[Critique série] LEGION – Saison 1

SÉRIES | 1 mai 2017 | Aucun commentaire
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Titre original : Legion

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis
Créateur : Noah Hawley
Réalisateurs : Noah Hawley, Michael Uppendahl, Larysa Kondracki, Tim Mielants, Hiro Murai, Dennie Gordon.
Distribution : Dan Stevens, Rachel Keller, Aubrey Plaza, Bill Irwin, Jeremie Harris, Amber Midthunder, Katie Aselton, Jean Smart, David Selby…
Genre : Science-Fiction/Fantastique/Drame/Adaptation
Diffusion en France : OCS
Nombre d’épisodes : 8

Le Pitch :
David Haller est schizophrène. C’est du moins ce qu’on lui répète depuis son adolescence et c’est également ce qui a motivé son internement dans plusieurs établissements psychiatriques, où il est assommé avec des traitements de choc. Tout change néanmoins le jour où une nouvelle patiente arrive. Une jeune fille qui va l’aider à se rendre compte qu’il n’est pas malade mais doté d’extraordinaires pouvoirs. Car David est un mutant. Un mutant du genre particulièrement puissant…

La Critique de la saison 1 de Legion :

C’est en août 1985 que le personnage de David Haller est apparu pour la première fois dans un comics Marvel. Créé par Chris Claremont et Bill Sienkiewicz, ce mutant habité de plusieurs personnalités, chacune contrôlant un pouvoir (télépathie, télékinésie…) est aussi le fils du célèbre Charles Xavier, le boss des X-Men, incarné au cinéma par Patrick Stewart.
David Haller, alias Legion, qui se retrouve donc au centre d’un show créé par Noah Hawley, quant à lui particulièrement connu et apprécié pour l’extraordinaire série Fargo, qu’il dirige depuis maintenant trois ans. Hawley dont l’implication ne pouvait pas déboucher sur quelque chose de similaire aux films de Bryan Singer, où plus largement à quoi que ce soit de super-héroïque vu au cinéma ou dans le poste. Car Hawley possède une patte unique. Et forcément, à l’arrivée, Legion est aussi une série unique…

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Patine 70’s

Legion captive dès ses premières images, qui annoncent quelque chose d’atypique et de résolument exigeant. On comprend vite que si tout est lié à l’univers des mutants que nous connaissons bien, ici, tous les repères ont de grandes chances de voler en éclats. Plongée dans une ambiance très 70’s, renforcé par une bande-son absolument remarquable, qui cite aussi bien Gainsbourg que Pink Floyd, la série commence comme une déclinaison étrangement pop de Vol au-dessus d’un Nid de Coucou, dans un asile où sont traités des patients pas comme les autres. C’est du moins ce qu’on se dit en pénétrant à leurs côtés dans les méandres d’une institution qui n’a rien d’ordinaire non plus. Hypnotique, le premier épisode rentre dans le vif du sujet, sans pour autant dévoiler toutes ses cartes. Ainsi, quelqu’un qui ne saurait pas qu’il s’agit d’une adaptation de comics, et à plus forte raison d’un comics lié aux X-Men, pourrait difficilement s’en douter avec ce premier épisode. Ce qui marque, c’est la propension de Noah Hawley de s’approprier tout un univers, dont il détourne les codes et remodèle les contours. Ainsi, on reconnaît en effet le style de celui qui a réussi l’exploit de faire de Fargo autre chose qu’une simple série adaptée d’un film culte. Avec Legion, c’est de maladie mentale qu’il parle tout d’abord. De schizophrénie mais aussi d’amour. Car la rencontre entre David Haller et cette jolie patiente qui débarque pour chambouler tous ses repères et faire voler en éclats la réalité que les autres lui ont fabriquée, est aussi au centre de ce premier épisode. Un épisode pilote en forme de chef-d’œuvre, maîtrisé au niveau du fond et de la forme, qui touche au sublime à plusieurs reprises, comme quand vient She’s A Rainbow, le morceau des Rolling Stones et qu’à l’écran, la série se transforme en une sorte de transe rock face à laquelle il convient de s’incliner.
Surtout qu’ensuite, dans une volonté de tout de même embrasser quelques-uns des codes les plus marqués du manifeste super-héroïque, Hawley envoie du lourd. De l’action, de l’amour, du rock et suffisamment de folie pour affirmer une tonalité libertaire pour le moins surprenante : voilà ce qu’inspire et incarne l’introduction de Legion. Un bijou exemplaire, d’une beauté rare, propulsé par une énergie salutaire, qui renouvelle un genre dont l’une des tares est parfois de trop se réfugier derrière des facilités désormais un peu usées jusqu’à la corde.

