[Critique série] VICE PRINCIPALS – Saison 1
Titre original : Vice Principals
Rating:
Origine : États-Unis
Créateurs : Danny McBride, Jody Hill
Réalisateurs : Jody Hill, Danny McBride.
Distribution : Danny McBride, Walton Goggins, Kimberly Hebert Gregory, Georgia King, Busy Philipps, Shea Whigham, Susan Park, Bill Murray…
Genre : Comédie
Diffusion en France : OCS
Nombre d’épisodes : 9
Le Pitch :
Forcé de prendre sa retraite plus tôt que prévu, le principal Welles laisse son siège vacant au lycée de North Jackson. Une place convoitée par Neal Gamby et Lee Russell, les deux adjoints de l’établissement. Mais l’inspection académique en décide autrement et recrute le Dr Belinda Brown pour le poste. Une femme que les deux hommes prennent immédiatement en grippe, jurant sa perte, afin d’espérer obtenir la promotion tant attendue. L’occasion pour Neal et Lee de mettre leurs rancœurs de côté et de faire équipe…
La Critique :
Au fil des années depuis ses débuts, Danny McBride est parvenu à s’imposer comme l’un des plus solides acteurs de comédie de la scène américaine. Au cinéma, avec un nombre impressionnant de longs-métrages, mais aussi à la télévision où la série qu’il a développée et dans laquelle il joue, Eastbound and Down, a grandement participé à son succès et à sa popularité. Un show que McBride a créé avec Jody Hill, qu’il retrouve ici, à l’occasion de sa nouvelle série, Vice Principals.
L’opportunité pour l’acteur et son comparse de pénétrer les coulisses du système éducatif américain mais aussi surtout de nous offrir une comédie à la fois extrêmement drôle, mais également vraiment surprenante…
Le premier épisode de Vice Principals se distingue notamment par la présence au générique du grand Bill Murray. On comprend vite que ce dernier ne va pas s’attarder, mais son implication attire l’attention. La suite devant reposer en grande partie sur les épaules des deux stars du show, à savoir Danny McBride et Walton Goggins, un acteur fraîchement revenu des Huit Salopards, la brutale balade burinée dans la neige de Quentin Tarantino et de Sons of Anarchy, mais aussi connu pour son rôle de bad guy dans la série Justify (entre autres faits de gloire).
Dans la forme, Vice Principals prend le temps de se démarquer et parvient sans problème à imposer un patte pour le moins atypique, sans avoir l’impression de forcer le trait ni quoi que ce soit d’autre. On a vraiment la sensation que la série prend son temps. En premier lieu à fond dans un registre purement comique, elle évoque les comédies dans lesquelles a pu jouer McBride et vient se positionner dans le sillage d’une école de cinéma identifiable. La présence seule de l’acteur suffisant à lui conférer une identité relativement confortable pour le spectateur, qui ne sera pas dépaysé. Pourtant, à mesure que l’histoire avance, la série change. Doucement. La musique tout d’abord, délicieusement rétro, convoque des nappes de synthétiseur très 80’s. Joseph Stevens, qui était déjà en poste sur Eastbound and Down, livre de superbes partitions, parfois en total décalage, dont l’un des nombreux bénéfices est de relayer une certaine mélancolie, tout en instaurant un climat à n’en pas douter original, qui laisse présager assez vite que Vice Principals ne sera pas juste une énième blague potache mais bel et bien quelque chose de plus complexe.
