[Critique] TUSK

CRITIQUES | 11 mars 2015 | 1 commentaire
tusk-affiche-poster

Titre original : Tusk

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Kevin Smith
Distribution : Justin Long, Michael Parks, Genesis Rodriguez, Haley Joel Osment, Johnny Depp, Lily-Rose Depp…
Genre : Horreur/Comédie
Date de sortie : 11 mars 2015

Le Pitch :
Un célèbre podcaster américain, à la recherche du scoop ultime, contacte un étrange personnage totalement fasciné par les morses, voyant là l’opportunité de décrocher un sujet en or. Vivant dans une région reculée du Canada, l’amateur de morses en question est un personnage bel et bien atypique, qui semble d’emblée lui aussi tout à fait fasciné par son visiteur. Très vite la situation dégénère…

La Critique :
Kevin Smith, c’est un peu le mec qui a fait de la maxime « plus c’est gros et plus ça marche » un art de vivre. Dans une récente interview accordée au magazine Première, le réalisateur, entre autre responsable du diptyque Clerks, affirme que le fait de ne pas s’imposer de limite dans la folie, peut tout à fait constituer un avantage non négligeable pour se faire remarquer et décrocher des budgets. Et il s’y connaît Kevin Smith, lui qui évolue, malgré sa notoriété et son statut de cinéaste culte, dans une sphère assez indépendante, où il est important de défendre bec et ongles le moindre de ses projets. Tusk, comme Red State, son précédent métrage, ne sont-il pas tous les deux cantonnés au marché vidéo en France ? Assez révélateur en somme de la place du frondeur geek dans une industrie cinématographique vorace, dans laquelle les champions du box office mangent sans vergogne les petits qui tentent de nager à contre-courant en filant de temps en temps de bon vieux coups de pompes dans la fourmilière.
En bon sale gosse de l’usine à rêves hollywoodienne, Kevin Smith est comme ça : il fonce et ne semble pas vouloir « grandir ». Et ce n’est pas Tusk, avec son pitch totalement improbable, qui va « arranger » les choses. Tant mieux !

Tusk-Genesis-Rodriguez

Le déjà bien azimuté Red State racontait le siège d’une secte religieuse encerclée par le FBI. Tusk lui, narre la relation de deux types que tout oppose. L’un aime les freaks et recherche le buzz ultime et l’autre aime les morses plus que de raison. Au final, alors que l’affiche laissait présager un énième film de vampires, on voit que c’est, dans le cas présent, au titre qu’il faut se fier. En français, le mot « tusk » signifie « défense ». Comme celles de l’éléphant et comme celles du morse. Le dernier Kevin Smith en date s’intéresse donc aux morses. Et plus précisément à un gars bien barré qui transforme d’autres gars en morses. Juste comme ça, histoire de raviver d’anciennes sensations, du temps où il voguait sur les flots.
Comme ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir un film où un personnage séquestre des types pour les mutiler afin de les faire ressembler le plus possible à des morses, on s’intéresse de suite à Tusk. Le fait que ce soit Kevin Smith qui pilote aide aussi à y aller en toute confiance, tant le réalisateur a prouvé qu’il tenait une belle forme dernièrement, et que les errances (Top Cops vous vous souvenez ?) semblent bien loin. Un Smith de plus en plus intéressé par l’horreur, mais toujours attaché à un style qui lui est propre et qu’il décline à l’infinie, pour la plus grande joie de ses fans. Avec lui, le gore ne sonne pas comme il sonne d’habitude. Red State avait de plus dévoilé un désir d’y aller franchement dans le glauque, que Tusk surligne encore un peu plus.
Autant être prévenu : oui, le film est drôle et oui, il est aussi bien perturbant par moments. Après tout, rien de commun entre un être humain et un morse. On s’imagine vite que la transformation, à l’instar de celles de trucs immondes comme Human Centipede, ne va pas se faire sans douleur. Par contre, elle s’effectue sans images de synthèse. Smith bosse à l’ancienne, avec du latex et des bons vieux maquillages. Un autre bon point pour le geek barbu ! Tusk n’a rien à voir avec tous ces produits formatés pour flatter les nouvelles générations. Avec toutes ces productions pixelisées à outrance. Ici, on a du palpable. Du bon vieux morse en plastique, avec un mec dessous qui bouge et pousse des cris. De quoi ravir les nostalgiques des années 80 ! Tusk n’y va donc jamais mollo. Dans l’horreur, renforcée par le personnage bien malsain incarné par le génial Michael Parks, et dans sa propension à ne jamais détourner le regard quand la situation devient franchement craignos.

