[Critique] GAME OF THRONES – Saison 6
Titre original : Game of Thrones
Rating:
Origine : États-Unis
Créateurs : David Benioff, Dan B. Weiss
Réalisateurs : Jeremy Podeswa, Daniel Sackheim, Jack Bender, Mark Mylod, Miguel Sapochnik.
Distribution : Peter Dinklage, Lena Headey, Nikolaj Coster-Waldau, Emilia Clarke, Kit Harington, Aidan Gillen, Liam Cunningham, Carice Van Houten, Sophie Turner, Natalie Dormer, Nathanlie Emmanuel, Maisie Williams, Conleth Hill, Isaac Hempstead-Wright, Jonathan Pryce, Alfie Allen, Gwendoline Christie, Michiel Huisman, Iwan Rheon, Hannah Murray, Iain Glen, Diana Rigg, Daniel Portman, Ian McShane…
Genre : Aventure/Heroïc-Fantasy/Drame/Fantastique/Adaptation
Diffusion en France : OCS City
Nombre d’épisodes : 10
Le Pitch :
Consignée dans le Donjon Rouge après sa marche de la honte, face au Grand Moineau et à une population hostile, Cersei Lannister fomente sa vengeance, mais doit faire face à la montée en puissance de la Foi. À Braavos, Arya, qui est devenue aveugle après avoir désobéi à Jaqen H’ghar, continue son entraînement, tandis que son frère, Bran, expérimente le pouvoir de la Corneille à Trois Yeux, au travers de visions lui dévoilant le passé de sa famille. Au mur, la Garde de Nuit, désorganisée, subit les conséquences de la mort de Jon Snow, assassiné par une partie des siens pour trahison, après que ce dernier ait fraternisé avec les Sauvageons. Dans le Nord, près de Winterfell, Sansa et Theon tentent le tout pour le tout pour échapper aux soldats de Ramsay Bolton, dont l’influence ne cesse de s’étendre. Daenerys quant à elle, tombe entre les mains des Dothrakis après sa fuite de Meereen, à la suite de l’attaque dans l’arène des Fils de la Harpie. Daenerys qui pourra néanmoins compter sur Jorah Mormont et Daario Naharis, qui sont rapidement partis à sa recherche, laissant Tyrion Lannister, Missandei et Vers Gris assurer l’intendance de la cité, quand bien même la guerre est à ses portes. Westeros est au cœur de la tourmente. Les intrigues politiques, trahisons et autres coups d’états se déroulant dans la quasi-ignorance d’un hiver qui ne cesse de se rapprocher sous la forme d’une armée de morts-vivants en provenance de l’autre côté du Mur. Avec à leur tête le Roi de la Nuit, les marcheurs blancs pourraient bien changer la donne…
La Critique :
David Benioff et Dan B. Weiss, les deux créateurs de Game of Thrones, ont annoncé cette année qu’il ne restait plus que 2 saisons avant la conclusion de cette grandiose « chanson de glace et de feu » initiée en librairie en 1996 par George R.R. Martin. L’écrivain qui s’est d’ailleurs fait dépasser par l’adaptation, puisque le sixième tome, The Winds of Winter, est encore en cours de rédaction à l’heure où la saison 6 de la série se termine. À quelques petits détails près, ce sixième acte est ainsi le premier que les lecteurs des romans ont pu découvrir sans savoir ce qui allait se dérouler. Car si la série a quelquefois pris ses propres décisions, pas toujours raccords avec les écrits de Martin, elle en a néanmoins respecté la trame principale ainsi que la progression. Et si Martin n’a pas eu d’autres choix que de dévoiler son plan aux showrunners de Game of Thrones, on peut d’une certaine façon se féliciter de pouvoir suivre l’histoire en n’ayant absolument aucune idée des péripéties qu’elle nous réserve. Lecteur ou pas lecteur, ici, tout le monde fut à égalité et tout le monde pu apprécier les incroyables rebondissements et le rythme plus appuyé de cette succession parfois frénétique de 10 épisodes à nouveau remarquables.
