[Critique] THE FATHER
Titre original : The Father
Rating:
Origines : France/Grande-Bretagne
Réalisateur : Florian Zeller
Distribution : Anthony Hopkins, Olivia Colman, Rufus Sewell, Imogen Poots, Olivia Williams, Mark Gatiss…
Genre : Drame/Adaptation
Durée : 1h37
Date de sortie : 26 mai 2021
Le Pitch :
Anthony, un octogénaire, vit seul dans son grand appartement londonien. Inquiète devant l’état déclinant de ce dernier, sa fille Anne cherche une aide à domicile compétente qui saura prendre en charge son père quand elle est absente. Pourtant, Anthony lui, affirme pouvoir se gérer seul. Malgré cette réalité qui semble se distordre tout autour de lui…
La Critique de The Father :
Depuis sa première représentation en 2012 en France, la pièce de Florian Zeller Le Père, s’est brillamment exportée, collectionnant les prix et récoltant tous les suffrages. Une pièce que Zeller s’est décidé à adapter au cinéma, profitant de l’implication d’acteurs de premier plan, Anthony Hopkins tout d’abord puis Olivia Colman ou encore Imogen Poots et Rufus Sewell. Un film dans un premier temps repoussé en raison de la pandémie qui a enfin réussi à se frayer un chemin dans les salles obscures au moment de leur réouverture…
Lente déliquescence
Au centre de cette histoire en apparence simple, Anthony Hopkins interprète un vieil homme en perdition. Les apparences d’ailleurs, mieux vaut ne pas s’y fier. Ce que le protagoniste principal peine à comprendre lui qui se refuse à reconnaître que sa vie n’est plus ce qu’elle était. Sa fille insiste pour que quelqu’un l’assiste au quotidien mais lui, prend ça comme un affront. Pourtant, plus le temps passe et plus la réalité se dissout inexorablement au fil de changements dans son appartement et de visages qui se mélangent. Les jours passent comme des heures, à moins que ce ne soit le contraire et la menace d’un brutal changement n’arrange en rien cette angoisse qui s’accroche comme une maladie insidieuse prête à dévorer la moindre parcelle de raison qui persiste…
Vu de l’intérieur
Courageux à plus d’un titre dans son approche d’un sujet difficile, Florian Zeller filme le naufrage d’un homme âgé en nous proposant son point de vue à lui et non celui de celles et ceux qui l’entourent. Très vite, car The Father est un film remarquablement rythmé, la fille d’Anthony change de visage, tout comme son gendre. Le temps se distord et jamais on ne sait vraiment à quel saint se vouer dans cette histoire de faux-semblant tragique à plus d’un titre. Encore doté d’une farouche volonté et d’un désir de faire bonne figure mais incapable d’empêcher son esprit de sombrer, Anthony est à la fois l’acteur et le spectateur de sa propre perdition. Nous spectateurs assistons à sa détresse sans jamais trop savoir ce qu’il en est vraiment, même si on en vient à deviner la nature de la cruelle réalité.
Inexorable vieillesse
Dans le rôle principal, avec beaucoup de courage, Anthony Hopkins livre l’une de ses plus grandes performances. Ce qui, vu son CV, n’est pas peu dire. Se fondant totalement dans son personnage, partageant avec lui un prénom (ce qui est lourd de sens) et probablement des angoisses, l’acteur octogénaire relève un défi d’envergure et parvient, sans trop en faire mais sans se priver non plus d’injecter un peu de fantaisie dans son approche du personnage, à incarner toutes les thématiques du film. Au centre de cette spirale implacable, il fait office de pivot quand tout autour gravite d’autres acteurs au sommet de leur art, Olivia Colman et Imogen Poots en tête. Un comédien qui ne lâche rien, capable d’incarner la plus subtile des émotions, y compris quand vient le moment de totalement s’abandonner à la souffrance de son rôle, au cours d’une ultime scène absolument déchirante…
Le vieil homme et la folie
Si le risque pour Zeller était de « simplement » refaire sa pièce de théâtre au cinéma, force est de reconnaître qu’il n’a pas cédé à la facilité. Quand bien même l’immense majorité de l’histoire se déroule en vase clos, dans un appartement. Pour autant, avec une force évocatrice rare, le metteur en scène parvient à donner une véritable dimension cinématographique à son récit, exploitant non seulement l’espace mais aussi la lumière et plus globalement tout ce qui est à sa disposition. Très délicate, intimiste mais ne manquant pas d’ampleur, sa réalisation est de plus tout à fait pertinente tandis que le scénario ne se prive pas de jouer parfois sur l’absurde sans pour autant là encore perdre l’équilibre. Au point que The Father s’impose au final presque comme une expérience sensorielle. C’est en tout cas bien plus qu’un simple drame. Un grand film, tout simplement.
En Bref…
Porté par un Antony Hopkins au sommet de son art (il n’a pas volé son Oscar), magnifiquement réalisé et écrit, avec un soupçon d’absurde et une immense justesse, The Father impressionne constamment par son sens de la nuance, son intelligence et sa sensibilité. Un film plus complexe qu’il n’y paraît, difficile parfois, parfaitement maîtrisé. La lente déliquescence d’un vieil homme en rupture avec une réalité qu’il ne reconnaît plus. Brillant.
@ Gilles Rolland