[Critique] THE NIGHTINGALE

CRITIQUES | 6 avril 2021 | Aucun commentaire
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Titre original : The Nightingale

Rating: ★★★★½

Origine : Australie

Réalisatrice : Jennifer Kent

Distribution : Aisling Franciosi, Sam Claflin, Baykali Ganambarr, Damon Herriman, Harry Greenwood, Ewen Leslie…

Genre : Drame

Durée : 2h19

Date de sortie : 9 mars 2021 (OCS)

Le Pitch :

En 1825 en Tasmanie, Clare, une jeune irlandaise, voit sa famille se faire massacrer par un officier britannique. Laissée pour morte, elle décide à son réveil de prendre en chasse ce dernier. Afin de la guider à travers le bush, Clare demande l’aide de Billy, un aborigène…

La Critique de The Nightingale :

Tourné en 2017, sorti dans quelques pays en 2018, présenté à la Mostra de Venise, où il déclencha de vives réactions, The Nightingale, le nouveau film de Jennifer Kent (Mister Babadook) est enfin visible chez nous. Un drame éprouvant centré sur la vengeance d’une jeune femme au cœur d’une terre hostile en proie à une domination britannique souvent violente et cruelle…

Chasse à l’homme

Changement de registre pour Jennifer Kent qui après nous avoir fait frissonner avec son très efficace Mister Babadook, saute à pieds joints dans le bush sauvage, armée d’un scénario qu’elle a elle-même écrit. Une histoire de vengeance qui pourrait inscrire son film dans le registre rape-and-revenge alors qu’en réalité, The Nightingale est bien plus que cela. C’est d’ailleurs sa plus grande force : parvenir à la fois à honorer les engagements inhérents à son postulat et en effet orchestrer une vengeance sourde et impitoyable, mais aussi traiter du sort révoltant des aborigènes à une époque où ces derniers étaient sauvagement décimés par l’armée anglaise.

Ayant déjà fait preuve d’une certaine bravoure avec son précédent film, n’hésitant jamais à aborder de front des thématiques sensibles et à jouer sur les doubles-sens, Jennifer Kent ne change ici pas son fusil d’épaule mais fait preuve d’une ambition des plus appréciables, en exploitant pleinement un environnement extrêmement vaste. La Tasmanie qui joue ici un rôle prédominant tant son caractère impénétrable ainsi que les dangers dont sa nature regorge font office d’autant de symboles de la lutte de la jeune héroïne. Une femme violentée, dont l’existence, déjà rude, s’est transformée en véritable cauchemar éveillé. Une victime d’un système impitoyable et injuste, dont le destin et les perspectives ne sont soudainement plus définis qu’à travers le prisme de la vengeance qu’elle réclame. Une brûlante volonté de faire payer les responsables de son terrible sort, qui fait office de moteur alors qu’elle se lance dans cette jungle qui lui renvoie paradoxalement sa souffrance. Que ce soit en journée, quand elle progresse péniblement dans la forêt, la faim et la peur au ventre, ou la nuit, quand les fantômes viennent l’assaillir sans pitié.

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Il était une fois la Tasmanie

Le génie de Jennifer Kent est d’être parvenu à brillamment marier deux histoires : d’un côté celle de Clare et de l’autre celle de Billy, le guide aborigène qui trace un chemin dans le Bush pour la jeune femme. La vie et les souffrances de ce dernier faisant ainsi écho à celles de tout un peuple, peu à peu réduit au silence par des hommes cruels venus en Australie pour asservir quoi qu’il en coûte. Ce qui n’aurait pu être qu’un rape-en-revenge se transforme alors presque en tétanisante leçon d’histoire au sujet de la construction d’une nation aux fondements imprégnés du sang des innocents. D’innocence, il en est d’ailleurs beaucoup question dans The Nightingale. L’innocence de Clare, cette immigrée perdue dans un monde d’hommes avides de l’éreinter jusqu’à la mort pour leur propre plaisir et l’innocence de Billy, cet aborigène déraciné, désireux de rester proche de ses origines mais poussé par l’envahisseur à plier pour éviter de mourir. Les souffrances de Clare, au début réticente à demander de l’aide à un aborigène, finissent par l’unir à ce dernier qui de son côté, parvient peu à peu à vaincre ses propres appréhensions pour ouvrir son cœur aux douleurs de la jeune femme.

L’échange permanent, au début contrarié et verbalement violent puis moins méfiant, entre ces deux personnages, constitue le cœur battant de The Nightingale. Une dynamique qui fait front face à l’ignominie incarnée par le duo de soldats campés avec grand talent par Sam Claflin et Damon Herriman.

Vengeance sauvage

Propulsé par un puissant souffle féministe, The Nightingale sait faire preuve de véritables nuances et arrive à donner du corps à ses ambitions tandis que la quête de justice au centre de l’intrigue adopte des velléités plus vastes et ambitieuses. Remarquablement écrit, avec intelligence et sensibilité, n’évitant jamais de regarder en face la violence, The Nightingale adopte également une rythmique très efficace. Portée par de formidables acteurs, Aisling Franciosi en premier lieu, impressionnante en permanence et l’excellent Baykali Ganambarr, cette proposition ô combien audacieuse sait aussi mettre en avant les solides compétences de réalisatrice de Jennifer Kent. En pleine possession de ses moyens, cette dernière parvient à remplir tous ses objectifs avec brio, ne reculant jamais devant l’adversité, conférant même une certaine poésie, impitoyable là encore, à cette terrible traversée du bush.

En Bref…

Ambitieux, cruel, déchirant et concerné, The Nightingale frappe fort et juste. Un film à double-tranchant, nuancé dans son discours, puissant dans sa mise en image et magnifiquement incarné.

@ Gilles Rolland

The-Nightingale
Crédits photos : Kinovista
Par Gilles Rolland le 6 avril 2021

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