Les mois qui séparèrent l’incroyable final de la saison 5 et le début de la saison 6 furent interminables. Et c’est donc en toute logique que les scénaristes ne tardent pas à nous ramener auprès du corps de Jon Snow, le Lord Commandant de la Garde de Nuit, après la mutinerie qui lui coûta la vie. C’est d’ailleurs l’une des grandes forces de Game of Thrones : parvenir à nous maintenir en haleine, en soignant à chaque fois les cliffhangers, qui, outre le fait qu’ils instaurent un suspense insoutenable, ne sont jamais dénués de sens ou simplement sensationnels pour être sensationnels. Et ce n’est pas pour rien si la série est probablement celle qui encourage implicitement le plus les fans à échafauder des théories par dizaines, au risque justement que le développement des multiples intrigues ne soient pas à la hauteur des attentes. Mais toujours, à Westeros, des deux côtés du mur ou plus au sud, du côté de Daenerys, les développements justement, parviennent quand même à sonner avec puissance, grâce à une écriture sans cesse renouvelée, vive et précise, qui s’appuie et joue sur des détails redoutables et qui se voit sans cesse nourrie par une dramaturgie présente depuis les balbutiements de la série, qui n’a jamais renié ses racines littéraires. On parle beaucoup à chaque fois des grandes batailles. Des plans-séquences et des morts violentes, en passant par les scènes de sexe super explicites, mais si Game of Thrones est devenu très rapidement le phénomène qu’il est plus que jamais aujourd’hui, c’est avant tout grâce à son écriture. Ceux qui ont lu George R.R. Martin savent que le show de Benioff et B. Weiss a su exploiter la verve de l’auteur pour créer quelque chose de grand et de majestueux. Le spectacle met dans le mille car il soigne le fond. Ce qui profite à la forme. Les guerres ne sont pas dénuées de sens et ce que beaucoup ont pu reprocher au show, notamment l’année dernière, à savoir ses longues joutes verbales, de justement construire une tension palpable, et donc parfaite pour donner lieu à des affrontements d’une sauvagerie sans cesse accrue. Des tragédies géo-politiques, des alliances et des duels naît le spectacle. Celui qui met à terre et qui ne fait pas de prisonniers. On peut ainsi affirmer sans avoir peur de se tromper, qu’à ce jour, hormis peut-être Rome, Game of Thrones est la seule série du genre a avoir accompli une telle prouesse. En très peu de temps qui plus est, la saison 6, aussi excellente soit-elle découlant logiquement de tout ce qui s’est passé avant.
Game of Thrones n’a jamais eu peur de prendre son temps. Les personnages, nombreux et souvent éloignés, vont et viennent au centre d’une seule et même valse. Certains disparaissent puis sont de retour sous la lumière et en toile de fond se dessine une intrigue globale. Au terme de ces 10 nouveaux épisodes, il devient donc certain que la conclusion de la série, qui interviendra en 2018, ne laissera personne de côté, quels que soient les protagonistes qui demeurent à ce moment précis, vu qu’ici, c’est bien connu, personne n’est à l’abri de disparaître avec plus ou moins de violence.
Souvent, quand on parle d’une saison de Game of Thrones, on retient 2, voire 3 moments forts. Des piliers qui soutiennent un sous-ensemble, en forme de morceaux de bravoure ou, si on peut dire, de mini-conclusions, amenées à assurer la pérennité et la cohérence du scénario global. L’épisode 9 s’imposant depuis la première saison comme celui qui choque. La mort de Ned Stark, ou encore les Noces Pourpres sont restées dans les mémoires. Bien sûr, la saison 6 ne fait pas exception. Son épisode 9 est monumental. L’un des meilleurs, si il fallait absolument établir un classement, ce qui, quand on parle d’une œuvre qui a su atteindre un tel niveau d’excellence, est toujours un peu absurde. C’est là que se déroule ce que nous avait promis les showrunners, à savoir la plus grande bataille jamais vue à la télévision. À l’arrivée, pas de déception car en effet, il s’agit bien de la plus grande bataille vue dans le poste. Cela dit, il s’agit aussi de l’une des plus grandes et épiques batailles filmées tout court. Cinéma et télévision confondus. Fort. Très fort. Un épisode qui a réconcilié tout le monde, en atteignant un niveau d’intensité jamais observé pour une série de ce genre, à grand renfort de plans-séquences de fous-furieux, d’une violence à la limite du soutenable et d’une tension dramatique écrite dans le sang, la sueur et les larmes. Une prouesse technique certes, mais pas seulement, car comme nous le soulignons plus haut, Game of Thrones ne fait jamais rien à vain pour épater la galerie. Ce qui donne plus de force aux images c’est leur signification. Ce qu’elles impliquent…
Alors oui, on a beaucoup parlé de l’épisode 9. Le truc, c’est que la saison 6 a réservé de nombreux autres moments tout aussi marquants. Dans un soucis de ne pas déflorer l’intrigue aux chanceux qui s’apprêtent à débuter la saison, nous n’en dirons pas plus (inutile d’ajouter des spoilers à la masse de ceux qu’on peut trouver sur les réseaux sociaux), mais les raisons de sauter sur son canapé, d’avoir la chair de poule ou une belle grosse boule dans la gorge sont légion. Et ce dès le début, avec l’un des coups de théâtre les mieux amenés vu depuis des lustres à la télévision.
