[Critique] LE TERMINAL
Titre original : The Terminal
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Steven Spielberg
Distribution : Tom Hanks, Catherine Zeta-Jones, Stanley Tucci, Chi McBride, Diego Luna, Zoe Saldana, Barry Shabaka Henley, Kumar Pallana…
Genre : Comédie/Drame/Adaptation
Date de sortie : 15 septembre 2004
Le Pitch :
Viktor Navorski débarque à l’aéroport JFK à New York. Alors qu’il se présente au poste de l’immigration, afin d’obtenir son visa de touriste, des hommes viennent le chercher pour l’emmener dans un bureau où on tente de lui expliquer, malgré la barrière de la langue, qu’un coup d’état vient de frapper le petit pays d’Europe Centrale d’où il vient. Un événement qui prive Viktor de sa nationalité, mais aussi de son droit de pénétrer sur le territoire américain. Bloqué dans le terminal de ce gigantesque aéroport, il va prendre son mal en patience, sans se douter que son cas, très complexe, ne va pas se régler du jour au lendemain…
La Critique :
Si Le Terminal s’inspire bel et bien d’une histoire vraie, en l’occurrence celle d’un réfugié iranien « bloqué » à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle pendant 8 ans, il ne s’impose pas non plus comme une adaptation des plus fidèles. Les raisons qui font du personnage campé par Tom Hanks un apatride ne sont d’ailleurs pas les mêmes. Les trois scénaristes (Sacha Gervasi, Andrew Niccol et Jeff Nathanson) ayant parfaitement su exploiter cet incroyable « fait divers » pour le transformer en quelque chose qui ne pouvait pas être mieux illustré que par le grand Steven Spielberg, tant le récit embrasse une somme de thématiques chères au réalisateur. Spielberg, mais pas seulement tant, à la vue du film, une chose primordiale saute au yeux : sans Tom Hanks, Le Terminal n’aurait pas été le même.
Tom Hanks qui à nouveau, après Seul au Monde, campe un naufragé. On pourrait carrément rapprocher son personnage de celui de Forrest Gump (notamment par rapport à leur candeur, qui en font de formidables vecteurs d’émotions brutes), mais c’est bel et bien au nouveau Robinson Crusoé qu’il a si brillamment incarné, que Viktor ressemble le plus. D’un côté, il y a donc un homme seul sur une île déserte, avec des ressources limitées, et de l’autre un pauvre type abandonné dans un lieu où il ne connaît personne et où personne ne semble parler sa langue. Privé du moyen de communication principal, il n’a pas d’autre choix que d’avoir recours à la malice qui le caractérise. Malice qui va avoir pour principal effet secondaire de le rapprocher de plusieurs personnages établis à divers postes de l’aéroport. Le terminal de JFK est l’île de Viktor. La porte qui mène aux États-Unis, qu’il ne doit surtout pas franchir, est son océan. Qui d’autre que Tom Hanks aurait pu d’emblée trouver la bonne tonalité pour donner du corps à un tel rôle ? La réponse est simple : personne. Du moins pas de la façon dont l’acteur a de rendre à la fois Viktor sympathique et complexe, sans sombrer d’un côté ou de l’autre, en communiquant des sentiments tantôt graves, tantôt plus légers, dans la plus pure tradition d’un cinéma empreint de rêve et d’espoir cher à Frank Capra et à toute une génération de cinéastes dont Spielberg s’est vite fait l’héritier grâce à sa capacité unique à créer des univers tangibles, identifiables, mais aussi habités d’une magie plus ou moins flagrante mais toujours présente.
