[Critique] THE LOST CITY OF Z

CRITIQUES | 16 mars 2017 | Aucun commentaire
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Titre original : The Lost City Of Z

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Réalisateur : James Gray
Distribution : Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Sienna Miller, Tom Holland, Edward Ashley, Angus Macfadyen, Ian McDiarmid…
Genre : Drame/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 15 mars 2017

Le Pitch :
Major dans l’Armée britannique, Percy Fawcett est contraint par sa hiérarchie de laisser sa famille pour partir en Bolivie afin de cartographier une région encore méconnue. Nous sommes au début de XXème siècle et le monde recèle encore de nombreuses zones d’ombre, sujettes à fascination. C’est ainsi que Fawcett se prend rapidement de passion pour l’exploration et pour cette jungle hostile et les peuples qui s’y trouvent. À son retour au pays, il n’a alors qu’une seule envie : repartir et peut-être enfin découvrir cette mystérieuse cité dont il a repéré certains vestiges. Un endroit au centre de nombreux fantasmes. Histoire vraie…

La Critique de The Lost City Of Z :

Little Odessa, The Yards, La Nuit nous appartient et Two Lovers… Difficile d’imaginer une filmographie plus cohérente, passionnante et maîtrisée que celle de James Gray. De ses débuts en 1994 à 2008, le réalisateur n’a pas commis un seul faux pas, s’imposant rapidement comme l’un des plus doués de sa génération. Puis est venu The Immigrant. Un film d’époque qui continuait à explorer les thématiques chères au cinéaste tout en se posant comme une métaphore de notre société et plus particulièrement de l’Amérique d’alors. Une œuvre sublime sur bien des points mais étrangement un peu maladroite aussi. Comme si le fait de s’attaquer à un récit moins « intimiste », amené à véritablement sortir du cadre strict de la famille, avait un peu étouffé une force évocatrice potentiellement dévastatrice. The Lost City Of Z, qui se pose à première vue comme une grande fresque d’aventure à l’ancienne, ne commet pas les mêmes erreurs et donne l’occasion au metteur en scène de gagner sur tous les plans…

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Welcome To The Jungle

Il était une fois Percy Fawcett, un soldat qui rêvait de partir au front pour défendre son pays mais qui, à la place, fut envoyé dans la jungle amazonienne pour cartographier une région inconnue. Une jungle dans laquelle Fawcett a attrapé un virus, à savoir celui de l’exploration, qui relégua bien loin ses velléités guerrières. Une passion née dans les douleurs pprovoquées par un environnement hostile, qui relégua d’ailleurs plus largement tout le reste. La guerre, une Reine pour laquelle il aurait jadis tout donné, mais aussi sa propre famille, destinée à évoluer sans lui, dans l’inquiétude d’une nouvelle tragique. Adapté par James Gray des écrits de David Grann, The Lost City Of Z revient sur la vie du célèbre et mystérieux explorateur Percy Fawcett. Un soldat qui s’est trouvé dans la jungle, au contact d’hommes qualifiés de sauvages par l’opinion publique, au point de ne pas pouvoir s’en détacher et d’associer son destin à une supposée cité perdue. Une personnalité assez méconnue qui devient un étonnant personnage de cinéma, habité par les obsessions de James Gray et dans lequel il n’est pas difficile de trouver une résonance avec les rôles campés par Mark Wahlberg ou à plus forte raison Joaquim Phoenix dans les précédents films du réalisateur. En cela, au fond, et malgré un environnement et une époque éloignés de l’aspect plus contemporain de The Yards ou La Nuit nous appartient, The Lost City Of Z vient parfaitement s’imbriquer dans une logique similaire. Le récit qu’il nous compte aborde des thèmes extrêmement modernes, qui partagent assez ironiquement d’ailleurs, vu que le scénario fut écrit plusieurs mois avant les élections américaines, des points communs avec notre réalité. James Gray insiste notamment sur la perception du monde moderne de ces peuplades d’Amazonie, jugées avec sévérité. Il souligne le côté tragique des préjugés. Les préjugés de ceux qui incarnent le progrès envers une différence qui fait peur, mais aussi les idées reçues d’une élite fermée à ceux qui n’ont pas eu le privilège de grandir dans une normalité étriquée. Quand il découvre que les indigènes d’Amazonie ne sont pas les barbares qu’on lui a décrits, Fawcett a vite fait de se sentir proche d’eux, lui qui a souffert toute sa vie d’un déficit de reconnaissance, malgré ses efforts, pour racheter son nom, sali par un père joueur et alcoolique. Le parallèle que dresse James Gray est parfaitement passionnant et habite le film tout du long, faisant de Fawcett le réceptacle parfait d’obsessions relatives à une quête d’ailleurs, qui pourra paradoxalement lui faire gagner la reconnaissance des siens. Ce n’est pas pour rien qu’on compare The Lost City Of Z à Apocalypse Now. Il y a à la fois du Colonel Kurtz chez Fawcett, mais aussi du Willard (le personnage campé par Martin Sheen). Lui aussi remonte le courant d’une rivière qui va devenir le vecteur de tant d’émotions contradictoires pour trouver une source dont la vocation est, on l’apprend plus tard, de lui injecter une folie amenée à grandir pour engloutir tout le reste.
Ce qui vient parfaitement bien se greffer à la famille, au centre de toutes les œuvres de Gray et ici encore une fois radiographiée, par le prisme d’un sujet propice. L”hérédité en particulier se retrouve au centre des préoccupations. Comme dans La Nuit nous appartient d’une certaine façon, mais de manière encore plus prononcée car ici, le héros, fils d’un homme indigne, est aussi le père.

