[Critique série] GAME OF THRONES – Saison 5
Titre original : Game of Thrones
Rating:
Origine : États-Unis
Créateurs : David Benioff, Dan B. Weiss
Réalisateurs : Michael Slovis, Mark Mylod, Jeremy Podeswa, Miguel Sapochnik, David Nutter.
Distribution : Peter Dinklage, Sophie Turner, Maisie Williams, Kit Harington, Stephen Dillane, Lena Headey, Aidan Gillen, Natalie Dormer, Jerome Flynn, Emilia Clarke, Liam Cunningham, Nikolaj Coster-Waldau, Iain Glen, Michiel Huisman, Nathalie Emmanuel, Hannah Murray, Carice Van Houten, Jonanthan Pryce, Adewale Akinnuoye-Agbaje…
Genre : Aventure/Heroïc-Fantasy/Drame/Fantastique/Adaptation
Diffusion en France : OCS City
Nombre d’épisodes : 10
Le Pitch :
La mort de Tywin a fortement ébranlé la famille Lannister. Alors que Cersei doit faire face à l’influence croissante de sa belle-fille, Margaery Tyrell, Tyrion fuit en compagnie de Varys, en direction de Meereen, où il espère s’attirer les bonnes grâce de Daenerys. À Meereen où, justement, la Mère des Dragons a bien dû mal à faire face à une révolte croissante.
Arya Stark, de son côté, débarque enfin à Braavos après un long voyage, sans trop savoir ce qui l’attend. Sa sœur, Sansa, sous la coupe de Littlefinger, s’apprête à rencontrer Ramsay Bolton, alors que ce dernier a pris possession de Winterfell.
Au Mur, Jon Snow se frotte à Stannis Baratheon, qui cherche à l’enrôler dans sa reconquête du Nord, après avoir mis en déroute les sauvageons de Mance Rayder. L’hiver est sur Westeros et quelque-part, dans les terres du nord, une menace d’une ampleur inimaginable gagne du terrain…
La Critique :
Il fallait que cela arrive ! Que le phénomène prenne trop d’ampleur et squatte les médias et les réseaux sociaux dans des proportions monumentales. Diffusée cette année en temps réel, dans la nuit du dimanche au lundi, la série fut, dix semaines durant, le sujet de discussion privilégié du lundi et des jours suivants. Le gros piratage qui mit en ligne les quatre premiers épisodes dès le début de la diffusion (tandis que le dernier fut lui aussi victime d’une fuite incontrôlée), ne fit que braquer un peu plus les projecteurs sur un show, devenu plus que jamais un véritable phénomène culturel.
Ce cinquième acte a ainsi beaucoup fait parler. Quelques voix se sont élevées pour critiquer vivement le rythme, le découpage de l’intrigue et tout un tas d’autres détails pourtant intégrés depuis belle lurette à l’ADN de la série. Le problème venant du fait que nombre de nouveaux spectateurs (et d’anciens) assimilent Game of Thrones au sang, au sexe, aux batailles épiques, aux dragons, aux belles nanas, aux mecs torturés et aux hécatombes de personnages principaux. Plutôt étrange, étant donné qu’au début, la série, comme les livres de Georges R.R. Martin, ont été pensés comme une sorte de version heroïc-fantasy des Rois Maudits et non d’une version hardcore plus adulte du Seigneur des Anneaux, même si parfois, quand le fantastique prend le pas, il est en effet difficile de ne pas penser à Tolkien. Si les meurtres brutaux, les décapitations et autres parties fines ont certes fait le bonheur des spectateurs depuis le tout premier épisode de la première saison, il convient de rappeler que Game of Thrones est avant tout chose une œuvre politique. Une tragédie bel et bien épique, mais davantage centrée sur les luttes intestines de personnages parfois éloignés les uns des autres, enrôlés dans une guerre globale en forme de gigantesque partie d’échecs.
Alors oui, la cinquième saison débute dans le calme. Un calme apparent, intervenant, comme la tradition l’exige, après le choc qui accompagna la fin de la saison précédente. La poussière retombe sur le champs de bataille, on prend du recul, on observe les conséquences des actes de chacun et tous pensent à la suite, en échafaudant autant de stratégies destinées à progresser dans la hiérarchie ou simplement à sauver leur peau.
C’est après une introduction quoi qu’il soit passionnante, boostée par une tension sous-jacente à la puissance exponentielle, que ce nouvel acte expose ses enjeux.
Les pions se déplacent. Des personnages, comme Sansa, prennent leur envol, parfois dans la douleur, tandis que d’autres, tel Tyrion, se préparent à intégrer un nouveau segment de l’histoire globale. Tyrion, toujours lui, est bien évidemment l’un des éléments clés. Toujours. Fidèle à lui-même, après une fin de saison 4 extrêmement brutale et émotionnellement dévastatrice, il poursuit sa route vers des cieux, dont les nuages qui s’amoncellent à l’horizon, là où les dragons règnent, n’annoncent rien de serein. Il est l’un des piliers. L’un de ceux sur lesquels on peut toujours compter. Jon Snow, le bâtard de la Maison Stark, est fait du même bois. À l’instar de Tyrion Lannister, il est l’un des héros de cette saison.
