[CRITIQUE SÉRIE] BETTER CALL SAUL – Saison 6
Titre original : Better Call Saul
Rating:
Origine : États-Unis
Créateurs : Vince Gilligan, Peter Gould.
Réalisateurs : Michael Morris, Vince Gilligan, Gordon Smith, Melissa Bernstein, Giancarlo Esposito, Thomas Schnauz.
Distribution : Bob Odenkirk, Jonathan Banks, Rhea Seehorn, Patrick Fabian, Michael Mando, Giancarlo Esposito, Tony Dalton, Mark Margolis, Luis Moncada, Daniel Moncada, Steven Bauer, Carol Burnett, Pat Healy, Bryan Cranston, Aaron Paul, Betsy Brandt…
Genre : Drame/Thriller/Comédie/Spin-Off
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 13
Le Pitch :
Ayant échappé à la tentative d’assassinat perpétrée par Gus Fring, Lalo Salamanca commence à échafauder un plan pour se venger. Présent sur les lieux au moment de l’attaque, Nacho prend la fuite, se sachant pourchassé par les hommes du clan Salamanca. Pendant ce temps à Albuquerque, Saul Goodman et Kim Wrexler mettent en route une redoutable machination afin de détruire la réputation d’Howard Hamlin…
La Critique de la saison 6 de Better Call Saul :
Retardée à cause de la pandémie de Covid-19, la sixième et ultime saison de Better Call Saul, le spin-off de Breaking Bad,a mis plus de 2 ans à arriver sur Netflix. L’attente fut donc longue pour au final découvrir cette magnifique conclusion en treize actes, menée de main de maître par le duo de showrunners Vince Gilligan et Peter Gould.
Brillant plaidoyer
La fin de la saison 5 nous avait laissé sur les dents. Le redoutable Lalo Salamanca venait juste d’échapper à une tentative de meurtre. Remonté à bloc et bien décidé à punir les responsables, il s’échappait pour abattre son courroux. Dès lors, les questions ont été nombreuses. Allait-il s’attaquer à Saul Goodman et à Kim Wrexler ? À Gus Fring ou à Mike ? À Nacho ? Des questions qui n’étaient pas seules car Better Call Saul n’a jamais joué sur un seul tableau. C’est donc là-dessus que s’ouvre le sixième acte, qui suit à la fois la storyline de Lalo, celle de Saul et Kim et bien sûr celle de Mike et Gus, qui ici, continuent de créer l’empire de la drogue auquel seront amenés à participer Walter White et Jesse Pinkman dans Breaking Bad. Car oui, le moment pour Better Call Saul de raccrocher les wagons avec Breaking Bad est enfin arrivé et force est de reconnaître que les deux histoires, sans dévoiler quoi que soit, se rejoignent de la meilleure des façons, avec beaucoup d’intelligence.
Inexorable montée en puissance
Difficile de parler de la sixième saison sans dévoiler une partie de l’intrigue. Ce que nous ne ferons pas, histoire de ne pas gâcher le plaisir de celles et ceux qui n’auraient pas encore eu la joie de voir la saison. Disons donc simplement que dès le début, la série retrouve ses bonnes habitudes et renouvelle son contrat d’exigence passé avec elle-même mais aussi son public. Si Better Call Saul pouvait avant même la diffusion de son premier épisode encourager des doutes, notamment quant à sa légitimité par rapport à Breaking Bad, elle s’est au fil des ans imposée comme encore plus impressionnante, encore plus complexe et encore plus exigeante.
Peut-être Vince Gilligan et Peter Gould, jouissant d’une expérience qu’ils n’avaient pas au commencement de Breaking Bad, ont-il souhaité faire de leur nouvelle série quelque chose de moins sensationnaliste, de plus viscéral et de plus shakespearien, mais une chose est sûre : ici plus que jamais, Better Call Saul vole dans la stratosphère et fait montre d’une intensité à proprement parler incroyable, sur absolument tous les points.
