[Critique série] ORANGE IS THE NEW BLACK – Saison 6

SÉRIES | 10 août 2018 | Aucun commentaire

Titre original : Orange is The New Black

Rating: ★★½☆☆
Origine : États-Unis
Créateur : Jenji Kohan
Réalisateurs : Michael Trim, Mark A. Burley, Erin Freeley, Phil Abraham, Andrew McCarthy, Constantine Makris, Sian Heder, Nick Sandow, Ludovic Littee, Laura Prepon, Clark Johnson.
Distribution : Taylor Schilling, Laura Prepon, Danielle Brooks, Dale Soules, Selenis Leyva, Dascha Polanco, Adrienne C. Moore, Vicci Martinez, Henny Russell, Mackenzie Phillips, Amanda Fuller, Jackie Cruz, Jessica Pimentel, Kate Mulgrew, Uzo Aduba, Laura Gomez, Taryn Manning, Daniella De Jesus, Natasha Lyonne, Yael Stone, Matt Peters, Beth Dover, Laverne Cox, Nick Sandow…
Genre : Drame/Comédie/Adaptation
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 13

Le Pitch :
L’émeute du quartier de sécurité minimale et l’assaut qui s’en est suivi ont laissé des traces indélébiles. Les détenues qui ont voulu transformer Litchfield en ZAD ont été éparpillées sur plusieurs sites et envoyées en QHS. Elles découvrent une discipline de fer, une réduction drastique des libertés, des gardiens qui jouent de la matraque mais aussi une guerre des gangs larvée entre les différents blocs. De l’autre côté des barreaux, MCC, la holding propriétaire de la prison, ne veut pas voir son image écornée trop longtemps. C’est alors que le procureur veut faire des exemples pour éviter de futures mutineries…

La Critique de la saison 6 de Orange Is The New Black :

Comment un show comme Orange Is The New Black, qui a commencé de manière prometteuse et livré d’excellentes saisons, dont une enthousiasmante, a pu devenir quelconque voire anecdotique de manière aussi brutale ? La meilleure saison de l’histoire du show a été suivie par la moins bonne de toutes. À l’origine de ce dérapage, le départ de plusieurs scénaristes historiques remplacés par un pool comprenant des auteurs de sitcom, une romancière et d’un qui a travaillé sur Bones. Une nouvelle équipe qui, aux dires de la créatrice Jenji Kohan (elle aussi déçue par cette saison 5), a plutôt agi comme un groupe de fans et non comme des créatifs. L’alchimie n’a ainsi tellement pas pris que seuls deux personnes ont été conservées pour la saison 6. Dans ce contexte, soit on repart sur ce qui avait fait les qualités du show, soit on s’oriente vers un nouveau mauvais chemin.

Orange is the new blague

Cela commence d’entrée par une fausse bonne idée : celle de montrer l’action du point de vue de Suzanne « Crazy Eyes » (Uzo Aduba, comme d’habitude excellente). Du coup, en plus d’une introduction trop longue, inintéressante et « too much », on se retrouve avec un trop grand décalage avec une réalité impitoyable, comme si le personnage principal de La Vie est Belle de Benigni avait été privé de toutes nuances. Dès ce passage hyper lent, on se pose régulièrement des questions sur la gestion du rythme. Parce que si la saison 5 qui se déroulait sur trois jours apparaissait peu énergique, ici, c’est encore pire. Certes, Orange Is The New Black n’est pas The Shield, chef-d’œuvre d’action sans concession et hyper nerveux, mais là, on glisserait presque vers du Derrick tant il se passe peu de choses et qu’on fait du surplace pendant la majeure partie des épisodes.
Malheureusement, contrairement à la saison précédente où le manque de rythme était compensé par des moments de fulgurance, là, cela ne suffit plus. Il y a de la matière, on se retrouve dans un univers plus dur, les relations les plus fortes entre les personnages sont mises à rude épreuve et il y aurait matière à avoir une dramaturgie plus poussée comme par le passé, mais il n’en est rien. Les intrigues de base sont devenues presque toutes inintéressantes et le récit est artificiellement plombé par de nouvelles qui frisent le ridicule. On en vient à n’en avoir plus rien à faire de la relation entre Laura Prepon et Taylor Schilling (pourtant une clef de voûte du show), c’est dire. Côté dialogues, c’est là aussi la douche froide, notamment en raison d’un débit incessant de références méta à la pop culture. Le dosage est hasardeux, on est dans l’excès et ça tombe à plat presque systématiquement.

