[Critique] THE GREEN INFERNO
Titre original : The Green Inferno
Rating:
Origines : États-Unis/Chili
Réalisateur : Eli Roth
Distribution : Lorenza Izzo, Ariel Levy, Aaron Burns, Kirby Bliss Blanton, Magda Apanowicz, Ignacia Allamand, Daryl Sabara, Nicolás Martínez, Richar Burgi…
Genre : Horreur
Date de sortie : 16 octobre 2015 (e-cinéma)
Le Pitch :
Justine est une étudiante comme les autres. En première année, elle fait un jour la connaissance d’un groupe d’activistes, dirigé par un charismatique jeune homme plein de fougue. Sensibilisée à leur cause, Justine décide de s’envoler avec eux pour rallier l’Amazonie et protester contre la déforestation massive et ainsi protéger les populations indigènes. Dès le départ, rien ne se passe comme prévu. Tout spécialement quand, à la suite du crash de leur avion, les étudiants se retrouvent perdus en pleine jungle. L’occasion va vite se présenter de faire alors la connaissance avec les indigènes qu’ils étaient venus protéger des bulldozers. Ce qu’ils ignorent, c’est que leurs hôtes sont cannibales et qu’aujourd’hui, ils ont une grosse dalle…
La Critique :
Il est évident, à la vision du nouveau film d’Eli Roth, qu’une sortie au cinéma n’était pas envisageable. Trop gore, trop choquant, The Green Inferno est simplement « trop » pour les multiplexes. Sa sortie en e-cinéma semblait alors beaucoup plus adaptée, tout en évitant au long-métrage de se voir lui-même charcuté par des sagouins au nom de la toute puissante censure.
Là, pas de danger. The Green Inferno est tel que ce sale gosse d’Eli Roth a voulu qu’il soit.
Alors ! Remake ou pas remake de Cannibal Holocaust ? La réponse est non, même si il est quand même tentant de parler de remake déguisé ou de vrai/faux remake, c’est selon, tant cette plongée dans la jungle des horreurs, en compagnie de sadiques indigènes, emprunte tous les codes du trip malsain de Ruggero Deodato, et de ces ersatz, qui se sont vite engouffrés dans la brèche dans les années 80. Considéré par beaucoup comme un classique du genre, ce dernier, avec ses passages en found footage et ses scènes « snuff », fut, à n’en pas douter, dans l’esprit d’Eli Roth dès la mise en route du projet. Impossible de ne pas y penser et difficile également de ne pas comparer les deux. Comme d’habitude, tout ceci est subjectif, mais à l’arrivée, force est de reconnaître que Roth a surpassé son modèle présumé, en livrant non seulement une œuvre jusqu’au-boutiste, mais aussi beaucoup plus maîtrisée et canalisée, que ce soit sur un plan purement visuel ou au niveau du discours dispensé. Là où Cannibal Holocaust y allait franchement pour choquer, quitte à en faire des caisses et à dépasser allègrement toutes les limites en vigueur à l’époque, The Green Inferno est plus sage, car il prend le temps de raconter une histoire, tout en, dès qu’on entre dans le vif du sujet, offrant aux amateurs de tripailles ce qu’ils sont venus chercher. De la part d’un réalisateur connu pour sa tendance à s’éparpiller et à faire un peu n’importe quoi, comme le récent Knock Knock l’a d’ailleurs une nouvelle fois illustré, une telle maturité est plutôt surprenante. Elle confirme notamment que, libre comme l’air, Roth a pensé son projet à partir d’une idée scénaristique qu’il en ensuite développée et non uniquement car il voulait envoyer du bois et provoquer moult dégueulis et autres évanouissements, comme à la grande époque. Au final, son film gagne sur tous les plans, sans donner l’impression de vouloir péter plus haut que son cul. Y compris dans la direction d’acteurs, appréciable, là encore beaucoup plus remarquable que dans Knock Knock. À noter à ce propos la présence de Lorenza Izzo, madame Roth à la ville, dans les deux longs-métrages. Une comédienne largement mise en valeur ici, sous le regard plein d’amour d’un homme animé d’un sadisme bienveillant, au centre d’un casting pertinent, comptant d’ailleurs de nombreux autochtones.
C’est une surprise, Eli Roth a enfin trouvé le bon dosage. Son scénario tout d’abord, écrit à 6 mains, avec notamment le fidèle Nicolás Martínez (également devant la caméra, ce dernier doit normalement réaliser la suite), fait preuve d’une ironie assez cinglante. Le discours n’est pas spécialement profond, mais, de par sa roublardise assumée, devrait en agacer plus d’un. Roth jette un regard sans concession sur les activistes au centre de son récit, qu’il plonge dans une situation à plus d’un titre abominable, découlant directement d’actes pensés comme de bonnes actions, et en profite pour tirer à boulets rouges sur certaines organisations humanitaires dont il dénonce les méthodes. Par ce biais, le réalisateur tourne en dérision l’engagement de certains activistes, plus motivés par la célébrité que par la portée véritable de leur prétendu engagement. Dans ces conditions, Roth prend le risque d’être mal compris, mais il est évident que la critique est légère et que les signaux qu’il envoi au spectateur indiquent bien que tout ceci ne doit pas trop être pris au sérieux.
Au niveau visuel ensuite, The Green Inferno remplit, comme indiqué plus haut, largement sa part du contrat. Nous voulions du gore et nous avons du gore. Épaulé par le talentueux spécialiste des effets-spéciaux, Greg Nicotero, Roth tranche dans le vif et offre des séquences ultra saignantes. Cela dit, là aussi le cinéaste fait preuve d’une certaine mesure. Sa violence n’est pas aussi complaisante que dans Hostel 2 par exemple et beaucoup moins opportuniste que dans Cannibal Holocaust. Néanmoins, le long-métrage ne doit pas être mis devant toutes les mirettes. Interdit aux moins de 16 ans, il justifie son statut en permanence, ne détourne jamais le regard et ne lésine pas. Pas plus qu’il n’hésite à orchestrer différents sacrifices. Le tout dans un esprit « old school » appréciable, dans un refus (relatif) des images de synthèse, avec ce bon vieux ketchup et ces mannequins, pour le coup super réalistes. Et parfois sans non plus se refuser de brutaux accents de mauvais goût, afin d’accentuer un peu l’aspect comique et second degré de toute l’entreprise.
Immédiatement, The Green Inferno se place dans le sillage des films gore d’antan. Ceux de l’âge d’or du genre, qui pullulaient dans les vidéo-clubs et faisaient le bonheur des adolescents, devenus aujourd’hui des adultes cinéphiles un peu frustrés. Eli Roth, grand amoureux de cette période, a sans aucun doute pensé son film pour eux. Et c’est d’ailleurs le plus beau compliment que l’on puisse lui faire que de souligner à quel point il dénote joyeusement avec ce qui se fait généralement aujourd’hui.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Wild Side