L’alchimie entre Spielberg et Hanks n’est plus à prouver au moment de la sortie du Terminal. Les deux étaient faits pour se rencontrer et à bien des égards, ici peut-être plus que pour Il faut sauver le Soldat Ryan et Arrête-moi si tu peux, leur capacité à se nourrir et à s’inspirer l’un de l’autre propulse le scénario qu’ils entendent porter vers des sommets. Jamais Le Terminal ne fait le choix d’offrir une tonalité tranchée au spectateur. Il préfère osciller entre la gravité inhérente à tout ce que la situation de Viktor implique et la légèreté et la simplicité (dans le bon sens) que ce dernier inspire à ceux qui ont la chance de croiser sa route. Viktor est un apatride qui doit faire face aux conséquences d’un violent coup d’état dans son pays. Il ne sait pas ce qu’il est advenu des siens et doit se contenter de regarder impuissant des images aussi brutales que froides sur un écran de télévision. Il ne comprend pas ce qu’on lui raconte ou ce qu’on veut de lui, n’a pas d’argent et pas de perspective. Entre d’autres mains, un tel point de départ aurait pu déboucher sur quelque chose de beaucoup plus sombre. Le truc, c’est que Spielberg a un atout de choix dans sa manche. Son Viktor a un rêve. Un rêve qui fait toute la différence et qui lui permet non seulement de tenir, mais aussi de se battre pour avancer dans cet espace réduit, où les obstacles sont nombreux et parfois, en apparence, infranchissables. Un élément important, dans la mesure où il permet au long-métrage de gagner son identité profonde et de s’inscrire dans la grande et noble tradition d’un cinéma américain généreux, délicieusement naïf et parfaitement pertinent. Cela dit, Spielberg n’occulte pas la douleur qui habite bel et bien son héros. Par ce biais, il en profite pour parler de la situation du monde. Un monde alors encore sous le choc du 11 septembre, où l’étranger n’est pas toujours le bienvenu. Même si ce n’est pas flagrant, car le but est aussi de rester dans un registre « léger », le film traite du racisme et de la peur de l’autre. Il met en évidence les visages fermés, les regards méfiants, sans oublier de nous en montrer les conséquences sur ceux qui les subissent.
Le Terminal ne démontre à priori pas d’un génie flagrant. Pourtant, c’est bien d’un vrai et gros morceau de cinéma dont on parle ici. À la mise en scène, Spielberg fait parler son savoir-faire et son acuité extraordinaires pour rendre l’attente de son protagoniste principal passionnante. Son huis-clos prend plusieurs visages et chacun d’eux réserve des surprises. Ses travellings confèrent au film une énergie indéniable, tout comme sa faculté à souligner sans forcer des choses qui échappent à la majorité des réalisateurs. Il met en évidence la ferveur les moindres échanges d’un scénario parfait, car centré sur des personnages faussement-ordinaires et surtout jamais ô grand jamais superficiels. L’amour comme l’amitié, Spielberg et Hanks s’en emparent et nous en livrent une interprétation brute et dénuée de cynisme. On rigole, on est ému, on vibre pour cet homme propulsé par une volonté sans limites, tout en étant véritablement impressionné par une telle maestria. En toute logique, les acteurs, dirigés à la perfection, profitent de cette maîtrise. Tous sont parfaitement à la leur place et tous jouissent de partitions idéales pour laisser parler leur talent. Catherine Zeta-Jones tient peut-être mine de rien son meilleur rôle, Diego Luna et Zoe Saldana (qui jouent des fans de Star Trek. Ce qui est marrant vu que Zoe Saldana a ensuite joué dans la nouvelle saga Star Trek) sont touchants à souhait et Stanley Tucci s’acquitte de son rôle de « méchant » avec une fougue qui lui est propre et qui, en l’occurrence car ce n’est pas toujours le cas, est canalisée.
Le Terminal est un pur film de Steven Spielberg. La photographie, signée par le génial Janusz Kaminski colle parfaitement avec les intentions réalistes mais aussi idéalistes, tandis que les partitions du fidèle John Williams finissent de donner aux images un souffle percutant. Conte moderne, bâti sur de solides fondations, il s’avère être un authentique feel good movie. De ceux qui changent les contours de notre réalité pour nous faire entrevoir la lumière qui parfois se cache un peu trop. De ceux qui font du bien et qui procurent des sensations rares. À tel point que lorsque le générique de fin commence à défiler, on se dit qu’on serait bien resté encore un peu dans ce Terminal…
@ Gilles Rolland