[CRITIQUE SÉRIE] PISTOL

SÉRIES | 22 juillet 2022 | Aucun commentaire
Pistol-Hulu-Poster

Titre original : Pisto

Rating: ★★★★½

Origines : Grande-Bretagne/États-Unis

Créateur : Craig Pearce

Réalisateur : Danny Boyle

Distribution : Toby Wallace, Anson Boon, Louis Partridge, Jacob Slater, Christian Lees, Sydney Chandler, Emma Appleton, Thomas Brodie-Sangster, Maisie Williams, Alexander Arnold, Talulah Riley…

Genre : Drame/Biopic/Adaptation

Nombre d’épisodes : 6

Diffusion en France : Disney +

Le Pitch :

À Londres au milieu des années 1970, Steve Jones, un jeune un peu paumé, fait la rencontre de Malcolm McLaren, le co-propriétaire d’une boutique de mode alternative. Voyant dans ce marginal un vrai potentiel, McLaren décide de faire de ce dernier le pivot d’un groupe de musique, exploitant la vague punk récemment née aux États-Unis pour exprimer sa propre idée de la révolte. L’arrivée dans le combo de John Lydon, un électron libre aussi imprévisible que charismatique, va précipiter les choses et faire des Sex Pistols l’un des fers de lance du mouvement punk en Angleterre…

La Critique de Pistol :

Si on fait exception de Sid et Nancy, centré sur Sid Vicous et Nancy Spungen et de The Great Rock ‘n’ Roll Swindle, tourné sur l’initiative de Malcolm McLaren avec les membres du groupe, personne ne s’était encore attaqué de front à l’histoire des Sex Pistols, au cinéma ou à la télévision. Voir Danny Boyle s’y coller, à l’occasion d’une mini-série en 6 épisodes chapeautée par Craig Pearce, n’a-t-il pas quelque chose de finalement assez logique ? Après tout, Trainspotting était déjà assez punk dans son genre et Boyle n’a jamais caché son amour de la musique. C’est d’ailleurs aussi certainement pour cette raison que Pistol, la mini-série en question, est aussi réussie.

Le punk en 4:3

Retour au 4:3. Milieu des années 1970. Steve Jones est paumé. Il ne sait ni lire ni écrire, n’a aucun talent en particulier et passe son temps à voler du matériel sur les scènes londoniennes pour ensuite le revendre. Quand il pousse la porte de Sex, le magasin de fringues de Malcolm McLaren et Viviane Westwood, où bosse une certaine Chrissie Hynde, tout change. Steve Jones, le futur guitariste des Sex Pistols, devient le pivot d’un récit de bruit et de fureur dans la perfide Albion. Un type charismatique qui attendait simplement son heure, bientôt rejoint par des musiciens pas forcément très doués et un chanteur complètement barjot aux dents pourries.

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Naissance d’une imagerie

Danny Boyle connaît son sujet. Basée sur Lonely Boy, l’autobiographie de Steve Jones, son biopic en 6 épisodes va au fond des choses. Dès le début. Certes il interprète, se permet quelques audaces, quitte s’écarter parfois du cœur de son sujet, mais jamais il ne se défait de sa puissance et de sa force évocatrice. Et après tout, ces incartades et autres errances s’avèrent calculées car elles servent le récit. Tout finit par converger dans ce squat où Steve Jones, John Lydon, Paul Cook et Glen Matlock, toujours managés par Malcolm McLaren, l’artisan de la révolte, donnent naissance aux Sex Pistols.