Brain Damage

« There’s someone in my head but it’s not me » (il y a quelqu’un dans ma tête mais ce n’est pas moi). Ces vers sur lesquels plane l’ombre de Syd Barrett, l’un des géniaux artisans de Pink Floyd, définissent parfaitement bien les intentions de cette première saison. Certes il y est question de plusieurs mutants, réunis contre une menace qui renvoie à celle que doivent combattre les X-Men dans les différents volet de la saga cinématographique, mais c’est donc surtout de maladie mentale dont il s’agit ici. De la détresse d’un homme pris dans les méandres d’une société qui loin de l’aider, l’enfonce dans une maladie qui en fait n’en est pas une. Les 8 épisodes de ce premier acte définissent la nature d’une lutte contre des démons perceptibles et d’autres qui le sont moins. Une façon pour le moins complexe de saisir l’essence même du comics et de la condition des X-Men, qui fait écho à la démarche de Bryan Singer, sans en adopter la posture. Autrement dit, Legion demande quand même certains efforts. Surtout après la conclusion tonitruante et visuellement virtuose (plan-séquence de malade à l’appui) du premier épisode. Ensuite, tout se pose et on entre dans le vif du sujet. Dans l’esprit tortueux du protagoniste central, qui s’apparente à un vortex humain qui engloutit tous les autres personnages. Et si Legion a un peu tendance à se montrer nébuleuse pour vraiment convaincre avec la même force que peut le faire son premier épisode, on ne peut que saluer l’exigence qui en ressort et toujours ce désir de faire les choses différemment pour offrir au genre une alternative plus cérébrale.

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Psychotic reaction

Porté par la vision sans compromis d’un Noah Hawley en pleine possession de son art, débarrassé de toute pression mercantile et donc libre de n’en faire qu’à sa tête, Legion est une série tortueuse au possible, qui demande une attention de tous les instants. Heureusement, elle sait aussi conserver cette capacité à captiver sans que l’on ait à se soucier d’avoir ou pas toutes les clés. Des clés qui arrivent au fur et mesure de la progression d’une intrigue qui avance quoi qu’il en soit jusqu’au dénouement en forme de cliffhanger tout sauf frustrant.
Les acteurs ont d’ailleurs également cette capacité à captiver. Ils nous prennent par la main et, par la seule force de leur charisme et de leur talent, parviennent à donner du corps à ce scénario malin et imprévisible. En première ligne, Dan Stevens est méconnaissable. Plus ou moins découvert dans le bourrin The Guest, où il jouait un homme d’action impassible, et plus récemment recouvert de prothèses numériques dans La Belle et la Bête, où il campait justement la Bête, il se fait dans Legion le vecteur d’une puissance étouffée et parvient remarquablement à retranscrire les peurs inhérentes à une détresse mentale perverse. Touchant, il intrigue autant qu’il fascine, à l’image de Rachel Keller, l’une des révélations de la saison 2 de Fargo, ici dans un rôle ô combien intéressant. D’une beauté solaire qui renvoie aux canons de la mode des années 60/70, elle incarne une certaine forme de pureté dont l’intégrité, menacée, aura aussi pour effet de mettre en exergue une forme de complexité tout à fait raccord avec les intentions initiales du show. Deux personnages au milieu d’un vortex dans lequel intervient aussi Aubrey Plaza, joyeusement timbrée, parfaitement à son aise, l’impériale Jean Smart (aussi dans la saison 2 de Fargo) et tout un panel de comédiens dont les personnages définissent chacun à leur façon les contours d’un monde caractérisé par son outrance inspirée et par ses fulgurances pop tenant aussi bien du monde des comics que de ceux d’un David Lynch. C’est dire à quel point on a ici affaire à une série qui dépasse le simple cadre de la catégorie dans laquelle elle prend place et qu’elle a tôt fait de pulvériser.

En Bref…
Legion réinvente à elle seule le langage super-héroïque au cinéma et à la télévision et s’adresse en cela à un public averti. Car si les mutants que cette première saison remarquable présente sont apparentés avec ceux des X-Men, la démonstration de force ne prend pas la même forme. Cérébrale, imprévisible, rock and roll et inspirée, la saison 1 de Legion prend à revers autant qu’elle galvanise. Pour sa folie notamment, même si parfois, elle n’évite pas totalement de tourner en rond pour mieux repartir vers les sommets d’un genre qui en avait bien besoin.

@ Gilles Rolland

legion-serie-marvel-fx-chapter-1  Créidts photos : FX

Par Gilles Rolland le 1 mai 2017

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