[Critique] FIGHTER
Titre original : Fighter
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : David O. Russell
Distribution : Mark Wahlberg, Christian Bale, Melissa Leo, Amy Adams, Jack McGee, Peter Cunningham, Erica McDermott…
Genre : Drame/Biopic/Histoire vraie/Adaptation
Date de sortie : 9 mars 2011
Le Pitch :
Micky Ward tente tant bien que mal de percer comme boxer professionnel. Entrainé par son frère, Dicky, ancienne gloire locale des rings tombée dans la drogue, Micky est aussi managé par sa mère, femme à l’influence écrasante. Sa rencontre avec Charlene une serveuse, va néanmoins pousser Micky à se focaliser sur ses ambitions et ainsi s’émanciper du cocon familial. Histoire vraie…
La Critique :
Il s’agit ici avant tout de persévérance. La persévérance d’un acteur, Mark Wahlberg, qui durant plusieurs années crut en ce projet malgré les nombreux obstacles (départ de Darren Aronofsky initialement prévu à la réalisation, puis de Brad Pitt finalement remplacé par Christian Bale…). Forcement, un tel dévouement ne pouvait que transpirer à l’écran et conférer à l’interprétation de Wahlberg une intensité dramatique des plus sincères. Le parallèle avec son personnage, Micky Ward est donc flagrant. Les deux hommes ont continué à avancer envers et contre tous. Wahlberg, en nageant à contre courant, ignorant les attaques des requins de studios, et Ward en continuant à poursuivre un rêve malgré les nombreuses difficultés et les préjugés.
On a pu ainsi lire dans la presse, que l’acteur américain livrait ici une performance en retenue, assez fade car étouffée par les numéros hallucinants de Christian Bale et Melissa Leo, tous deux oscarisés (meilleur second rôle masculin et féminin). Il est indéniable que Fighter doit beaucoup à ces deux acteurs : Bale fait ici encore une fois preuve d’un dévouement incroyable, affichant une maigreur inquiétante pour mieux donner corps à son personnage de grand frère accro au crack et nostalgique d’une époque qu’il revisite sans cesse au point d’en déformer la réalité. Melissa Leo, de son côté, interprète avec conviction une mère outrancière et manipulatrice, pivot d’une famille recomposée sur laquelle elle règne telle une patronne dévorante et dévorée par un amour inconsidéré et aveuglé pour ses enfants.
Mais Wahlberg, effectivement pris entre les feux de ses partenaires, se nourrit de ces derniers, incarnant à la perfection un personnage discret et effacé, pris au piège d’une situation qu’il ne contrôle plus et désireux de s’en sortir. Sa performance à l’écran prouve à quel point l’acteur est impressionnant. En cela, le dernier plan de Fighter résume tout et raconte bien des choses sur l’acteur et son interprétation (en un seul regard). En peu de mots, Wahlberg incarne l’esprit du film, contient une émotion non feinte et rejoint les plus grands. À son bras, Amy Adams est aussi l’une des grandes révélations du film de David O. Russell. Dans la peau d’une serveuse un peu paumée, l’actrice fait des merveilles et tient la barre d’une problématique familiale complexe et superbement rendue en faisant office de garde-fou psychologique pour le personnage principal.
Vous l’aurez compris, Fighter est un grand film. Un long-métrage coup de poing qui ne se limite pas à une succession des combats, mais qui illustre la vie comme une lutte. Une lutte montrée ici avec un réalisme confondant, loin des clichés, et dont les héros ne sont finalement que des gens ordinaires qui essayent de s’en sortir.
David O. Russell va à la l’essentiel et assène une suite de directs redoutables aussi bien sur le ring qu’en dehors. En cela, Fighter rejoint Rocky au panthéon des films sur la boxe (qui est décidément un sport très cinématographique). Tout deux ont bien compris que pour donner du corps à des combats, l’essentiel se situait justement hors du ring.
Si tout cela ne suffisait pas, O. Russell ponctue son long-métrage d’une série de morceaux tout à fait appropriés, entre Led Zeppelin et les Rolling Stones, et se rapproche, à travers une mise en scène racée et une utilisation de la musique pertinente, d’un certain Scorsese (la suite de sa carrière soulignera la filiation).
En février 2011, l’Académie des Oscar a choisi de remettre le prix du meilleur film au Discours d’un Roi. Une récompense largement méritée, mais qui aurait pu tout aussi bien revenir à Fighter. Tout compte fait, True Grit, 127 heures et Black Swan auraient aussi pu se voir attribuer le trophée. Il faut dire que rarement, de mémoire de cinéphiles, les films en lice pour les Oscar n’ont été aussi bons qu’en 2011.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport