[Critique] TRANCE
Titre original : Trance
Rating:
Origine : Angleterre
Réalisateur : Danny Boyle
Distribution : James McAvoy, Rosario Dawson, Vincent Cassel, Danny Sapani, Wahab Sheikh, Lee Nicholas Harris, Tuppence Middleton, Ben Cura, Matt Cross…
Genre : Thriller
Date de sortie : 8 mai 2013
Le Pitch :
Simon, un commissaire-priseur expert dans les toiles de maîtres, décide de dérober un tableau de grande valeur, pour le compte de Franck, un caïd aux méthodes expéditives. Dans le feu de l’action, Simon reçoit un violent coup à la tête et oublie complètement où il a caché le dit-tableau. Bien décidé à récupérer l’objet, Franck décide d’envoyer Simon chez une thérapeute spécialiste de l’hypnose…
La Critique :
Touche à tout de génie de la Perfide Albion, et enfant terrible du cinéma indépendant, Danny Boyle peut tout faire. Du moins, c’est ce qu’il semble croire, vu la grande variété de styles qu’il a embrassés au cours d’une carrière imprévisible et quoi qu’il en soit passionnante. C’est ce qu’il croit et vu la qualité de ses films, on est tenté d’aller dans son sens. Bien sûr, tous les films de Boyle ne sont pas des chef-d’œuvres et parfois, par excès de confiance ou pour une raison ou une autre, il trébuche, mais jamais au grand jamais le cinéaste ne se départit d’une confiance et d’une assurance qui confèrent à ses œuvres un cachet résolument atypique. Un constat que Trance, son dernier métrage, confirme avec un brio qui force l’admiration. Et ce n’est pas parce qu’on admire Boyle, qu’une fois encore, il est exclu de ne pas également reconnaître à sa dernière livraison quelques menus défauts.
Thriller à tiroirs réservant son lot de twists plus ou moins efficaces, Trance se perd en effet un peu en chemin, mais possède cette indéniable capacité à tout le temps retomber sur ses pattes. La conséquence directe, étant de lui conférer un côté artificiel qui n’aurait pas été de mise si le scenario de Joe Ahearne et John Hodge (Hodge a également écrit les scripts de Transpotting, Petits Meurtres entre Amis, Une vie moins ordinaire et La Plage, soit que des films réalisés par Danny Boyle) avait eu la main un peu moins lourde sur les révélations capillotractées.
Et pourtant, les choses commencent d’une manière relativement directe. Un mec vole un tableau pour le compte d’un truand et oublie ensuite où il l’a planqué. Le truand pète un câble, le mutile et finit par se ranger derrière une thérapeute sexy qui hypnotise le pauvre quidam pour lui soutirer l’info. Le pire étant que même lorsqu’il serpente dans le but d’entretenir un mystère ardemment désiré, Trance ne parvient jamais totalement à surprendre efficacement. Ainsi, le dénouement final, voulu comme estomaquant, sent un peu le réchauffé. Dans Trance, personne n’est tout à fait ce qu’il prétend être et les apparences sont trompeuses. Du moins, les choses sont voulues comme telles.
Mais, car il y a un mais, la forme rattrape (presque) tout. Danny Boyle maitrise son sujet. Il maitrise son cinéma aussi, tout comme les codes de mise en scène et de narration qu’il a mis en place dès ses premiers coups d’éclats. Avec Trance, il atteint un équilibre assez bluffant pour ce qui est de la mise en image. S’appuyant sur une multitude de filtres et autres effets de styles sophistiqués, Danny Boyle n’en fait jamais des caisses. Et si le scénario est en effet un poil artificiel, jusqu’à dégager parfois un parfum de réchauffé, la réalisation s’avère en permanence inventive et dynamique.
À l’instar de 28 Jours plus tard ou de 127 Heures, Trance justifie toujours les choix de son réalisateur en matière de réalisation. Les effets servent l’histoire et pas l’inverse. Non seulement, le résultat final est agréable à regarder, mais il conserve tout du long une superbe cohérence et une identité véritablement appréciable. Trance ne s’éternise jamais, il rebondit, en met plein la vue et s’achève dans une explosion saturée orgasmique. Chapeau Danny, sur ce coup, c’est du grand art.
Loin d’être un unique technicien qui ne se focalise que sur le côté mécanique de son film, Danny Boyle est aussi un excellent directeur d’acteurs. Son trio, composé de Rosario Dawson, James McAvoy et Vincent Cassel, donne le meilleur. Là aussi la cohérence fait mouche. À l’instar de leurs personnages, les comédiens brouillent les pistes, sèment des indices, pour tout envoyer valser par la suite et n’échouent jamais quand il s’agit d’illustrer par leur présence les intentions du long-métrage. McAvoy impose sa sérieuse capacité à surprendre, Rosario Dawson navigue avec une aisance bluffante entre bestialité glamour et tension psychologique troublante (elle trouve ici l’un de ses meilleurs rôles d’ailleurs) et Vincent Cassel opte avec pertinence pour une retenue pour le moins surprenante. La sauce prend et il est aisé de se laisser happer par la trance. Facile de s’asseoir et se laisser couler dans ce jeu de dupes un peu surfait, mais si bien construit. Trance parvient à gommer ses défauts au profit d’un spectacle permanent. Dans un sens, il sublime sa propre condition et au final, s’avère inclassable. Que l’on arrive à prévoir l’issue finale de ce machiavélique manège ou pas, le voyage reste suffisamment prenant et riche en péripéties, pour justifier à lui seul l’achat du ticket.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Pathé Distribution