[Critique série] WAYWARD PINES – Saison 1

SÉRIES | 13 septembre 2015 | Aucun commentaire

Titre original : Wayward Pines

Rating: ★★★☆☆
Origine : États-Unis
Créateur : Chad Hodge
Réalisateurs : M. Night Shyamalan, Charlotte Sieling, Zal Batmanglij, James Foley, Jeff T. Thomas, Steve Shill, Tim Hunter, Nimród Antal.
Distribution : Matt Dillon, Carla Gugino, Toby Jones, Melissa Leo, Shannyn Sossamon, Reed Diamond, Charlie Tahan, Juliette Lewis, Terrence Howard, Hope Davis, Justin Kirk…
Genre : Thriller/Science-Fiction/Adaptation
Diffusion en France : Canal +
Nombre d’épisodes : 10

Le Pitch :
Alors qu’il enquête sur la disparition de deux de ses collègues, l’agent spécial Ethan Burke est victime d’un accident de voiture, non loin de Wayward Pines, une petite ville de l’Idaho. Après s’être réveillé à l’hôpital, il ne tarde pas à se rendre compte que cette bourgade n’est pas aussi ordinaire que ce que les apparences peuvent suggérer. Éprouvant de grandes difficultés pour joindre sa famille ou ses supérieurs, Ethan s’inquiète également du comportement plutôt étrange des habitants…

La Critique :
Peut-être inspiré par le départ de bon nombre de ses contemporains, qui ont bien compris que la télévision était désormais devenue une sorte d’Eldorado encourageant la création, et donc une alternative au cinéma et à la main mise des gros studios, M. Night Shyamalan a décidé de sauter le pas et de produire Wayward Pines. Adaptation d’un roman signé Blake Crouch, et portée par la toute-puissante Fox, la série s’annonce vite comme un mastodonte, pouvant compter sur la plus-value que représente la présence dans l’équipe de M.Night Shyamalan, le fameux réalisateur du Sixième Sens, d’Incassable et de Signes. Un metteur en scène en quête d’un nouveau tremplin, pouvant lui permettre de rebondir après les échecs critiques et publics successifs de Phénomènes, Le Dernier Maître de l’Air et After Earth, au cinéma. Crédité à la production, Shyamalan inaugure aussi le bal en mettant en boite le premier épisode de la première saison, suivi par différents réalisateurs, dont James Foley (Comme un Chien Enragé, Fear…), ou encore Nimród Antal (Motel, Predators, Through the Never…)…

wayward-pines-Matt-Dillon-Carla-Gugino

Sans surprise, l’épisode pilote de Wayward Pines est le meilleur du lot. Parfaite entrée en matière, il introduit de manière remarquable un univers intriguant et immersif, évoquant à la fois les meilleures heures du Prisonnier, de Lost et de Twin Peaks. Deux références limpides, à la fois prestigieuses et complexes à gérer en cela qu’elles sont omniprésentes et exercent donc leur influence sur l’intégralité du show, malgré la volonté de ce dernier de s’en détacher au fil des épisodes. Portant en son sein quelques thématiques chères à Shyamalan (on pense notamment beaucoup au Village, pour le caractère claustrophobique de l’intrigue), la série peut aussi compter sur le talent du cinéaste, qui, avec son travail sur le premier épisode, pose les bases de l’identité graphique de l’ensemble. Un cahier des charges à respecter pour les metteurs en scène suivants, assurant au spectacle une unité relativement bien respectée tout du long.
Outre son entrée en matière remarquable sur bien des points, Wayward Pines possède une autre force véritablement appréciable. Désireuse de ne pas totalement jouer la même carte de Lost, à savoir poser de nombreuses questions en prenant son temps pour y répondre, et risquer de perdre le spectateur en cours de route, la série avance en permanence. Menée tambour battant, elle fait montre, surtout dans le premier quart de la saison, d’un beau caractère frondeur et ne laisse jamais trop d’interrogations en suspens. Ainsi, on pige par exemple vite pourquoi le héros incarné par Matt Dillon est coincé dans cette ville. Malheureusement, cette stratégie est à double-tranchant. Surtout quand interviennent de nombreux retournements de situation (les fameux twists chers à Shyamalan), dont certains sont carrément loin de convaincre…
On comprend que dans un soucis de surprendre, le showrunner Chad Hodge a voulu multiplier les coups de théâtre, mais, à l’instar de ces films qui semblent ne pas trop savoir où ils vont se terminer, l’intrigue du show bifurque parfois un peu trop pour conserver la force évocatrice de son introduction.

Wayward_Pines_Juliette-Lewis

Fatalement, petit à petit, Wayward Pines se perd un peu. Elle dilue sa puissance et la pertinence de son suspense. Les réactions de certains personnages sont étranges (pas dans le bon sens), et d’un épisode à l’autre, rien n’indique que les révélations attendues vont permettre au récit de se remettre sur le droit chemin. Elle jette vite toutes ses forces dans la bataille et se retrouve tout aussi rapidement démunie, devant forcément continuer dans une direction qui n’est pas si convaincante qu’espérée. Et c’est n’est pas le regain de mi-saison qui change vraiment cet état de fait. Lentement mais sûrement, Wayward Pines se range du côté de ces séries trop sages, trop convenues et un peu trop opportunistes, et donc bien loin des productions audacieuses et jusqu’au-boutiste des networks peut-être plus indépendants, comme Netflix, Cinemax ou bien sûr HBO.
La concurrence est sacrément rude aujourd’hui et Wayward Pines n’a pas les épaules assez larges pour supporter le poids des comparaisons, avec d’autres séries plus valeureuses. Avec son caractère un peu désuet, qui aurait pu, entre d’autres mains et dans d’autres circonstances, être un avantage, elle se perd et se condamne à entrer dans le rang, tout en perdant son originalité première.
Heureusement, le casting assure. Une distribution massive, constituée de grands noms de cinéma, grandement responsable de côté prestigieux du show. Que l’on parle de Matt Dillon, impeccable dans un rôle taillé sur-mesure, de Carla Gugino, toujours parfaite, de Melissa Leo, flippante et mystérieuse, de Toby Lones, ambigu à souhait, ou encore de la trop rare Shannyn Sossamon (découverte dans Chevalier et dans Les Lois de l’Attraction), Wayward Pines peut compter sur les performances solides de comédiens investis, mais malheureusement impuissants à redresser la barre, quand l’intrigue emprunte une voie de garage qu’elle ne quittera plus jusqu’à la conclusion de cette première saison.

Basé sur un concept hyper accrocheur, lancée par un réalisateur talentueux en pleine reconquête de son public et tirée vers le haut par des acteurs de premier plan, Wayward Pines avait tout pour s’imposer comme l’héritière directe des grandes fictions fantastiques et légèrement paranoïaques de la télévision, Le Prisonnier et La Quatrième Dimension en tête. Sans totalement sombrer dans la médiocrité et s’en tenant même assez éloignée, même si on compte trop d’épisodes vraiment faiblards à tout point de vue, la série flanche en court de route et se range plutôt du côté des belles tentatives un peu sabordées, comme Under The Dome, pour ne citer que la plus récente.
Nous avons appris qu’il n’y aurait pas de saison 2, faute d’audience suffisante. La promotion, un peu inexistante, est montrée du doigt et si il est certain que le show est passé inaperçu aux États-Unis, il faut aussi souligner l’aspect un peu trop fragile d’une intrigue qui n’aurait probablement fait que se déliter un peu plus dans son second acte. L’ultime épisode de cette première (et seule) salve va d’ailleurs dans ce sens et rend compréhensible la décision de la chaîne d’arrêter les frais. Reste une série avec un début et une fin ouverte, parfois flamboyante, étrange, voire effrayante, plombée par des clichées et des défauts chroniques certes handicapants, mais pas suffisamment pour entamer le plaisir certain de se plonger aux côtés de Matt Dillon dans les méandres de cette ville pas comme les autres. Tout en sachant que si la télévision nous a offert largement pire, elle nous a aussi proposé beaucoup mieux…

@ Gilles Rolland

Wayward-Pines-promoCrédits photos : Fox/Canal +

 

Par Gilles Rolland le 13 septembre 2015

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