Enfer vert

Le personnage de Robert Pattinson résume très bien l’attraction qu’exerce cette forêt, que James Gray parvient à imposer comme un monde à part, quasiment détaché du notre, régit par ses propres lois, quand il affirme que si cet environnement dangereux a tout d’un enfer, les merveilles dont il recèle suffisent à aussi l’imposer comme une sorte de paradis. Et c’est dans cet espace, entre les deux, qu’évolue Percy Fawcett et ceux qui gravitent autour. Sa femme, ses enfants et ses compagnons de voyage, qui vont assister à la progression d’une fièvre peut-être destinée à ne jamais retomber. La construction du personnage va de pair avec sa déconstruction. C’est fascinant.

La forêt d’émeraude

The Lost City Of Z est un grand film baroque, d’une beauté à couper le souffle. Tourné à l’ancienne, en 35 mm, dans la jungle, bénéficiant du talent d’un Darius Khondji en pleine forme (il était aussi directeur de la photographie sur Se7en et sur The Immigrant, le précédent Gray), ce film, en plus de porter des émotions et des métaphores incroyables de complexité et de pertinence, s’impose aussi comme une formidable évocation d’un cinéma malheureusement tombé en désuétude. À l’heure où les images de synthèse permettent de situer la jungle en studio, James Gray a choisi de véritablement y aller. D’ignorer quasiment le progrès pour retrouver cette essence propice aux grandes fresques, à l’a manière dont son héros s’enfonce dans la verdure pour trouver la cité perdue de Z. Et comme souligné lors de l’introduction, là où The Immigrant voyait parfois la forme prendre le pas sur le fond, The Lost City Of Z pas du tout. Habité d’une foi faisant écho à celle qui caractérise l’histoire dans son ensemble, le réalisateur livre une fresque sublime. Son talent est visible dans le moindre plan. Les audaces sont bien là, nombreuses, mais néanmoins discrètes. Pas de démonstration brutale de force. Même pas de séquences comme celle de la poursuite dans La Nuit nous appartient. D’une pudeur exemplaire et néanmoins risqué quand on entend faire un film d’aventure, ce long-métrage est un trésor de mesure, d’application et d’investissement. Alors bien sûr, on remarque aussi les grosses ellipses. Le premier montage faisant plus de 4 heures, il a fallu faire des coupes plus ou mins franches. Parfois, c’est un peu brutal mais compréhensible. Malgré ses 2h20, The Lost City Of Z aurait mérité de se voir alloué d’une bonne demi-heure en plus. D’habitude c’est plutôt l’inverse, mais ici, le temps manque. De manière à favoriser encore davantage plus l’envol de cette émotion de plus en plus présente, qui de temps en temps, est freinée par une accélération de la rythmique guidée par des raisons pratiques et non foncièrement artistiques. On peut comprendre mais cela peut aussi s’avérer frustrant.

