[Critique] UN GRAND MARIAGE
Titre original : The Big Wedding
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Justin Zackham
Distribution : Robert De Niro, Diane Keaton, Susan Sarandon, Katherine Heigl, Amanda Seyfried, Topher Grace, Ben Barnes, Robin Williams…
Genre : Comédie
Date de sortie : 22 mai 2013
Le Pitch :
Don et Ellie sont divorcés depuis de nombreuses années et désormais Don vit avec l’ancienne meilleure ami de son ex-épouse, Bebe. Mais pour le mariage de leur fils adoptif Alejandro, et pour le bien-être de sa mère biologique, ils devront sauver les apparences en faisant semblant d’être un couple uni et heureux comme au premier jour, alors que leurs enfants adultes ont leurs propres embrouilles. Se rajoutent au bordel le Père Moinighan, en plein sevrage alcoolique, les parents répugnants de Missy, la fiancée d’Alejandro, et le charme de la belle Nuria, sa sœur biologique. La cérémonie s’annonce mouvementée…
La Critique :
Regarder un film comme celui-ci est aussi intéressant que faire la vaisselle. Un Grand Mariage est une farce somnolente, ou une « sex comédie » si vous voulez, qui concerne des personnages clichés qui se retrouvent dans des situations clichées dues à des circonstances trop clichées pour les mentionner. C’est du travail banal dont le crime est moins une question d’incompétence (même si ça joue un très grand rôle dans l’affaire) et plus une question d’indifférence. Une fois n’est pas coutume ; il s’agit du remake d’un film franco-suisse, Mon frère se marie. La version américaine place le niveau très bas, se creuse une petite tranchée dans la boue et s’amuse à patauger dedans pendant 90 minutes.
La scène d’ouverture donne le ton. Diane Keaton et Robert de Niro jouent Don et Ellie, les parents divorcés d’un trio de richos. Don vit avec Bebe, l’ancienne meilleure ami d’Ellie, depuis une bonne dizaine d’années. Essayez de deviner comment le mariage de Don et Ellie a mal tourné et ensuite, avec cela en tête, demandez-vous si une séance cuisinière de cunnilingus entre Bob De Niro et Susan Sarandon se déroulant sous les yeux de son ex-femme est réellement aussi marrante que ça, finalement.
La scène est beaucoup trop longue. Son humour torride se casse la figure, principalement parce que presque toutes les répliques de De Niro ont été rajoutées en doublage ; assez grossièrement, d’ailleurs. Tout descend en pente raide à peu près à partir de là. C’est une comédie de mariage, et cela implique les nuptiales du plus jeune de la famille, un colombien adopté appelé Alejandro, avec une jolie irlandaise catholique, qui a des parents caricaturalement repoussants : son père est un escroc arrogant, et sa mère est accro à la chirurgie plastique. Alejandro est resté en contact avec sa famille biologique, et les invite au mariage. S’ensuit une série de bouffonneries forcées et artificielles. Sans doute serez-vous surpris d’apprendre que Don et Ellie devront faire semblant d’être encore en couple pendant la visite de la mère catholique d’Alejandro. Et pour tout vous dire, le mariage n’est pas aussi grand que ça, finalement.
Il y a des blagues faiblardes sur le choc des cultures. Il y a la scène de vomissement obligatoire (Katherine Heigl sur l’épaule de De Niro, pour les curieux). Il y a pas un, mais bien deux gags différents sur l’érection. Il a des rebondissements et des révélations soporifiques. Il y a une intrigue secondaire pseudo-incestueuse impliquant Topher Grace, qui joue le fils aîné de la famille, qui à trente ans, essaye de perdre sa virginité avec la sœur biologique d’Alejandro. Il y a aussi Robin Williams qui joue un prêtre, et dit des choses qu’un prêtre ne dirait pas d’habitude. Autrement dit, il y a beaucoup d’« humour », qui n’est pas drôle du tout.
Un Grand Mariage est une comédie pleine d’intrigues et de nombreux personnages principaux, et pourtant c’est une sieste. Pourquoi ? Ce n’est pas la familiarité du sujet. Après tout, un casting talentueux (et ce film en a un, même s’il ne sait pas l’utiliser) peut rajouter un peu de zeste aux blagues les plus déjà vues du monde. Le problème est plutôt un manque d’effort. Il semblerait que personne impliqué dans la production d’Un Grand Mariage ne se soit donné la peine de bouger le petit doigt.
