[Interview] Munny War : en attendant Freecode…
Nous vous parlions en juin dernier de Freecode, l’ambitieux projet de Christophe Thiry et David Ogos, toujours en production à l’heure où nous publions cet article (interview ICI). Aujourd’hui néanmoins, nous retrouvons Christophe Thiry pour un tout autre sujet, à savoir Munny War, un court-métrage qu’il a écrit, réalisé et produit seul, présenté sous la bannière de Crew Films Association et Ciné Pôle Production.
Comme son nom l’indique, Munny War s’intéresse à la guerre. En une minute trente, il compare plus ou moins la guerre à un jeu vidéo à échelle humaine, en n’omettant pas de mettre en exergue le rôle de l’argent (et donc de l’avidité qui va avec) dans un processus perfide qui, au fond, ne profite à personne.
Si le sujet a maintes fois été abordé dans le cinéma, la télévision ou encore la littérature, c’est l’angle choisi qui attire de prime abord l’attention. Directe et frontale, la vision de Christophe Thiry ne souffre d’aucune concession et va droit à l’essentiel. En mélangeant images d’archives et effets propres aux jeux vidéos vintage (avec les bruitages adéquats), Munny War fait le choix de la simplicité et touche au vif sans détours. Dénué d’images violentes, le court-métrage préfère interpréter les actions des décisionnaires. Les choix des personnes qui engrangent de l’argent (voir les symboles monétaires présents au début puis tout au long du film) et à qui la guerre profite.
Assez proche d’œuvres comme l’excellent Lord of War, d’Andrew Niccol, Munny War présente un propos coup de poing. Et qui d’autre pouvait mieux nous en parler que son créateur, Christophe Thiry :
Comment est né Munny War ? Pourquoi avoir choisi ce thème en particulier ?
Avant de commencer, merci pour cet article que tu consacres à Munny War. J’apprécie vraiment cette attention portée à ce que je fais.
Munny War est né de ma frustration de ne pas pouvoir tourner FreeCode quand je le voulais du fait des engagements professionnels de tout un chacun. Comme il me pesait de devoir compter sur la disponibilité de mon équipe (période professionnelle très chargée) et au lieu de me morfondre dans mon coin, j’ai décidé de faire des choses tout seul… Sans acteurs et en même temps d’expérimenter diverses choses, notamment en terme de montage. Cette envie de développer des projets personnels est là depuis très longtemps. Disons que ceci fut un déclencheur. J’ai donc pris des bouts de différentes choses pour en faire une histoire.
En y réfléchissant bien, cela fait écho à une envie lointaine de faire un film hybride à mi-chemin entre le documentaire et une fiction. Ces images de machines que l’on voit dans Munny War étaient déjà dans mon esprit à l’époque de manière diffuse, ce coté froid et implacable également.
J’avais envie de raconter ma vision de certaines choses, juste de raconter, pas de donner des leçons. La notion de délire est très importante pour moi. Donc Munny War est un délire, une vision innocente d’enfant qui regarde ce qui se passe par sa fenêtre. Au départ, Munny War était le segment d’un triptyque. Plus je travaillais dessus, plus il prenait de l’importance. J’en ai donc fait un court-métrage autonome.
Pourquoi avoir choisi d’utiliser plusieurs éléments tirés du jeu vidéo ?
Comme je l’ai dit précédemment, Munny War n’était qu’une partie d’un tout et était combiné avec l’imagerie du casino (que l’on retrouve d’ailleurs dans le film lors du «Break the Bank !» ). En le développant, j’ai étendu cela aux jeux vidéos car lors de mes recherches de sons, certains échantillons 8 bits me plaisaient bien et correspondaient bien aux images. Le coté vintage du jeu vidéo est volontaire, sa simplicité de design contrastait bien avec les images d’archives autrement plus sérieuses. Après tout, l’analogie guerre/jeu vidéo n’est pas nouvelle et pour ma part correspond bien avec ma façon de voir les choses. C’est tellement plus facile de détruire via son écran. Le contraste créé par la simplicité et la naïveté du jeu 8 bits (en particulier les premiers Mario) avec les images de guerre va également dans ce sens. Le décalage sonore aussi. Les seuls sons de guerres véritables sont collés aux images de création de billets et lors des séquences de jeu vidéo nous avons droits à des sons de laser et autres… Une vérité travestie en quelque sorte. Mais je n’invente rien ici car il suffit de regarder les premières images d’attaques nocturnes lors de la première Guerre du Golfe…
Dans mon film, les pièces qui s’envolent sont des symboles de monnaies anciennes ou nouvelles pris de tous les pays. Oui, j’ai une vision très globale des choses ! Après tout, c’est la mondialisation ! Les images d’archives sont elles aussi issues de différentes guerres pour rendre le propos plus global. Je trouve aussi que la musique en fond du jeu a un coté entêtant, voire inquiétant en particulier quand elle fonctionne avec les images.
Quant aux profits tirés de la guerre, je n’invente pas davantage… Mais je ne voulais pas de bain de sang. Cela n’était pas nécessaire pour ce que je voulais raconter et je trouve que l’absence relative d’êtres humains renforce le propos ici. Il faut dire que j’aime l’allégorie. Tout est mécanique et froid dans cette recherche du profit que je renforce en utilisant des expressions typiques du monde la bourse ou des finances (« Bull Market », « Crash », « Break the Bank ! ») quand le joueur imaginaire gagne des bonus.
Tu as porté ce projet seul. Quels sont tes objectifs ?
En effet, j’ai fait Munny War tout seul dans mon coin (rire!). J’avais envie de m’essayer à une sorte de documentaire et de faire des expérimentations de montage (sonores et visuelles) et c’était l’opportunité d’inclure des effets visuels, mais sans pour autant avoir recours à des outils multiples. Je m’étais fixé pour ligne directrice de n’utiliser qu’un nombre limité d’outils et d’utiliser l’huile de coude au maximum afin de respecter le coté vintage et simple du film. Un peu comme faire du moderne avec des moyens traditionnels. J’ai beaucoup appris en créant ce film et j’avoue aimer travailler de cette façon.
Maintenant qu’il est fini, je vais le diffuser partout où je peux et tester son impact mais priorité à On Rembobine ! Je l’utiliserai aussi comme une carte de présentation vidéo : « voilà ce que je peux faire avec quelques bouts d’images ». Il est aussi le premier film fait dans le cadre de ma nouvelle association Crew Films Association que je vais utiliser pour porter des projets plus personnels.
Mon autre objectif est de finir FreeCode malgré les difficultés (que je vois comme des opportunités de toujours faire mieux) mais plus qu’un objectif, c’est un fait !
@ Propos recueillis par Gilles Rolland