans parle certes de cinéma, mais pas seulement. Proche des thèmes qui ont habité son oeuvre depuis ses débuts, Spielberg fait preuve d’une infinie délicatesse pour faire naître l’émotion au détour de scènes bouleversantes, où les mots, magnifiquement agencés, servent le jeu d’acteurs au firmament.
Gabriel LaBelle, le comédien qui interprète Sam, est flamboyant, au même titre que Michelle Williams, Paul Dano, la prodigieuse Julia Butters (déjà vue dans Once Upon a Time…in Hollywood), Judd Hirsch ou encore Seth Rogen. Ayant toujours su s’entourer pour donner du corps à ses idées, Steven Spielberg, au centre de tout comme jamais, réussit à livrer un hommage déchirant à son art, en prenant soin de nous prendre par la main pour nous faire remonter aux origines de son existence.
Avec toujours cette lumière, omniprésente, qui éclaire sa mère alors qu’elle danse dans les bois où qu’elle illumine sous un jour nouveau une maison froide à laquelle il va pourtant bien falloir s’habituer. La lumière qui est au cœur de la dernière scène, sublime, dans laquelle une ultime leçon de cinéma nous est offerte, avant que Spielberg s’empresse de s’en amuser dans une dernière et brillante pirouette. Une nouvelle preuve de son génie.
Finalement, The Fabelman s’intéresse aux petits riens qui font de la vie ce qu’elle est. Aux tragédies qui peuvent la ponctuer, aux espoirs et à l’amour. D’amour… C’est d’ailleurs surtout bien de cela dont parle The Fabelmans.
En Bref…
En mettant en scène sa propre existence, Steven Spieberg signe un véritable bijou de cinéma. Un film bouleversant, empreint d’une infinie délicatesse, qui sait être drôle et grave sans jamais tomber dans l’excès. Une déclaration d’amour au cinéma, ici célébré dans toute sa splendeur et sa complexité viscérale par l’un des plus grands maîtres d’Hollywood.
@ Gilles Rolland