[Critique] UNE PRIÈRE AVANT L’AUBE

CRITIQUES | 21 juin 2018 | Aucun commentaire
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Titre original : A Prayer Before Dawn

Rating: ★★★½☆
Origine : France
Réalisateur : Jean-Stéphane Sauvaire
Distribution : Joe Cole, Vithaya Pansringarm, PanyaYimmumphai, Chaloemporn Sawatsuk, Pornchanok Mabklang…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 20 juin 2018

Le Pitch :
Billy Moore est un boxeur. Anglais, il vit en Thaïlande où il passe son temps entre petits trafics et combats. Un jour, la police débarque chez lui et le condamne sans autre forme de procès pour détention de drogue. Enfermé dans un pénitencier particulièrement difficile, confronté à la violence des gangs, il parvient, au bout d’un moment, à se faire admettre dans l’équipe de muay-thai. L’occasion pour Billy de prouver sa valeur et d’améliorer un petit peu son quotidien. Histoire vraie…

La Critique d’Une Prière avant l’aube :

Pour son nouveau film, le réalisateur français Jean-Stéphane Sauvaire, remarqué il y a quelques années avec Johnny Mad Dog, a souhaité adapter le livre autobiographique de William Moore. Un ouvrage plein de sang, de rage et de fureur dans lequel l’auteur rencontre sa lente et douloureuse rédemption au cœur de l’enfer d’une prison thaïlandaise. De ce récit, difficile, Sauvaire a tiré un film tout aussi rêche, où la volonté de réalisme l’emporte sur tout le reste…

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K.O. pour le compte

La première partie d’Une Prière avant l’aube évoque bien sûr Midnight Express, le chef-d’œuvre d’Alan Parker. Après tout, il est aussi question d’un étranger condamné loin de chez lui pour un crime dont il n’est pas innocent. La différence étant que Billy Moore, le personnage principal incarné par Joe Cole dans Une Prière avant l’aube va utiliser ses compétences de boxeur pour tenter de sortir la tête de l’eau et survivre dans un monde qui le désigne d’emblée comme une proie. Devenir un prédateur et manger au lieu de se faire manger, dans un lieu où le moindre pas relève du plus complexe des combats : aller chercher de l’eau, manger, dormir… Comme Alan Parker en son temps, Jean-Stéphane Sauvaire parvient à remarquablement retranscrire la dureté du quotidien que son protagoniste est contraint d’adopter dès lors qu’il devient un prisonnier. La différence, et c’est ce qui permet au fond à Une Prière avant l’aube de se démarquer de Midnight Express, c’est que le protagoniste en question ne va pas chercher le salut par la voie de son avocat mais par celle de ses poings et de ses pieds.

Apocalypse maintenant

Perdu dans son enfer moite, enclin à se faire violer ou tuer à chaque fois qu’il croise le regard d’un caïd tatoué à l’extrême, victime des brimades, Billy Moore débute en prison un processus de rédemption difficile, qui passe avant tout par un sevrage de la drogue puis par une lente et complexe adaptation à ce qui s’impose comme son nouveau milieu de vie. Le réalisateur filme ainsi l’arrivée puis les premiers jours de Billy comme il filme son premier combat, qui sert d’introduction au film : la caméra se positionne au centre de cet amoncellement de corps. Qu’il s’agisse des nuits, durant lesquelles les prisonniers sont entassés dans une seule et même pièce ou des journées, Sauvaire orchestre une sorte de valse de chairs tuméfiées et/ou tatouées. Une danse macabre à l’issue incertaine pour celui qui va devoir s’adapter pour espérer survivre.
Alors oui, le mécanisme du film a quelque chose de résolument redoutable en cela qu’il ne fait pas les choses à moitié. Très immersif, Une Prière avant l’aube se révèle par contre assez brouillon dans sa mise en forme. Là encore dès le début, avec un combat filmé de l’intérieur, épuisant à suivre. C’est peut-être le but mais à l’écran, ça ne fonctionne pas toujours. On saisit le sens de la démarche mais le résultat n’a pas l’efficacité espérée en cela qu’il provoque une sorte de lassitude que le caractère un peu redondant du déroulement de l’intrigue accentue.
Le film prend son temps et parfois, il s’enlise. Contrairement là encore à Midnight Express qui savait faire du déroulé de son récit une inexorable montée en puissance parcourue de nombreuses accentuations. Ici, les accentuations sont bien là mais elles ne sont pas toujours aussi fortes qu’espérées. À ce titre, une œuvre un peu similaire comme Les Poings contre les murs, ainsi que d’autres fameux films de prison, savaient se montrer plus directs et donc plus percutants au final.

La rage aux poings

Mais heureusement, Joe Cole est là. Découvert par une majeure partie du public dans la série Pinky Blinders, où il campe John, l’un des frères Shelby, vu dans des films comme Green Room, l’acteur londonien embrasse le rôle de Billy Moore et livre une performance incroyable de vérité, de violence et de grâce. Plus mesuré qu’il n’en a l’air, parfaitement en place quand il s’agit de traduire à la fois la rage, la souffrance, la peur et la détermination de son personnage, Cole fait preuve d’une maturité impressionnante et balaye tout sur son passage, permettant au long-métrage de tout de même avancer et de conserver une certaine force de frappe quand à côté, ça pédale un peu.
Cole offrant à Une Prière avant l’aube, de concert avec un réalisateur certes parfois maladroit mais pétri de bonnes intentions, une poésie et un caractère viscéral par moment assez inouïs. Par moment seulement, mais au fond, c’est déjà beaucoup car peu importe ses petits travers : nous sommes ici devant quelque chose de profondément personnel. Devant le douloureux témoignage d’un homme qui est allé en enfer avant d’en revenir, le visage tuméfié et les poings en sang…

En Bref…
Film de taule, film de boxe, tragédie humaine à la Midnight Express Une Prière avant l’aube est un film puissant qui souffre par moment de la volonté de son réalisateur de faire preuve de réalisme dans sa mise en scène. Ce qui le rend au final moins lisible sans pour autant altérer son propos. Et puis il y a le fantastique Joe Cole, qui explose littéralement à l’écran, intense de la première à dernière minute.

@ Gilles Rolland

Une-prière-avant-l-aube   Crédits photos : Wild Bunch Distribution

 

 

Par Gilles Rolland le 21 juin 2018

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