Pour comprendre et apprécier la série à sa juste valeur, il convient de se souvenir que les Sex Pistols, contrairement à The Clash ou aux Buzzcocks, pour citer deux autres groupes de punk anglais, ont avant tout tablé sur le look. C’est Malcolm McLaren, épaulé par Viviane Westwood, qui a façonné l’image du combo et dans un même élan créé l’image d’Épinal du punk britannique qui perdure depuis. Au début, les Sex Pistols sont avant tout une affaire d’épingles à nourrice, de rage et de t-shirt floqués à la maison avec des motifs scandaleux. La musique est venue après, quand les quatre membres ont réussi à accorder leurs violons pour vomir leur prose dans la même direction, à savoir celle d’un public au départ enclin à leur cracher dessus. Le recrutement de Sid Vicious, en lieu et place de Glen Matlock, le seul vrai musicien de la bande aux débuts, va dans ce sens. Incapable d’aligner trois notes à la basse, Vicious a fini par incarner les Sex Pistols presque à lui seul. Il est devenu le visage tailladé du punk britannique et ça, Danny Boyle le retranscrit très bien.

Stylisme punk

Impossible dès lors de reprocher au réalisateur ses partis-pris esthétiques, son montage nerveux riche en surprenantes images d’archives et ses effets de style. Tout va dans le sens de la démarche qui a mené à la création des Sex Pistols. Bien sûr, la musique a fini par s’imposer, grâce à l’implication de celui qu’on a vite appelé Johnny Rotten, de Steve Jones, de Paul Cook et de Sid Vicious, dont le rôle se limitait à s’autodétruire sans jamais cesser de tester les limites. Les siennes comme celles de l’opinion publique. Vicious dont il est beaucoup question ici, forcément, incarné par l’excellent Louis Partridge, est un symbole à lui tout seul. Une âme sacrifiée. Un type paumé en mal d’amour. Un punk auquel, d’une certaine façon, Danny Boyle rend hommage, avec un sens de la nuance bienvenu, qui pour le coup, tranche avec la vision plus unilatérale et caricaturale du film Sid & Nancy (malgré l’interprétation impeccable de Gary Oldman).

Pistol-cast

God Save The Pistols

Tous les personnages principaux ont d’ailleurs droit au même traitement. Steve Jones en particulier, qui est joué avec une vraie intensité par la révélation Toby Wallace, McLaren, qui permet de vérifier que Thomas Brodie-Sangster est vraiment un excellent acteur, Johnny Rotten, remarquablement campé par un Anson Boon terriblement intense et bien sûr Chrissie Hynde, dont le rôle est ici souligné et magnifié, notamment grâce au jeu tout en douceur de Sydney Chandler. Un casting parfait au service d’une histoire plus complexe qu’elle n’en à l’air. Car Danny Boyle ne se contente pas de raconter les Pistols. Il raconte l’Angleterre des Pistols. Celle qui a engendré le punk, quelques années après la naissance du genre aux États-Unis. L’un des coups de génie résidant dans le fait qu’il n’hésite jamais à exposer la face lumineuse et plus censée de ses héros cramés. Loin de se limiter à l’image publique des musiciens, Pistol va chercher plus loin, se glisse en coulisse et observe à travers la lumière les fêlures de chacun pour mieux expliquer leur rage, leur haine et cette soif inextinguible de reconnaissance. C’est d’ailleurs aussi le cas pour Malcolm McLaren, cet homme dont le nom est resté dans l’histoire pour avoir créé puis détruit l’un des combos les plus importants de la musique amplifiée.

Aussi soignée sur le fond que sur la forme, Pistol impressionne par sa pertinence et ses nuances. Si la montée en puissance est au début un peu longue, elle finit par se montrer inexorable. Au point de devenir bien plus qu’un simple biopic hagiographique. Pistol raconte l’une des pages les plus déterminantes du punk et le fait en y mettant la hargne, l’audace et l’énergie nécessaires.

En Bref :

Superbe fresque punk, Pistol s’avère aussi visuellement enthousiasmante que narrativement audacieuse et surprenante. Un biopic en 6 épisodes profond et percutant, porté par un casting remarquable et parfaitement rythmé. Danny Boyle retrouvant ici la verve de ses débuts.

@ Gilles Rolland

Pistol-band
Crédits photos : FX/Walt Disney Pictures
Par Gilles Rolland le 22 juillet 2022

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