Fawcett, la colère de Dieu

Dans le rôle principal, Charlie Hunnam trouve une belle occasion d’en démontrer à ceux qui auraient préféré en voir un autre tenir sa place. À des milliers de kilomètres du chapter des fils de l’anarchie, le comédien brille de mille feux, en campant un homme consumé par une folie qui le pousse à délaisser sa famille, aux confins du monde. Très intense, investi comme rarement, son charme à l’ancienne fait des prouesses. Même constat pour Robert Pattinson, qui n’en finit plus de s’éloigner du rôle qui a fait de lui une star. À l’instar de Kristen Stewart, l’autre « révélation » de Twilight, Pattinson montre de quel bois il est fait en incarnant des personnages difficiles, dans des œuvres exigeantes, avec toujours cette même ambition, débouchant bien souvent, comme c’est le cas ici, sur des performances mémorables. On saluera aussi Tom Holland, le futur Spider-Man, décidément doué, et bien sûr Sienna Miller, dont le rôle parvient à s’extraire presque miraculeusement des clichés de l’épouse dévouée qui attend son homme en se rongeant les ongles à la maison. Forte, Sienna Miller donne le change et contribue à faire des scènes de « retour », quand Fawcett regagne son foyer, autre chose que des pauses destinées à introduire ce qui va suivre.

Du début à la fin, quoi qu’il en soit, The Lost City Of Z s’apparente à une formidable montée en puissance. Grâce à ses acteurs, à son réalisateur et son écriture. Il y a tellement d’éléments, parfaitement imbriqués les uns aux autres, qui ne cessent de se répondre et de se nourrir mutuellement, dans cette œuvre tortueuse, en forme de superbe tragédie, qu’il est franchement difficile d’en parler sans sortir du cadre. Fait de la même passion que les grands classiques du genre, le sixième film de James Gray, son plus ambitieux, aucun doute là-dessus, est amené à grandir dans l’inconscient des spectateurs. Le genre qu’on cite en référence, qui peut donner lieu à des débats passionnés, dans les écoles des cinéma ou plus largement, quand on parle de films concernés, qui n’ont pas peur de tendre un miroir à la société pour en souligner les aberrations. Ce que James Gray fait en plus sans aucune prétention politique bien que son métrage puisse aussi se situer dans cette catégorie. Pas donneur de leçons, le réalisateur a merveilleusement saisi l’importance des enjeux de cette histoire d’un homme perdu en quête d’ailleurs, qui ne se reconnaît plus dans les yeux de ses contemporains et qui n’entrevoit son existence que dans un univers lointain régi par des codes malheureusement condamnés à disparaître au profit de ce progrès à double-tranchant…

En Bref…
The Lost City Of Z est non seulement un film magnifique, parfaitement mis en scène et interprété, mais aussi une métaphore incroyablement puissante sur notre monde. Un long-métrage sur la famille, l’hérédité, l’aventure, l’amour, l’ambition qui sait aussi se montrer passionnant. Incroyable film d’aventure à l’ancienne, porté par un amour du cinéma probant et par de nobles références, il souffre bien de quelques ellipses un peu hâtives qui heureusement, n’entame pas sa puissance. Une puissance qui se lit dans le seul dernier plan, incroyable… Le genre qui peut hanter très longtemps les esprits.

@ Gilles Rolland

The-Lost-City-Of-Z-Hunnam-Pattinson  Crédits photos : StudioCanal

Par Gilles Rolland le 16 mars 2017

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