Nous faisons également connaissance de nouveaux personnages, avec par exemple, les Vipères de Dorne, où demeure la Princesse Myrcella Baratheon. Prises dans les tourments d’une vengeance fomentée par la femme du regretté Oberyn Martell, ces dernières restent encore un peu en retrait, mais leur présence contribue à renforcer la cohésion d’un univers aux proportions XXL. Sans oublier le nouveau salopard en chef, Ramsay Bolton, à l’origine de l’un des « scandales » de cette année, Arya et son étrange quête parfois malsaine, et les fameux Marcheurs Blancs.
En tout logique, comme toutes les adaptations cinématographiques ou télévisuelles adaptées d’œuvres aussi complexes et touffues que Game of Thrones, la série de David Benioff et de Dan B. Weiss opère quelques coupes franches. À la croisée des chemins, arrivé au moment où il ne peut plus compter sur les livres (mais toujours sur le soutien de l’auteur, présent pour aiguiller les showrunners), le show doit faire cavalier seul et ouvrir la marche. Les différences déjà présentes entre les livres et la série, de la saison 4, sont ici accentuées. Certains segments adoptent la même forme que leur modèle littéraire, mais d’autres s’éloignent. Jamais dans la mauvaise direction, contrairement à The Walking Dead par exemple, pour rester dans l’illustration d’une œuvre majeure de la littérature. L’absence des Greyjoy (la famille de Theon) se fait-elle sentir ? Non, pas vraiment tant le terrain fut préparé à l’avance par les scénaristes et il en est de même pour tous les autres arcs narratifs des romans, supprimés, ou amoindris ici. Tous, sauf peut-être un, mais rien ne sert de le mentionner ici, car sait-on jamais… Qui sait ce que nous réservent les deux derniers volets ?
Basé sur une montée en puissance progressive, la saison 5 de Game of Thrones prend le temps, c’est certain. En cela, les échanges entre les personnages s’avèrent toujours aussi passionnants, car porteurs d’une intensité dramatique jamais mise à mal. Et c’est justement parce que la série a pris le temps de se poser pour mieux préparer le terrain et revenir à un calme (relatif), que l’explosion de l’épisode 8 apparaît aussi terrifiante lorsqu’elle intervient. Tous les ans, la série pulvérise le cadre et les idées reçues concernant la production télévisuelle. La bataille de Black Water ou la prise du Mur par les sauvageons ont constitué de grands moments, inscrits dans les mémoires. Avant Game of Thrones, il semblait difficilement concevable de voir de telles choses dans le petit écran. Seul Rome (HBO, toujours), avait réussi à se hisser au niveau du cinéma. Très vite donc, la série inspirée des écrits de Martin a posé de nouvelles bases. Le huitième épisode de la nouvelle saison va encore plus loin. La concurrence, d’où qu’elle vienne, cherche encore son deuxième souffle. Plan-séquence de malade, iconisation fantastique des personnages, violence accrue, effets-spéciaux incroyables… En quelques minutes, la conclusion de cet épisode formidable, met tout le monde d’accord. Même ceux qui se désespéraient de voir la série dont tout le monde leur avait dit tant de bien, ou encore les fans déçus par la tournure plus viscérale de certains arcs narratifs. On appelle ça une méchante claque. Une semaine plus tard, le neuvième épisode (le 9 est un chiffre clé à Westeros), n’a rien lâché. Là aussi, le spectacle fut total. Généreux et frénétique. Même sentence pour la conclusion, parfaite de brutalité explosive. On pourrait dire qu’en 3 épisodes, Game of Thrones est à nouveau rentré dans le rang, mais pas ici non. Ici, on dit que c’est justement parce que la saison a été pensée différemment que les quatre précédentes, que sa conclusion en trois actes fut aussi mémorable. À tous les niveaux, la série conserve une suprématie évidente. Sur un plan technique, grâce à une exigence renouvelée, mais aussi dans les risques qu’elle prend, quitte à se mettre à dos une partie des spectateurs. Optant pour une narration éclatée, la série s’applique à emboîter chaque pièce. Elle ménage ses effets, fait planer le doute et frappe par surprise. La stratégie est risquée mais s’avère payante ! Boostée par des moyens considérables, elle offre non seulement un spectacle hallucinant, d’une beauté et d’une sauvagerie à couper le souffle, mais sait aussi dégager une émotion à fleur de peau, relayée par un casting aux petits oignons, digne des plus grandes sagas du septième-art.
Prenez garde manants ! La guerre pour le trône de fer bât son plein. Le sang coule, tout le monde en prend plein la tronche et la bien-séance peut aller se rhabiller (les pisses-froids aussi). Game of Thrones n’a pas décidé de se plier aux canons en vigueur ou de nous caresser dans le sens du poil, et c’est sur le carreau que l’ultime épisode va certainement en laisser plus d’un. La suite, vite !
@ Gilles Rolland