[Critique] THE HUNT
Titre original : The Hunt
Rating:Origine : États-Unis
Réalisateur : Craig Zobel
Distribution : Betty Gilpin, Hilary Swank, Emma Roberts, Ike Barinholtz, Justin Hartley, Sizie Haines, Ethan Suplee…
Genre : Horreur/Thriller
Durée : 1h30
Date de sortie : 28 mars 2020 (Rakuten TV)
Le Pitch :
Plusieurs inconnus se réveillent en pleine forêt. Au milieu d’une prairie se trouve une caisse remplie d’armes en tous genres. Rapidement, les coups de feu retentissent et les corps commencent à tomber. La chasse est ouverte mais le gibier n’entend pas se laisser faire pour autant…
La Critique de The Hunt :
Objet d’un nombre assez hallucinant de missives outre-Atlantique, au point de provoquer le report de sa sortie en salle, le nouveau film de Craig Zobel (Compliance) a lui aussi fini par écoper d’une sortie VOD en pleine pandémie de coronavirus. Voilà qui a dû faire plaisir à ses nombreux détracteurs pro-Trump, qui ont vu en The Hunt, dès la diffusion de sa bande-annonce, une sorte d’attaque anti-Républicains aussi violente que (toujours selon eux) gratuite. Le problème -et c’est le risque quand on décide de se livrer à une critique sans avoir vu le film que l’on condamne- c’est que The Hunt ne fustige pas les Républicains mais s’en prend de manière général à la bêtise dans ce qu’elle a de plus universel. Un film qui fonce, pied au plancher, sans retenir ses coups, avec une jubilation et un second degré appréciable. Y a pas à dire, en ce moment, ça fait plaisir !
Chasse à l’homme
Loin de se résumer à une sorte de duel à mort entre Républicains et Démocrates au sein d’une Amérique plus que jamais divisée, les seconds chassant les premiers (si on résume très grossièrement), The Hunt souligne plutôt violemment, avec véhémence et finalement une certaine distance, les travers d’une société qui se vautre dès qu’elle en a l’occasion dans la stupidité la plus crasse. Les proies étant ici aussi bêtes que les chasseurs, si on fait exception du personnage principal, campé par Betty Gilpin (GLOW). Le scénario de Damon Lindelof et Nick Cuse (excusez du peu) prenant un malin plaisir à brouiller les pistes et à jouer avec les codes de l’horreur pour faire passer un discours furieusement incarné, sans se priver de malmener aussi souvent que possible les personnages. Une bonne vieille satire comme on en voit trop peu où les défenseurs autoproclamés de la tolérance, de l’écriture inclusive ou de ces différentes causes au départ nobles qu’on a tendance à s’approprier pour se donner bonne conscience, se retrouvent pris au piège de leur propre bien-pensance absurde. Beaucoup moins primaire qu’il n’en a l’air, en cela plutôt dans la lignée du déjà perturbant Compliance, le nouveau Craig Zobel fait preuve de suffisamment de nuance pour toucher au vif à plusieurs reprises sans se priver d’y aller aussi franchement niveau spectacle.
Head shot
Car loin de se regarder le nombril en permanence, The Hunt se montre aussi d’une efficacité graphique redoutable, surprenant souvent, sans se complaire dans une violence outrancière mais sans lui fermer la porte non plus. Derrière la caméra, Craig Zobel se montre parfaitement compétent quand il s’agit d’orchestrer ce savant jeu de massacre, lui qui utilise à bon escient ses références et ses acteurs pour à la fois faire honneur au caractère cruel de son script mais aussi pour en donner pour leur argent aux amateurs de boucherie décomplexée. Au centre, Betty Gilpin explose littéralement. Dès sa première apparition, l’actrice, jusqu’ici surtout connue pour incarner l’une des catcheuses de la série GLOW, impose un charisme résolument hors norme. Superbement mise en valeur par le récit et par son metteur en scène, elle met en avant un jeu viscéral au possible, déterminée et physiquement complètement à la hauteur durant les scènes d’action. Une révélation qui à la elle seule, incarne les intentions du métrage. Son rôle étant en plus assez ambigu. Une actrice entourée de second rôles burinés, avec au hasard des passages d’Emma Roberts ou Justin Hartley de This Is Us, et opposée à une Hilary Swank sauvée de la routine morne dans laquelle sa carrière s’est embourbée depuis l’obtention de son deuxième Oscar. Cette dernière étant aussi épatante dans la peau d’une femme de pouvoir en roue libre.
Au-delà des clichés du genre, à contre-courant, imprévisible et joyeusement foutraque, The Hunt se montre passionnant. De la première à la dernière scène. Toujours cohérent, pertinent et osé, il tape là où ça fait mal et fait réfléchir. Une pure bombe comme nous n’en avions pas vu depuis des lustres !
En Bref…
Doté d’un excellent scénario signé Damon Lindelof et Nick Cuse (le duo derrière The Leftovers), The Hunt se joue des attentes des spectateurs et s’apparente à une virulente et jubilatoire charge contre l’absurdité de notre société gangrenée par ses excès, son hypocrisie et ses contradictions. Un film puissamment mis en scène par un Craig Zobel enfin revenu aux affaires sérieuses et porté par un casting aux petits oignons dominé par la stupéfiante Betty Gilpin.
@ Gilles Rolland