[Critique] THE KING’S MAN : PREMIÈRE MISSION
Titre original : The King’s Man
Rating:
Origines : États-Unis/Angleterre
Réalisateur : Matthew Vaughn
Distribution : Ralph Fiennes, Gemma Arterton, Harris Dickinson, Djimon Hounsou, Rhys Ifans, Tom Hollander x 3, Daniel Brühl, Charles Dance, Aaron Taylor-Johnson, Valerie Pachner, Stanley Tucci…
Genre : Action/Aventure/Adaptation
Durée : 2h11
Date de sortie : 29 décembre 2021
Le Pitch :
Alors que la Première Guerre mondiale vient d’éclater, le duc d’Oxford décide de mobilier toutes ses ressources afin de mettre un terme au conflit. Il s’attaque pour cela aux tyrans qui tirent les ficelles dans l’ombre, aidé de quelques-uns de ses amis…
La Critique de The King’s Man : Première mission :
Annoncé en 2019, promis pour 2020, The King’s Man : Première mission, dont l’action se situe avant les deux premiers Kingsman, en pleine Première Guerre mondiale, a été touché de plein fouet par la pandémie. Maintes fois repoussé, un temps envisagé pour une diffusion sur Disney + (suite au rachat de la 20th Century Fox), il est enfin parvenu à trouver son chemin jusqu’à nous et à bénéficier d’une sortie en salle. Alors, The King’s Man ; Première mission, qu’est-ce que ça donne ?
Kingsman : origins
Plutôt que de donner une suite immédiate aux aventures d’Egsy, le super espion incarné par Taron Edgerton dans les deux premiers volets, Matthew Vaughn, toujours aux commandes, a préféré remonter aux origines de l’organisation Kingsman à l’occasion de ce troisième film. Un choix un peu déconcertant mais assurément payant quand on voit comment le cinéaste s’y est pris.
Car The King’s Man : Première mission ne se contente pas de changer d’époque et de personnages. Sa tonalité aussi rompt avec celle des deux premiers épisodes. Bien sûr, Vaughn n’a pas totalement cassé la dynamique de la saga mais a souhaité assombrir considérablement son propos. En cela, la première scène donne le ton et prend la forme d’une authentique note d’intention. Une manière pour le chef d’orchestre de nous affirmer que si The King’s Man contiendra aussi cet humour si particulier propre à la franchise, il sera plus crépusculaire et plus grave que ne l’était Kingsman et Kingsman 2. Et c’est justement quand il n’hésite pas à casser un peu nos attentes pour mieux nous prendre par surprise que le film s’avère le plus valeureux.
Sale guerre
L’autre très bonne idée de The King’s Man est de prendre place au cœur de la grande Histoire. Ici, les héros, emmenés par le solide Ralph Fiennes, ne se lancent pas à la poursuite d’un méchant fantasque issu de l’imagination de Matthew Vaughn et de ses deux co-scénaristes Jane Goldman et Karl Gajdusek. Le récit débute au début du XXème siècle et s’ancre par la suite totalement au cœur de la Première Guerre mondiale. À la façon de Quentin Tarantino avec Inglourious Basterds et de tous ceux qui se sont permis, à travers leur cinéma, de réécrire l’histoire, Vaughn utilise des éléments véridiques pour mieux nourrir la dynamique de son aventure.
L’occasion pour lui de précipiter ses protagonistes dans les tranchées mais aussi de les faire évoluer dans les coulisses d’un conflit meurtrier, en imaginant une super organisation criminelle occupée à placer ses pions sur l’échiquier du mal depuis une base opérationnelle qui toujours évoque les plus belles heures de la saga James Bond.
