[Critique] THE WOMAN
Titre original : The Woman
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Lucky McKee
Distribution : Pollyanna McIntosh, Sean Bridgers, Angela Battis, Lauren Ashley Carter, Shyla Molhusen, Carlee Baker, Shana Barry, Marcia Bennett…
Genre : Horreur/Gore
Date de sortie : 1er mars 2012 (DTV)
Le Pitch :
Un père de famille trouve dans les bois une jeune femme vivant à l’état sauvage. Il décide alors de la capturer afin de lui apprendre les us et coutumes de l’homme moderne…
La Critique :
Avec L’Enfant Sauvage (1970), François Truffaut illustrait l’histoire vraie de Victor, jeune garçon trouvé dans les bois quelque-part du côté de St-Sernin/Rance en Aveyron. Une statue de Victor trône d’ailleurs toujours sur la place principale du village et son histoire est rentrée dans l’inconscient collectif. Conte doux amer sur la volonté inébranlable d’une homme persuadé du bien fondé d’un apprentissage « civilisé » sur un être étranger au mode de vie moderne et citadin, L’Enfant Sauvage fait étalage d’un échec cuisant. Celui d’une éducation « contre-nature », qui a finalement plus d’effets destructeurs que bénéfiques. Déraciné de son milieu naturel, l’enfant sauvage ne réussit pas à s’adapter et s’éloigne néanmoins suffisamment de son mode de vie initial pour perdre absolument tous ses repères.
Chez Lucky McKee (The Wood, May…), l’enfant sauvage est une femme vorace et l’éducateur, un patriarche déviant. Forcément ce n’est pas la même salade, même si la moelle demeure quasiment inchangée, dans un premier temps, avant de virer de bord d’une manière on ne peut plus hardcore.
Autant dire que The Woman n’est pas un film à mettre sous toutes les mirettes. Dérangeant, glauque à plus d’un titre, gore et extrême, The Woman explore les tréfonds d’un esprit malade, qui semble s’enfoncer un peu plus à chaque minute dans les tréfonds d’une folie cachée sous les apparats de la normalité. Une bipolarité qui trouve chez Sean Bridger (sosie de Will Ferrell et de Dylan Wlash de Nip/Tuck, qui interprète le rôle principal) un écho pénétrant. L’acteur incarne une somme de perversions impressionnantes et sous un calme apparent vraiment stressant, distille une tension, en majorité contenue dans un regard plein d’ambiguïté malsaine.
Pollyanna McIntosh quant à elle impressionne constamment. Sauvageonne plus que convaincante, la comédienne envoie du lourd à chacune de ses apparitions. Personnification d’une nature revancharde et colérique, Pollyanna McIntosh habite la pellicule, tranche dans le vif, endure et refoule sa rage, tout en guettant la moindre opportunité de se défaire de ses chaines. La tension qui se joue entre les deux personnages principaux confère au film son identité, même si les rôles secondaires n’y sont bien entendu pas étrangers. Que ce soit la mère soumise (qui nous permet de retrouver Angela Bettis, déjà dans May), le fils à papa admiratif ou la fille en prise à un mal être compréhensible et refoulé, les seconds couteaux gravitent autour de la captive, nourrissant chacun des sentiments différents, avec la peur comme constante. Une peur qui s’efface chez les uns pour laisser poindre les déviances et qui explose chez les autres. Des seconds rôles qui explorent les pistes alternatives d’un scénario pas toujours maitrisé (pourtant co-écrit par le redoutable écrivain Jack Ketchum). Problématiques adolescentes, rapports de couple, le film part un peu dans toutes les directions. Une tendance qui trouve son climax à la fin, où le réalisateur se lâche définitivement, au propre comme au figuré. Un dénouement grand-guignolesque qui ne tient pas complètement les promesses de son scénario et qui laisse sur sa faim. Difficile de savoir où McKee veut en venir et pour dire la vérité, on s’en fout aussi un peu.
Reste une œuvre perturbante, un poil bordélique et la vision d’un cinéaste atypique qui, depuis le mémorable May, peine à convaincre totalement.
@ Gilles Rolland