Orange : mécanique grippée

Le problème dans Orange Is The New Black, c’est qu’il s’agit d’une série qui n’a pas des ambitions démesurées ni un budget pharaonique. Ses principales forces étaient son humanisme, ses personnages attachants, ses destins croisés, bref rien en lien avec la technologie ou la mise en œuvre de grands moyens. Tout le truc tient dans l’écriture, alors quand ce point pèche, l’édifice est branlant.
Pourtant, on a l’impression de manière récurrente que les auteurs veulent bien, voire trop bien faire, avec un discours pertinent (comme depuis le début) sur des thématiques dures, comme l’Amérique de Trump, le mouvement Black Lives Matter ou le cynisme des holdings. Le problème, c’est que c’est fait avec la délicatesse d’un dragueur imbibé de mauvais vin dans un banquet de chasseurs, avec un discours destiné aux social justice warriors tellement bourrin qu’on touche presque à de la parodie. En atteste une séquence durant une cavale où un gardien de prison tient un discours à deux homophobes… Une cène partant d’un bon sentiment mais, finalement contre-productive.
Côté actrices, ce sont à nouveau Danielle Brooks et Adrienne C. Moore qui surnagent. Aussi à l’aise dans le drame que la comédie, elles offrent une palette d’émotion plutôt riche et font mouche. Dascha Polanco, Selenis Leyva, Laura Prepon et Uzo Aduba tirent également leur épingle du jeu, bien aidées par des personnages bien écrits. Si le casting originel a été amputé de moitié, permettant aux survivantes de s’exprimer pleinement, les nouveaux semblent souffrir d’une écriture plutôt hasardeuse. Depuis le début de nouvelles têtes apparaissent régulièrement dans les couloirs de la prison, mais cette fois, peu laisseront un souvenir impérissable, en particulier Madison alias Badison (Amanda Fuller à côté de ses pompes) foirée dans les grandes largeurs, sans nuance, avec une impression permanente d’en faire trop. Les bad girls, deux sœurs meurtrières à la rivalité fratricide (dont les origines sont ridicules), sont tout aussi ratées. Seule Daddy (campée par la prometteuse Vicci Martinez), semble sortir du lot. De l’autre côté des barreaux, c’est encore pire. En dehors encore une fois des anciens, les nouveaux gardiens sont symptomatiques d’un show devenu extrêmement manichéen. Se livrant à des paris sur les détenues, ils sont violents gratuitement, sans aucune once d’humanité, dessinés à l’arrache et hyper caricaturaux. On a Alvarez, une sorte de nerd qui ennuie tout le monde et surtout Copeland (Shawna Hamic) qui est une véritable énigme. Alors que la série a toujours mis en avant une envie de valoriser toutes les femmes quelles que soient leur corps, un personnage de gardienne ronde et rousse (soit deux catégories de personnes subissant régulièrement des préjugés) qui accumule les tares à ce point (elle est bête, sans aucune morale, fainéante et profondément détestable) ressemble à un dérapage incontrôlé achevant l’impression d’avoir des auteurs encore plus à côté de la plaque que leurs prédécesseurs.

En Bref…
Le constat de cette nouvelle saison d’Orange Is The New Black est amer. Dans le pire des cas (la saison 5 et dans une moindre mesure, la 3), la série s’en sortait avec des personnages attachants, son dosage entre comédie et drame et un final d’anthologie. Là, la prestation excellente de certaines actrices (dont Danielle Brooks et Adrienne C. Moore) ne suffit plus. Ce n’est pas rythmé, écrit avec les pieds, manichéen et franchement bancal. Alors que la conclusion laisse présager que la dernière saison sera le tour de piste final, deux choix s’offrent à Netflix : une sortie digne de ce nom en récupérant les scénaristes de la saison 4 ou une continuité dans le moyen quitte à se terminer dans un mur. Les espoirs sont permis mais ils s’amincissent de plus en plus.

@ Nicolas Cambon

   Crédits photos : Netflix

Par Nicolas Cambon le 10 août 2018

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