[Critique] LES DERNIERS JOURS

CRITIQUES | 2 septembre 2013 | Aucun commentaire
Les-Derniers-Jours-Affiche-France

Titre original : Los últimos días

Rating: ★★★½☆
Origine : Espagne
Réalisateurs : Alex Pastor, David Pastor
Distribution : Quim Gutiérrez, José Coronado, Marta Etura, Leticia Dolera, Ivan Massagué, Mikel Iglesias, Pep Sais, Albert Prat…
Genre : Drame
Date de sortie : 7 août 2013

Le Pitch :
Victimes d’un virus qui leur interdit toute incursion à l’extérieur, les humains sont désormais condamnés à rester cloîtrés. À Barcelone, Marc, un ingénieur, ne pense qu’à rejoindre sa femme. Pour arriver à ses fins, il est contraint de faire équipe avec Enrique, un homme austère, avec qui il a déjà eu un sérieux différent. Ensemble les deux hommes vont se lancer dans un périple à travers les entrailles de la ville…

La Critique :
En 2009, deux cinéastes espagnols, frères de surcroît, se faisaient remarquer par le biais d’un petit film d’infectés, s’appelant justement Infectés. On y retrouvait Chris Pine et Piper Perabo aux prises avec un redoutable virus décimant tout organisme qu’il corrompait. Les Derniers Jours, à savoir le second film des Pastor traite aussi d’un virus et donc également dans un certain sens, de la fin du monde. Un thème cher aux frangins barcelonais, complètement en phase avec la tendance actuelle d’un paysage cinématographique très inspiré par la fin des temps supposée par les mayas qui ne s’est pas produite le 21 décembre 2012. On peut donc d’emblée condamner les Pastor pour délit de répétition. Deux films, pour deux virus, pour un début de carrière touché par un désir d’étudier les réactions extrêmes d’une humanité touchée par un fléau incontrôlable.
Pourtant, au final, peu importe que Les Derniers Jours et Infectés traitent tous les deux d’une poignée de survivants évoluant dans un monde post-apocalyptique. L’important, est qu’ils sont tous les deux bons et plus particulièrement Les Derniers Jours, le film du retour au pays pour les frères Pastor.

Rien n’indique à priori un farouche désir de se démarquer. Les Derniers Jours préfère dessiner sa propre apocalypse en se moquant de la concurrence. La tonalité est certes désenchantée, les rues sont désertiques, certains survivants semblent tout droit sortis de Mad Max, la violence règne et on peut croiser au détour d’un carrefour des animaux sauvages (comme dans L’Armée des 12 Singes), mais au fond, ça fonctionne bien quand même. Cette succession de clichés qui n’en sont pas vraiment, est après tout indissociable de la plupart des longs-métrages traitant de la fin du monde. La différence est dans leur traitement et dans la manière dont les acteurs personnifient cette quête d’un espoir pour beaucoup utopique.
Marc et Enrique, héros opposés dans la vie d’avant, sont obligés de composer ensemble. Leur périple dans les longs intestins de la ville, alors qu’il poursuivent chacun un but propre, marque le début d’une amitié certes attendue, mais pour le coup vraiment puissante. En prenant à leur propre jeu les codes du buddy movie, les frères Pastor évoquent l’impuissance de deux hommes forcés de trouver chez l’autre, les moyens d’arriver à leurs fins. Par le biais de leur relation, Marc et Enrique incarnent l’espoir. Alors que beaucoup sombrent dans la dépression et la violence, en revenant peu à peu à un mode de vie proche de celui des premiers hommes, les deux protagonistes vont à contre-courant et prouvent qu’il est possible de ne pas renier son humanité face à une menace suffisamment grande pour réduire la population mondiale à zéro. En cela, le film nous offre de beaux moments. Des moments encore une fois attendus, mais utiles et touchants, qui nourrissent la poésie d’une œuvre douce-amère et mélancolique. Et Quim Gutiérrez et José Coronado de livrer des performances intenses, toutes en nuances.

Placé dans la lignée de ce cinéma espagnol de qualité, qui impose une vision alternative de thèmes chers aux blockbusters hollywoodiens fabriqués pour cartonner à grande échelle, Les Derniers Jours sait aussi profiter de son intrigue pour parler de son époque. Alors que l’Espagne se voit particulièrement touchée par la crise, le film aborde ses dommages collatéraux. La solitude, l’insécurité dans le monde du travail, mais aussi la nécessité de ne pas baisser les bras sont tout autant de moteurs emmenant le long-métrage bien plus haut que prévu. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si Enrique, le plus âgé des héros du film, occupe au début de l’histoire un poste à responsabilités qui le voit renvoyer des employés à la demande de la direction de l’entreprise ou bosse Marc, l’autre partie du tandem vedette. Marc étant un employé soumis à la pression exercée par Enrique. En partant d’une ironie cinglante, le script parvient à trouver la lumière dans l’obscurité. Même sans parler du virus -dont nous ne dévoilerons rien ici, histoire de préserver le mystère-, le film sait sonner avec suffisamment de justesse pour toucher au vif. Grâce à son intelligence et à sa faculté à ne pas tomber dans un sensationnalisme facile, sans pour autant s’interdire des élans faisant échos aux films d’action, Les Derniers Jours est une réussite.
Un film prenant, difficile mais jamais plombant, marqué par une mise en scène discrète mais prégnante, et parfois carrément virtuose. Et tant pis si la fin est un peu bâclée et facile car au fond, l’important est ailleurs. Dans les yeux de ces deux hommes trouvant chez l’autre une vérité oubliée et dans ceux de ce couple déchiré, nageant à contre-courant d’une apocalypse violente qu’il devra braver.

En revanche, on espère que pour leur prochaine réalisation, David et Alex Pastor sauront véritablement innover car leur talent est prometteur…

@ Gilles Rolland

Les-derniers-jours-photoCrédits photos : Rezo Films

Par Gilles Rolland le 2 septembre 2013

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