Si Tusk est donc un vrai film d’horreur bien dégueulasse et déviant, il reste néanmoins un pur Kevin Smith. Comprendre par là que dans Tusk, et bien ça cause beaucoup. À l’instar de Tarantino, Smith en rajoute de bonnes vieilles louches niveau dialogue. Pas du très fin, mais après tout, on sait où on met les pieds, mais de bonnes vieilles vannes bien graveleuses et un langage fleuri typique. Voilà ce qui arrive quand on se moque de plaire ou de gagner de nouveaux suffrages ! Kevin Smith est un rebelle et Tusk est totalement dans la « ligne éditoriale » de ses meilleures livraisons. Ce qui ne l’empêche pas d’être bien écrit, dynamique et sauvagement décalé.
Autre détail important : ici, Johnny Depp est excellent ! Pourtant grimé une nouvelle fois, l’ex de Vanessa Paradis semble par contre s’en payer une bonne tranche, en incarnant un détective canadien à la ramasse. Une performance borderline, dans le bon sens du terme, dont le principal effet secondaire, est de faire oublier les récentes dérives d’un acteur qui a tendance à un peu toujours donner dans le même registre. Vraiment hilarant à plus d’une reprise, Depp déboule en plus pile poil au bon moment, quand le scénario semble un petit peu s’enliser. De par sa seule présence, bien aidé par des lignes de dialogues au poil, il redynamise le récit et le repositionne sur la bonne voie. Non vraiment, chapeau Johnny, c’est tout bon ! Et tant que nous sommes chez les Depp, sachez que Lily-Rose, sa fille, fait une apparition dans le film. L’Oscar de la meilleure actrice est encore très loin, mais c’est plutôt marrant… Bref.
Kevin Smith en a tellement rien à foutre du quand dira-t-on, qu’il est carrément aller débusquer ce bon vieux Haley Joel Osment, le gamin du Sixième Sens de Shyamalan qui voyait des morts partout. De l’eau a coulé sous les ponts depuis l’époque où Haley déambulait avec Bruce Willis, l’air grave. Maintenant, il est plus ou moins tricard. Il a grandi et parfois, Hollywood n’aime pas que les enfants stars grandissent. Demandez à Macauley… Très convainquant, Haley Joel Osment fait le job avec une bonne volonté et une envie manifestes. On le retrouvera d’ailleurs cette année dans le film Entourage. Ici, il donne la réplique à Genesis Rodriguez, la bombe atomique vue dans Casa de mi Padre. Parfaite comme toujours Genesis. Sexy à mort et totalement convaincante dans l’émotion que le film se paye le luxe de diffuser discrètement, entre un hurlement de morse et une bonne vielle blague salace qui tâche.

Plus gros, plus fort, plus con, Kevin Smith n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Le tout était de lier tous cdes ingrédients avec goût pour obtenir un mélange savoureux et cohérent. Bingo ! Tusk fait plus que se montrer à la hauteur des espérances soulevées par son pitch. Il gagne sur tous les plans et devrait combler les amateurs d’horreur bien déviante et plus globalement ceux qui se passent en boucle ses précédentes réalisations. Du vrai bon cinoche alternatif qui marque. Non… qui tâche !

@ Gilles Rolland

 Tusk-Justin-Long-Michael-ParksCrédits photos : Sony Pictures Releasing France

 

Par Gilles Rolland le 11 mars 2015

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