[Critique] THE GRANDMASTER
Titre original : 一代宗师
Rating:
Origine : Hong-Kong/Chine/France
Réalisateur : Wong Kar-Wai
Distribution : Tony Leung Chiu Wai, Zhang Ziyi, Chang Chen, Qingxiang Wang, Tielong Shang, Jin Zhang, Xiao Shenyang…
Genre : Arts-Martiaux/Biopic/Drame
Date de sortie : 17 avril 2013
Le Pitch :
Les destins croisés de Ip Man, maitre incontesté de boxe Wing Chun, et de Gong Er, fille du grand maitre Baosen, à travers la tumultueuse histoire de la Chine…
La Critique :
On comprend pourquoi la vie de Ip Man donna lieu à plusieurs films. Héros populaire d’une Chine martyrisée par l’envahisseur japonais, en plein conflit mondial, Ip Man est populaire pour avoir enseigné son art à Bruce Lee, et pour s’imposer comme le représentant ultime de la boxe Wing Chu, l’un des nombreux arts-martiaux plus ou moins dérivés du Kung Fu. Ip Man a tout connu : l’occupation de la Chine par le Japon, la guerre civile, l’opulence puis la pauvreté, pour au final devenir une légende dont l’histoire continue de fasciner aujourd’hui à travers le monde.
Incarné précédemment par Donnie Yen dans l’excellent Ip Man, de Wilson Yip, ce grand maître est de retour, sous la houlette d’un autre maître -du cinéma cette fois-, à savoir Wong Kar-Wai.
Un conseil : ne regardez pas Ip Man de Wilson Yip avant de voir The Grandmaster. Le décalage entre les deux est grand ; et voir le premier, qui se distingue par ses affrontements virtuoses, brutaux et âpres, juste avant de découvrir le film de Wong Kar-Wai, donne sans aucun doute l’avantage au premier. Et d’ailleurs, ça marche aussi si vous avez vu Ip Man bien avant de voir The Grandmaster… Un conseil qui vaut tout particulièrement si vous pensez trouver dans le Wong Kar-Wai des combats à mains nues virtuoses, de l’action, et plus globalement le parcours de vie d’un combattant pris dans les affres de la grande Histoire.
The Grandmaster trace sa route et se perd en chemin. Ip Man n’est qu’un prétexte pour aborder d’autres sujets, et notamment la trajectoire du personnage incarné par Zhang Ziyi, qui occupe une bonne moitié du film, avec sa vengeance qui prend des plombes pour s’achever sur un quai de gare.
Étrange tout de même de mettre en scène Ip Man pour au final le décrire comme un type stoïque au possible, le laisser de côté au profit d’une histoire qui dessert complètement la trame de fond historique et se contenter de combler les trous scénaristiques par de laconiques messages intercalés à intervalles réguliers entre les séquences.
Un prétexte donc. Wong Kar-Wai semble de moquer un peu de son héros et du même coup des arts-martiaux. Même si The Grandmaster offre quelques séquences de baston, là n’est pas l’essentiel. Même quand il filme des types qui se prennent des torgnoles, le réalisateur filme les gouttes d’eau et les flocons de neige. Au ralenti s’il vous plait. Même quand ils ne font rien de particulier, les protagonistes le font au ralenti. L’image est saccadée et les visages sont filmés plein fer. Dans un bordel, des hommes parlent parmi les prostitués, avant de se foutre sur la gueule… au ralenti. Maniérée, la mise en scène de Wong Kar-Wai nuit franchement à la puissance des chorégraphies du légendaire Woo-Ping Yuen (qui a bossé sur Kill Bill et Matrix notamment) qu’elle rend curieusement brouillonne. Idem pour le montage, à la ramasse. Et puis évidemment, si précédemment dans le même rôle, Donnie Yen démontrait d’un vrai talent dans les arts-martiaux, ce n’est pas le cas de Tony Leung. Certes charismatique, Leung, monolithique à souhait, peine à faire vivre son personnage, écrasé par le monument qu’il est censé incarner. Heureusement, Zhang Ziyi relève le niveau et confère au film un minimum de crédibilité pour ce qui est de la représentation du Kung Fu et de ses dérivés.
En gros Wong Kar-Wai se sert des arts-martiaux comme rampe de lancement vers un objectif nébuleux. Il se fout du même coup du côté historique, pourtant primordial dans le cas présent (l’histoire commence à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale et donc de l’annexion de la Chine par le Japon). Le cinéaste ne s’investit réellement que quand il s’agit de traduire à l’écran la romance contrariée entre la fille du Grand Maitre et Ip Man. Il souligne aussi les non-dits et donne plus d’importance aux actes apparemment anodins qu’aux coups de lattes. C’est frustrant. On parle beaucoup d’honneur, du poids de l’héritage et de celui des sentiments. Certes beau et dégageant une classe indéniable, son film en ressort très bordélique et creux, vu qu’il survole une grande partie des thèmes primordiaux inhérents à cette histoire incroyable. Pour lui, les arts-martiaux sont autant de danses que les protagonistes exécutent quand ils ne souhaitent pas s’exprimer. Et à l’écran… c’est chiant. Chiant comme la pluie. Et il pleut beaucoup dans The Grandmaster.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Wild Bunch Distribution
Vu hier soir donc, c’est sûr que le film est une réelle épreuve à regarder sans cligner des yeux (puis s’endormir) tellement les images, les séquences sont souvent laborieuses … avec plein de choses étranges, outre la pluie et la neige, du grain pas beau, des ralentis saccadé à 2 images par secondes, une mise point sur les nez et le reste du visage flou (???), etc. sans oublier le train le plus long du monde. Sinon, effectivement, le montage lors des combats, ainsi que les prises de vues ne sont pas toujours top mais la choré et les coups et mouvements (notamment les nombreux coups de pied d’arrêt) sont très bons je trouve, et bien plus “kung fu” que sur beaucoup d’autres films du style, dommage que ces combats ne soient pas plus lisibles.
Bref, bien déçu mais en même temps c’est WKW donc bon … à quoi je m’attendais 😉
Pour les néophytes, c’est sûr que la série des Ip Man est bien meilleure.
Pour corriger un petit peu, en fait le Wing Chun est un style de Kung Fu.
Oui voilà, je suis d’accord avec toi. Les chorégraphies sont belles et globalement, malgré les incompréhensibles choix de mise en scène, le film est plutôt beau. Mais voilà quoi… Pour faire un petit parallèle qui vaut ce qu’il vaut, ok, c’est WKW qui réalise et le mec à son style, qui n’a pas grand chose à voir avec les Ip Man et autres films d’arts-martiaux plus conventionnels. En soi, ce n’est pas un problème. Terrence Malick, avec La Ligne Rouge, a proposé sa propre vision de la guerre, en opposition avec des œuvres plus axées sur l’action et le film est un chef-d’oeuvre (à mon sens). Pour moi WKW s’est fourvoyé, même si son film garde quelques mérites bien sûr. On neparle pas d’un tacheron non plus. Ceci dit, merci pour la précision sur le Kung Fu (je suis un néophyte haha), et merci pour ton retour Jérôme !
C’est clair que c’est un WKW raté.
J’ai oublié de mentionner quand même un des points fort du film : les plans avec Zhang Ziyi 😉
Où qu’elle soit, elle est bien 😉