Et en effet, la série opère sa mutation. On pensait connaître les personnages, deux gros égoïstes jaloux et à priori pas super attachants, mais on les voit progresser. Le scénario s’attache à les rendre plus ambigus, sans pour autant en faire des anges. Neal Gamby, le personnage de McBride, n’est pas qu’un maniaque de l’autorité un peu à la ramasse. Ce n’est pas plus l’éternel looser qui se présente à nous. C’est un type compliqué. Comme tout un chacun. Il aime sa fille, tente de recoller les morceaux d’une vie qui est partie en vrille, a de l’ambition, mais est aussi parfaitement maladroit. On peut bien sûr le détester mais Danny McBride fait tout pour que ce ne soit pas le cas. Il ne veut pas nous le faire aimer non plus mais cherche justement, et y parvient, à imposer un homme, avec tout ce que cela sous-entend. Même chose avec Lee Russell, le personnage de Walton Goggins. Avec lui, le négatif prend peut-être même un peu plus le dessus, tant il baigne dans une ambiance propice aux coups bas. C’est le bordel chez lui et au lycée où il bosse, personne ne le reconnaît à sa juste valeur. Outre sa fonction d’agent déclencheur, qui va pousser Neal Gamby a aller plus loin quand celui-ci à atteint ses limites, il permet aussi à la série de traiter de l’amitié et de l’entraide sur un plan délicieusement vicié (les deux adjoints deviennent amis car ils partagent une haine pour leur patronne qu’ils veulent voir tomber) tout en parvenant, et c’est très fort, à être émouvant à plusieurs moments.
Il faut bien comprendre que Vice Principals n’est pas une série comme les autres. On pense aux films de Judd Apatow, à des choses comme Supergrave et à des œuvres plus atypiques comme Napoleon Dynamique, mais au fond, on n’y est pas tout à fait. Cette série est une pure comédie qui sait être redoutablement drôle, acerbe, méchante et respectueuse des codes, mais elle sait aussi dévoiler, de manière exponentielle, des ambitions auxquelles elle donne corps avec un formidable aplomb.
À l’instar d’Eatbound and Down, Vice Principals ressemble à Danny McBride. Elle est sans filtre mais ne cache pas sa tendresse. Elle n’a pas peur de jouer sur plusieurs tableaux, d’être là où on l’attend, avec de bons vieux gags aussi prévisibles que drôles, et d’échapper l’instant d’après aux prévisions, comme avec ce final stupéfiant, qui amène plein de questions quant à la suite des événements. Inscrite dans un revival 80’s dominé cette année par Stranger Things, la série de Hill et McBride est en revanche plus discrète dans sa démarche vintage. On pourra d’ailleurs préférer cette approche. Quand elle nous sert les clichés des buddy movies, avec ses deux héros pas foutus de s’entendre mais bien obligés de le faire, elle le fait à sa sauce. Son génie consistant à coller des morceaux assez différents pour nous présenter quelque chose qui a franchement de la gueule.
Et toujours, on le répète, sans forcer le passage. Vice Principals gagne ses galons sur la longueur. Elle accroche de suite, mais ne captive qu’au bout de 3 ou 4 épisodes. De comédie sympa et légère, elle passe au niveau supérieur sans crier gare.
Dirigée de main de maître par Jody Hill (Danny McBride en également emballé un épisode), la série est aussi génialement incarnée par une troupe d’acteurs hétéroclites. Danny McBride bien sûr, est parfait. Il parvient à se montrer détestable, puis dévoile ses failles et se montre tendre, amusant et touchant. Ce mec est un génie. Avec une économie de moyens rares, au détour de mimiques discrètes et d’une gestuelle qu’il a su développer pour la hisser à un rang auquel peu de ses contemporains peuvent prétendre, il campe un personnage parfait. Walton Goggins, légèrement en retrait par rapport à McBride, est néanmoins bien présent. Détestable lui aussi, il sait justifier l’attitude de son personnage sans pour autant cherche à l’excuser. Acteur polymorphe hyper frondeur, Goggins offre à sa brillante et riche carrière un nouveau rôle de poids. Sans oublier l’excellente Kimberly Hebert Gregory, une véritable tornade qui crève l’écran, ou encore Georgia King, le love interest, mais pas seulement… Des comédiens en pleine possession de leurs moyens, magnifiquement servis par une partition aux petits oignons, pensée comme un long film, et qui jamais ne s’embourbe, pour sans cesse rebondir.
En Bref…
Vice Principals est une franche réussite. Un nouveau coup de maître pour HBO qui a su laisser la liberté nécessaire à Danny McBride et à Jody Hill pour leur permettre de nous offrir cet espèce de génial hybride, à l’humour aussi furieux que corrosif, qui sait de plus aller chercher, via de petits détails cruciaux, au-delà des rires, pour devenir quelque chose d’autre. Ne cherchez plus, Vice Principals est l’une des meilleures séries comiques du catalogue HBO.
@ Gilles Rolland