Duel judiciaire
Cette saison sait de plus ménager ses effets, ne cédant jamais à l’excès, y compris quand la conclusion se rapproche. Loin, très loin de se montrer opportunistes, Vince Gilligan et Peter Gould prennent leur temps (la saison compte 3 épisodes de plus que la précédente), effectuent de réguliers allers-retours dans le temps, et mettent en avant une grammaire cinématographique qui ne cesse de briller par sa maîtrise absolue.
En cela, plus la saison avance et plus les passages en noir et blanc, qui racontent l’histoire de Saul au présent, sont nombreux. Un épisode, sublime, est d’ailleurs entièrement filmé dans un noir et blanc somptueux, qui évoque le cinéma des années 1940, faisant ressembler, en particulier lors du dernier épisode, la série à une relecture des classiques d’antan, où Bob Odenkirk et Rhea Seehorn prennent la place d’Humphrey Bogart et Lauren Bacall. D’une élégance folle, tour à tour drôle et tragique, remarquablement écrite, montée et mise en scène, cette saison s’apparente donc à un authentique tour de force.
Acteurs au diapason
Bien sûr, si la maîtrise est absolue du côté de la production, les acteurs ne sont pas en reste. Bob Odenkirk, plus que jamais ahurissant de talent, prouve qu’il est l’un des meilleurs acteurs du moment. À ses côtés, Rhea Seehorn confirme qu’elle est la véritable révélation du show. Avec sa présence magnétique, son jeu précis et sensitif et sa façon d’attirer la lumière, la comédienne brille de mille feux. Il est également bon se souligner la performance toujours impressionnante de l’incroyable Jonathan Banks même si au fond, tous les acteurs de la série jouent sur la même fréquence, avec une mesure, un sens de la nuance et une intensité qui forcent le respect en permanence.
This is the end
Il est toujours compliqué de clôturer une série qui d’année à année s’est imposée comme une référence. Si Breaking Bad conserve ses fans, Better Call Saul a su s’attirer les faveurs de nombreux d’entre-eux. Certains, dont nous, autant le dire franchement, vont même jusqu’à la considérer supérieure. Les raisons ? Better Call Saul s’avère plus subtile et plus viscérale. Si le langage est le même et que quoi qu’il en soit, les deux œuvres ainsi que le film El Camino, sont indissociables et forment ensemble un tout remarquable de cohérence, Better Call Saul a su se démarquer par son ton plus sombre et sa démarche peut-être plus exigeante encore.
Fable sur la quête de reconnaissance d’un homme plein de ressources, brisé et sous-estimé, conte contemporain sur la rédemption et sur l’ambition et ses ravages, Better Call Saul est aussi, et c’est particulièrement flagrant dans cette dernière saison, une grande histoire d’amour. La romance de deux âmes cabossées qui ont depuis toujours éprouvé des difficultés à trouver leur place dans le monde. D’un côté Jimmy McGill, cet avocat pugnace contraint de faire ses preuves, adepte des coups tordus, qui va emprunter une voie pavée de mensonges et autres stratagèmes douteux et de l’autre Kim, cette avocate surdouée en quête d’autre chose, qui va être aspirée dans un vortex dont elle ne pourra peut-être jamais s’extraire. Jimmy et Walter White représentant les deux faces d’une même pièce au cœur d’un univers baigné par le soleil du Nouveau-Mexique. Un monde de violence, impitoyable envers les faibles, apte à exercer sur ceux qui refusent de se soumettre à la fatalité une pression difficile à supporter.
En Bref…
Chef-d’œuvre absolu de la télévision américaine, Better Call Saul tire sa révérence de la plus belle des façons. Remarquable, admirable même, sur absolument tous les plans, autant au niveau du fond que de la forme, la série d’ores et déjà culte s’offre une conclusion qui dépasse toutes nos attentes. Un dernier acte tragique, déchirant, d’une beauté crépusculaire inouïe.
@ Gilles Rolland