[Critique] VIENS JE T’EMMÈNE
Rating:
Origine : France
Réalisateur : Alain Guiraudie
Distribution: Jean-Charles Clichet, Noémie Lvovsky, Ilès Kadri…
Genre : Drame
Durée : 1h40
Date de sortie : 2 mars 2022
Le Pitch :
Mederic, la trentaine, ne cesse de faire la cour à Isadora, prostituée de 50 ans. Seul hic, elle a un mari. Jaloux de surcroît. Et lorsque notre jeune trentenaire recueille dans son immeuble Selim, jeune SDF magrébin suite à un attentat terroriste en ville, la paranoïa gagne peu à peu un immeuble jusque-là bien tranquille…
La Critique de Viens je t’emmène :
Acclamé par la critique il y a dix ans avec L’inconnu du lac, Alain Guiraudie revient sur le devant de la scène avec Viens je t’emmène. Réalisateur engagé, l’Aveyronnais nous offre ici une subtile balade dans notre bonne vieille société française, anxiogène à souhait, celle diffusée 24h/24 sur BFM TV. Une œuvre relativement dingue à l’arrivée, sans réelle prise de partie, sans réponses aux multiples questions posées, ce qui déroutera sans surprise n’importe quel cartésien cinéphile. Porté par un improbable trio bien abîmé par la vie, l’immersion dans leurs quotidiens respectifs va s’avérer bien plus éprouvante que prévue.
Clichés et clichet
Un attentat en ville… Un attentat en ville, un jeune musulman, “donc coupable”, se trouve recueilli par un trentenaire isolé amoureux d’une prostituée, “donc fragile”. De plus, dans l’immeuble, les voisins sont paranoïaques et suspicieux, “donc racistes”. Pluie de clichés certes, mais brillamment mise en scène par un Guiraudie qui, de contre-pied en contre-pied, met à mal le ciboulot d’un spectateur qui ne sait au final jamais s’il doit rire ou se désoler des situations présentées. Le « couple » central du film en est l’exemple parfait, avec comme à son habitude une Noémie Lvovsky déroutante. Pour son premier grand rôle, Jean-Charles Clichet est tout aussi brillant, tiraillé dans son survêtement fluo entre amour impossible et empathie probable pour coupable idéal.
L’inconnue du Hall
Ilès Kadri complète parfaitement le tableau sociétal actuel, avec un personnage attachant, mais pas pour autant discrédité d’avoir commis l’irréparable. On navigue ici plusieurs jours durant dans les ruelles de Clermont-Ferrand, du centre-ville aux beaux quartiers, en passant par la cité voisine. Chaque nouvelle rencontre du trio principal a ainsi son rôle à jouer dans cette tranche de vie collective parfois drôle, parfois absurde, parfois dérangeante, mais portée à l’écran de mains de maître. Triés sur le volet, on appréciera les passages devant la caméra de Doria Tellier, Renaud Rutten ou surtout Michel Masiero, voisin absolument jubilatoire du dernier étage.
En Bref …
Réalisé par un Alain Guiraudie au sommet de sa forme artistique, Viens je t’emmène s’impose comme une des belles surprises de ce début d’année 2022. Campés par une pléiade d’acteurs aux personnages bien cabossés par la vie, Jean-Charles Clichet et Noémie Lvovsky en tête, cette tranche de vie auvergnate n’en a en effet pas fini de titiller vos méninges …
@ Mathieu Laforgue