Au cœur du No Man’s Land
Plus posé, du moins au début, Matthew Vaughn prend alors le temps de construire les bases de tout son univers. On sent le réalisateur désireux de ne pas faire n’importe quoi avec les faits historiques sur lesquels il s’appuie et c’est aussi pour cette raison qu’au début, son film est infiniment plus sobre et plus sombre que les deux précédents volets. Même le jeune héros, qui en quelque sorte, prend la place d’Egsy, est plus adulte et moins enclin aux vannes potaches. Néanmoins, progressivement, alors que le film s’achemine vers son deuxième acte, une fois que tout le monde a pris place sur le champs de bataille, The King’s Man passe la seconde et renoue avec certaines des habitudes de la franchise.
La première scène à clairement raccrocher les wagons avec le reste de la saga est celle durant laquelle les héros s’opposent à Raspoutine, le mystérieux mage russe ici campé avec délectation par d’absolument fantastique Rhys Ifans. Un morceau de bravoure dans le film, qui donne par ailleurs lieu à l’une des bastons les plus enthousiasmantes du lot. Par la suite, décidément en grande forme, patient mais aussi toujours prêt à méchamment foncer dans le tas, Matthew Vaughn fait monter la pression.
Dans les coulisses du conflit
Sans cesse étonnant quand il tente des mouvements de caméra tous plus audacieux et inventifs les uns que les autres, maîtrisant la moindre inflexion de son ambitieux récit, le réalisateur fait preuve d’une maîtrise à toute épreuve. Tamias l’action, pourtant de plus en plus présent, n’empêche l’émergence d’une émotion très prégnante et jamais la virtuosité ne casse la rythmique pour tourner à la pure démonstration de force. Faisant preuve d’un équilibre remarquable, The King’s Man impressionne en permanence, parvient à émouvoir réellement et s’avère toujours plus passionnant dans sa façon de remodeler l’histoire pour en tirer partie afin de gagner en épaisseur.
Matthew Vaughn sait également utiliser tous ses personnages à bon escient. Tous les acteurs, même les secondaires, ont des partitions intéressantes à jouer et ainsi, tous les acteurs peuvent briller à un moment ou à un autre. Ralph Fiennes en particulier, est absolument prodigieux. Oui, ce n’est pas nouveau mais force est de reconnaître qu’ici, dans la peau d’un homme d’action touché par une tragédie qui a remodelé son existence, sait se montrer tout aussi valeureux dans le drame pur que dans l’action. On peut en dire autant de tous les comédiens, de Gemma Arterton à Djimon Hounssou, de Charles Dance à Matthew Goode, de Tom Hollander, qui joue d’ailleurs trois rôle, à Harris Dickinson.
Les pieds dans la boue de l’histoire
Hitchcock soulignait qu’un film dépend beaucoup de son méchant. Matthew Vaughn l’a parfaitement compris en mettant en avant de vrais salopards, réunis au centre d’une organisation dans laquelle figure le terrifiant Raspoutine. Une autre figure historique parfaitement exploitée, qui elle aussi vient souligner la pertinence d’un film capable de passer d’une tonalité à une autre sans jamais se défaire de sa puissance évocatrice et de sa classe. Un personnage ô combien important, qui figure par ailleurs parmi les plus incroyables vus sur un écran de cinéma depuis un bail.
Solide, touchant car totalement concerné par ses personnages, respectueux de son public, de ses attentes et de son histoire, The King’s Man n’est pas juste une déclinaison « historique » des deux premiers mais bel et bien un préquel profond et passionnant. Une origin story étonnante car ambitieuse et maîtrisée, que ce soit narrativement parlant ou concernant l’action, aussi jubilatoire que prenante. On peut parler de tour de force.
En Bref…
En prenant le risque d’assombrir son propos, un peu en rupture avec la légèreté des deux premiers volets, Matthew Vaughn parvient à nous livrer un film étonnant, totalement maîtrisé et ô combien passionnant. Une fresque qui ne cesse de monter en puissance, émouvante et violente, sans concession aucune, portée par de formidables acteurs. En racontant les origines du Kingsman, ce film extraordinaire met en avant un sens de la nuance ahurissant et s’impose ainsi sans mal comme une réussite absolue. Dans ces conditions, on ne serait pas contre un quatrième volet…
@ Gilles Rolland