La rythmique prend de la vitesse. Les pions sont en place pour le grand final. Les contours du dénouement se dessinent et les concessions ne sont toujours pas à l’ordre du jour du côté des Sept Couronnes. Difficile de dire, comme on pouvait le faire auparavant, quel personnage est le plus passionnant car ils le sont tous. On peut avoir ses préférences, mais quand jadis certains évoluaient dans des sphères très éloignées les uns des autres, tous commencent maintenant à converger vers un seulet même point. Les showrunners font les choses en grand. Ils surprennent, prennent à revers mais n’ont pas peur d’une certaine façon d’obéir aux fans en confirmant des théories. C’est dans ces moments qu’on apprécie aussi la faculté de la série à résister à un sensationnalisme de pacotille qui ne fait pas peur à certaines séries concurrentes, dont le niveau n’a pas cessé de baisser, alors que Game of Thrones s’imposait, d’année en année, comme le mètre-étalon d’un genre qui a longtemps été tricard à la télévision.
Avec les moyens dont ils disposent, les producteurs de la série sont libres de faire ce qu’ils veulent. Les dragons étant un peu l’unité de mesure du talent des artisans chargés de donner vie à ce monde si vaste. Des créatures majestueuses et effrayantes qui évoluent au cœur de paysages sublimes, rappelant à chaque tableau que Game of Thrones est aussi l’une des plus belles choses qu’il nous ait été donné de voir sur un écran quel qu’il soit.
Dans un soucis de se rapprocher de son terme sans sacrifier l’unité de ses thématiques ou sa cohérence, la saison 6 opère un rapprochement avec des arcs narratifs laissés en suspens. Et elle le fait bien. Une façon, on insiste, de vérifier que l’écriture, faite de joutes verbales incroyables et d’ellipses toujours pertinentes, n’a rien perdu de son brio, bien au contraire. Le caractère choral est toujours là mais des rapprochement s’opèrent. Plus vite qu’à l’accoutumée. Des personnages se rencontrent, complotent ou se déchirent, et la progression de se faire sans cesse plus radicale.
Il y a fort à parier qu’après cette nouvelle salve, la réputation du show, à savoir celle de sacrifier ses personnages, soit plus que jamais soulignée. On peut dire qu’ils se sont lâchés. Rien n’est trop énorme pour Game of Thrones. Plus violente, plus provocante, plus brutale, plus émouvante, cette saison 6 garde le sens de la mesure certes, mais ne s’interdit pas de pousser pas mal de compteurs dans le rouge quand l’histoire le permet, nous rappelant au passage qu’à la fin, quand les 8 saisons seront terminées, l’œuvre s’envisagera comme un ensemble. La marque des grands.
Avec ce nouveau chapitre, Game of Thrones nous propose un roller-coaster émotionnel au lyrisme et à la puissance évocatrice uniques. En s’appuyant sur des codes et des mécanismes connus et éprouvés, la série, à l’image des livres, a su se les approprier. Sans tirer sur la corde, avec un respect des personnages, de leurs histoires et surtout, ça va de soi, du public. Game of Thrones est bel et bien un phénomène culturel, mais c’est surtout une fresque amenée à rester pour faire autorité. Comme Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux. Un vrai modèle de réussite intégrale. L’ultime et fantastique dernier épisode de cette saison confirmant en outre le talent de la série (un parmi d’autres, nombreux) de savoir conclure quand il est temps de le faire. De cette tétanisante entrée en matière, portée par une partition qui confine au sublime, pleine de poésie macabre, à ces images annonçant un cataclysme prochain, en passant par ces moments plus intimes qui annoncent ce qui doit venir, on se retrouve, le doute n’est pas permis, devant un parfait condensé de ce dont la série est capable. Il s’agit d’ailleurs de l’un des meilleurs épisodes. Ce qui était déjà le cas de l’épisode 8. Mais on le répété, quand on se frotte à un tel monument, de pareils constats apparaissent futiles. Mieux vaut profiter du spectacle tant qu’il dure. Profiter et attendre. Encore. Jusqu’au jour où il n’y aura plus rien à attendre et que la série passera à la postérité. À moins que ce ne soit déjà fait…
@ Gilles Rolland
Monumentale, vraiment une série monumentale… Bravo encore pour cette critique au top…