[Critique] INTUITIONS

STARVIDEOCLUB | 16 juin 2012 | Aucun commentaire

Titre original : The Gift

Rating: ★★★½☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Sam Raimi
Distribution : Cate Blanchett, Giovanni Ribisi, Keanu Reeves, Greg Kinnear, Hilary Swank, Katie Holmes, Michael Jeter, Kim Dickens, Gary Cole, J.K. Simmons, Rosemary Harris, Chelcie Ross, John Beasley, Lynnsee Provence, Nathan Lewis…
Genre : Thriller/Fantastique/Épouvante
Date de sortie : 18 avril 2001

Le Pitch :
Dans la petite ville de Brixton, en Georgie, Annie Wilson lit l’avenir dans les cartes. Depuis la mort accidentelle de son mari, elle subsiste difficilement, tentant d’élever le plus correctement possiblement ses trois enfants. Transpercée de visions prophétiques, Annie est considérée par les uns comme une sorte de psychologue extralucide, et par les autres comme une sorcière. Pourtant, lorsque la fille d’un homme influent disparaît mystérieusement, la police, démunie, se tourne vers elle…

La Critique :
Dans la filmographie de Sam Raimi, Intuitions se rapproche d’Un Plan Simple. Les deux films auraient pu, si il avaient été réalisés par d’autres, devenir de simples thrillers on ne peut plus basiques, sans trop de relief ni surprises. Mais il s’agit de Sam Raimi et Sam Raimi ne réalise pas de simple thrillers on ne peut plus basiques. D’une manière ou d’une autre il se démarque toujours. C’est valable pour Un Plan Simple et pour Intuitions

Intuitions donc, avec son pitch bateau, inscrit dans la grande tradition mainstream du thriller fantastique américain, qui voit une voyante aider la police dans un affaire de disparition. On pense à Dead Zone qui, dans le genre est un monument, mais là encore, le film arrive à s’échapper du moule pour tisser un canevas de sentiments et d’ambiances plus complexes qu’il n’y paraît et surtout redoutablement immersives. Réalisé juste après la comédie romantico-sportive avec Kevin Costner, Pour l’amour du jeu, Intuitions précède le premier volet de Spider-Man qui introduira le cinéaste dans la cour des grands chefs d’orchestre bankables.

Et Intuitions est un projet finalement ambitieux. Bâti sur un scénario (co-signé par l’acteur Billy Bob Thornton) classique certes, mais pour le moins solide, reposant sur des personnages travaillés et profonds, ce film jouit premièrement d’une vraie atmosphère. La bayou, qui entoure les existences arides des protagonistes de l’histoire, est un personnage à part entière. Il enfouit les secrets et sert de théâtre aux manigances et autres affrontements. Il habite le script et influe d’une manière ou d’une autre sur les comportements, souvent extrêmes. Lieu de croyances, la Georgie est aussi caractérisée par son histoire, qui ici, est évoquée en toile de fond, toujours très discrètement. Le racisme par exemple transparait dans les paroles du personnage joué par Keanu Reeves, tout comme les accusations qui pèsent sur Annie Wilson (Cate Blanchett), considérée par de nombreux citoyens comme une sorcière, sont symptomatiques des mentalités étriquées. Des mentalités qui alimentent sans cesse un climat psychologique étouffant qui lui aussi trouve un écho dans le taux d’humidité. Le scénario d’Intuitions nage en plein marasme. Humain et climatique. Une telle histoire n’aurait pas eu autant d’impact et d’authenticité en Californie (par exemple), sous le soleil ou en plein centre-ville, dans un lieu plus aseptisé.

Intuitions transcende son sujet, c’est certain. Pas au point de faire du long-métrage un chef-d’œuvre, mais suffisamment pour le rendre intéressant sur la longueur et l’isoler de la masse. La réussite est également imputable aux acteurs, tous judicieusement choisis et parfaitement à l’aise dans leurs rôles. Une distribution très classieuse, dominée par une Cate Blanchett troublante de sensibilité et de vulnérabilité. Keanu Reeves est terrifiant et pour le moins intense, Giovanni Ribisi est parfait dans la peau d’un personnage qui semble avoir été taillé sur mesure (la scène où il affronte Keanu Reeves est impressionnante d’intensité), Katie Holmes est libidineuse et sexy au possible et Greg Kinnear, comme toujours, impeccable. J.K. Simmons et Hilary Swank finissent de rendre le tout cohérent. Des comédiens concernés qui arrivent à retranscrire les intentions de départ d’un projet casse-gueule car sillonnant entre des clichés tenaces.

La tension est palpable, l’inquiétude d’Annie Wilson, le personnage clé aussi, tandis que les séquences plus horrifiques sonnent justes, provoquant leur lot de frissons sincères. En cela Raimi surprend par une pudeur tout à fait raccord. Point de grand-guignol mais plutôt une approche poétique dans le macabre. L’émotion qui s’en dégage, entre mélancolie et désespoir, touche au but plus d’une fois. Notamment lors du final qui, le temps d’une étreinte maternelle, arriverait presque à arracher quelques larmes.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Paramount Pictures

Par Gilles Rolland le 16 juin 2012

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