[Critique] DARK CRYSTAL
Titre original : The Dark Crystal
Rating:
Origine : Royaume-Uni
Réalisateur : Jim Henson, Frank Oz
Distribution : Frank Oz, Jim Henson, Kathryn Mullen, Brian Muehl…
Genre : Heroïc-Fantasy/Aventure/Fantastique
Date de sortie : 23 mars 1983
Le Pitch :
Dans le monde de Trha ravagé par le chaos et dominé par les horribles Skekses, Jen, le dernier représentant de la race des Gelfings, doit accomplir une ancienne prophétie en trouvant le fragment perdu du Grand Cristal et ainsi permettre à la paix de revenir…
La Critique :
En 1982, Jim Henson et Frank Oz sont les rois du monde. Bien que leur cultissime Muppet Show ait tiré le rideau l’année précédente, ils ont durablement marqué la pop culture avec leur créatures pelucheuses. De plus, leur travail est présent dans d’autres grandes œuvres de l’époque, Oz étant l’animateur et le doubleur de la marionnette de Yoda dans la trilogie originelle de La Guerre des Étoiles. Quant à Jim Henson, son Creature Shop a créé des effets-spéciaux pour de nombreux films (avant ou après Dark Crystal, avec notamment Docteur Doolittle, Babe (pour lequel il remporta l’Oscar), Farscape et d’autres). Autant dire qu’ils sont au cœur d’une véritable révolution en terme d’effets-visuels entre approche traditionnelle et modernité éclairée. C’est alors qu’ils décident de passer à la vitesse supérieure et de proposer LEUR long métrage, de devenir des créateurs de premier plan mais à leur façon : à grands coups de marionnettes, de décors peints et autre joyeusetés de SFX geeks. Ils choisissent un cadre de fantasy et créent tout un monde imaginaire comme support à leur intrigue.
Cette dernière est assez simple : on suit le jeune Jen, élevé par les sages Mystics après la destruction de son espèce par les Skekses qui ont pris le contrôle des restes Cristal qui concentrent l’énergie vitale du monde. Ce dernier ayant été brisé par une race disparue qui a voulu jouer avec le feu. Jen doit donc partir en quête du fragment perdu pour mettre fin au règne tyrannique des Skekses avant que les trois soleils ne s’alignent. Une épopée initiatique somme toute assez classique, avec son lot d’embûches et de personnages étranges, mais qui se montre fort plaisante à suivre quel que soit votre âge et on peut y voir une métaphore écologique. Le souffle est bien présent, grâce à un score splendide de Trevor Jones qui nous montre comment les années 80 ont pu apporter un renouveau à la musique de film.
Niveau visuel, nous sommes face à une véritable merveille. L’ensemble des personnages est constitué de marionnettes, sauf sur quelques plans larges où des acteurs ont endossé des costumes. Techniquement, le film est donc une tuerie qui démontre avec éclat toute la mesure du talent des animateurs impliqués. L’esthétique si particulière, tout en contrastes et en ombres maîtrisées, est le fait de Brian Froud, un artiste anglais spécialiste des univers féeriques. On se trouve face à une profusion de détails que l’on ne s’attend pas à voir dans un film de marionnettes (animations des yeux, effets de respiration…mais ils ont combien de mains au juste ?) et les décors ne sont pas en reste entre fonds peints tout à fait convaincants et petites constructions en carton patte des plus crédibles (mention spéciale au cabinet d’Augrha). Toute cette maîtrise artistique n’est pas là pour nous montrer que l’on a affaire à des maîtres dans leurs domaines respectifs, mais se met au service de l’univers du métrage, créant une poésie singulière. Car si ils sont réellement aux commandes de leur bébé, Henson et Oz restent dans l’ombre de leur théâtre merveilleux, nous laissant apprécier toute l’ampleur de leur vision. Car les films de marionnettes sont extrêmement rares, mais ceux de ce genre sont uniques. À aucun moment on ne doute ou on ne se pose de questions, on s’attache aux personnages qui nous paraissent tout à fait réels et vivants, tout fonctionne à merveille, comme une mécanique parfaitement huilée et, hormis deux trois effets d’incrustation qui accusent le poids des ans, le tout a merveilleusement bien vieilli.
À l’heure où la CGI a envahi le monde des effets-spéciaux, il fait bon de revoir ces œuvres qui nous rappellent que le cinéma est affaire d’illusion et que celle-ci peut parfois se passer de haute technologie pour toucher les émotions des spectateurs.
@ Sacha Lopez