[Critique] L’ANTRE DE LA FOLIE

STARVIDEOCLUB | 21 mars 2012 | Aucun commentaire

Titre original : In the Mouth of Madness

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Réalisateur : John Carpenter
Distribution : Sam Neill, Jürgen Prochnow, David Warner, Julie Carmen, Charlton Heston, John Glover, Frances Bay, Wilhelm von Homburg, Peter Jason…
Genre : Épouvante/Horreur
Date de sortie : 8 février 1995

Le Pitch :
John Trent, un détective pugnace, se lance sur les traces de Sutter Cane, un auteur à succès de romans horrifiques, pour le compte d’une maison d’édition. Septique farouche, Trent va pourtant très vite tomber dans une spirale où la réalité ne cesse d’être distordue…

La Critique :
Troisième volet de la Trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, L’Antre de la folie fait suite à The Thing et au Prince des ténèbres et est largement reconnu -à juste titre- comme étant l’un des meilleurs films de son réalisateur.
Plongée cauchemardesque dans un univers où la folie est en passe de devenir une norme, le long-métrage s’articule autour de la création d’un écrivain qu’il est facile de rapprocher de Stephen King. Un rapprochement visible également dans l’environnement et plus particulièrement au travers de la petite ville de Hobb’s End, où les démons et les monstres attendent leur heure pour déferler dans le monde. King a en effet plusieurs fois basé ses intrigues dans de petites bourgades. Des villages comme Castle Rock qui trouvent en Hobb’s End une résonnante flagrante, car ils s’avèrent dans les deux cas être les réceptacles d’une révolution horrifiques naissante.
Pourtant, si la comparaison avec des livres comme Insomnie ou encore Brume (The Mist adapté au cinéma)est envisageable (car après tout, la distorsion d’une réalité reconnue par le plus grand nombre est au centre de presque toutes ses œuvres) sur des points précis, c’est chez Lovecraft qu’il faut aller chercher la moelle véritable qui habite le chef-d’œuvre de John Carpenter.

Les créatures venues des enfers ou d’univers parallèles, issues de récits obscurs, qui avalent le monde, les personnages piégés par eux mêmes et/ou par les évènements… les points communs avec Lovecraft sont nombreux et les fans de l’écrivain reconnaitront chez Carpenter cette volonté de livrer un vibrant hommage au monument américain de la littérature fantastique.
Une volonté qui se traduit au travers d’un film remarquable et puissamment immersif. Le spectateur est progressivement happé par l’histoire, à l’instar de John Trent, le héros. C’est au travers de ces yeux que se déroule le fil des évènements tandis que le pièges se referment inexorablement, instaurant une nouvelle réalité.

L’Antre de la folie s’apparente alors à un cauchemar éveillé. Comme dans les rêves, les codes sont chamboulés et les choses sont en perpétuel changement. La mise en abîme est ici redoutable car elle absorbe l’attention et par cela démultiplie les sensations. Plus qu’un simple film d’horreur, L’Antre de la folie dessine une fin du monde apocalyptique où les fantasmes d’un homme prennent possession de la planète. Comme chez Lovecraft, aucune issue n’est évoquée et la fuite n’est pas envisageable. À l’image de cette scène angoissante où le héros cherche à sortir de la ville maudite mais revient toujours à son point de départ. Lui-même refuse d’y croire, se raccrochant à une idée rationnelle de l’existence telle qu’il l’a toujours connue. C’est irrémédiable et c’est précisément cette idée de fatalité qui donne au film tout son caractère.
L’Antre de la folie n’obéit pas aux codes en vigueur de l’époque ni à ceux d’aujourd’hui. Une des raisons qui en font une œuvre intemporelle qui se regarde encore et encore avec un plaisir intact. Une pure série B rock and roll, badass à souhait, jubilatoire et virtuose !

Dans le rôle principal, Sam Neill est parfait. Acteur discret, vu notamment dans Calme Blanc ou dans Jurassic Park, ce dernier incarne un homme incrédule et rationnel. Une version blasée de Scully de X-Files, qui peu à peu cèderait aux pulsions inhérentes à une folie de plus en plus pesante. C’est aussi grâce à lui que le film fonctionne si bien. Ses réactions face aux évènements sont réalistes car toujours révélatrices d’une certaine prise de distance. Ironique et cynique, John Trent, son personnage, est le garant d’une normalité en voie d’extinction. Le reste de la distribution étant tout aussi remarquable. Ajoutez au cauchemar des effets-spéciaux inventifs et référentiels (Lovecraft toujours mais pas que), une bande-son excellente, tout à fait dans la veine des autres réalisations de Big John et vous obtiendrez un long-métrage référence.

John Carpenter se surpasse et tisse une réflexion sur le processus de création. Il met ses tripes sur la table, autopsie lui-même les rouages d’un genre auquel il a largement contribué à offrir ses lettres de noblesse et analyse l’attirance du public pour les histoires à sensations (et pour les choses malsaines en général). Sa mise en scène est bien entendu tout aussi fantastique. Se refusant à tout sensationnalisme, Carpenter place son film dans la lignée des meilleurs épisodes de la Quatrième Dimension, fait preuve d’une fougue salvatrice et fait parler la poudre. L’œuvre d’un véritable franc-tireur en somme. C’est impressionnant, y-compris de la part d’un grand comme lui !

@ Gilles Rolland

Crédits photo : Metropolitan

Par Gilles Rolland le 21 mars 2012

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