Vous vous souvenez de ce problème de doublage mentionné plus haut ? Ce n’est pas le seul soucis. Beaucoup de problèmes dans Un Grand Mariage suggèrent la flemmardise et l’indifférence. Le son est tellement affreux que ça en devient presque une routine ; non seulement les blagounettes de De Niro sur le cunnilingus sont mal doublées, mais il est aussi question de la tonalité ambiante de fond, qui ne correspond souvent pas à la pièce dans laquelle les conversations se déroulent. Il y a un travail misérable de fond vert, et ça, c’est vraiment un exploit, si on parle d’un film qui ne demande pas d’effets-spéciaux. La scène d’introduction du personnage de Robin Williams commence par le plan d’ensemble d’une église, qui est clairement une image d’archive, filmée en vidéo.
Oui, dans un film intitulé Un Grand Mariage, qui parle d’un mariage catholique avec des scènes situées à l’intérieur d’une église, personne n’a été foutu de photographier l’extérieur de l’église en question. Et ce n’est guère tout ; personne n’a pensé que ça valait au moins la peine de se procurer des images d’archives qui correspondraient visuellement au reste du film, ou auraient l’air présentables à l’écran. Le film a été écrit et réalisé par Justin Zackham, qui avait précédemment griffonné le scénario de l’épouvantable Sans Plus Attendre. Son niveau d’incompétence ici est choquant ; aussi bien derrière la caméra que sur papier. Avec tout un panel de stars à sa disposition, il n’arrive pas à faire un seul truc intéressant, préférant retomber sur l’obsession sexuelle qui entoure cette bande de crétins égocentriques. Diane Keaton cherche des orgasmes qui durent neuf heures, Susan Sarandon a l’appétit érotique, Katherine Heigl est infertile, Topher Grace se prend une branlette à table, et bizarrement, tout le film ressemble à une lettre d’amour à cette bête du sexe qu’est censé incarner De Niro. Oublions cette histoire de sexe oral de tout à l’heure ; vers la fin du film, il se vante d’avoir assuré au lit pendant 40 minutes !
Même les moqueries du film envers le catholicisme se cassent la gueule. Comme cité plus haut, Robin Williams joue un prêtre, et rien n’est plus terrifiant que de voir Robin Williams dans une robe de pasteur. Surtout après Permis de Mariage. Naturellement, Père Williams incarne les plus anciens principes de sa foi, et le film ne perd pas de temps à le faire changer de costume grâce à une énième répétition du gag « hi, hi lol il est tombé dans le lac ! ». Comme le reste du slapstick du long-métrage, cette vieille plaisanterie est grinçante et fatiguée, et il n’y a pas d’énergie revitalisante qui pourrait la rafraîchir. Des enjeux forcés sont évoqués, puis tout le monde les oublient et passent à autre chose. Et ainsi de suite.
De son côté, De Niro retombe en mode je-m’en-foutiste après cette brève lueur d’espérance qu’était son rôle dans Happiness Therapy, sans se ridiculiser pour autant. Ironiquement, la meilleur du lot est Katherine Heigl, qui a la réputation d’être la présence la plus désagréable à voir sur un écran de cinéma et doit encore répondre à toute une liste de crimes contre le septième-art. C’est peut-être parce qu’en étant la moins caricaturale, elle est juste ennuyeuse.
En surface, Un Grand Mariage est typique des comédies à gros budget : les décors contiennent tous les éléments d’un rêve américain qui est devenu un fantasme, avec une belle baraque à côté d’un lac, la famille riche et éduquée qui habite là-bas, et l’événement lui-même, une cérémonie de mariage avec tous les accessoires. En dessous, cependant, c’est un film avec des personnes qui balancent tous leurs principes à la flotte sans réfléchir et mettent de côté toute forme de trahison ou de transgression dés qu’on leur verse un verre ou qu’un orchestre entame une mélodie. Tout est bien qui finit bien, n’est-ce pas ? Ne faites pas semblant d’être surpris : les mariages, ça fait tout rentrer dans l’ordre !
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Metropolitan FilmExport