[Critique] MACHETE
Titre original : Machete
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Robert Rodriguez
Distribution : Danny Trejo, Michelle Rodriguez, Robert De Niro, Jessica Alba, Steven Seagal, Cheech Marin, Jeff Fahey, Lindsay Lohan, Don Johnson, Cheryl Chin, Elise Avellan, Electra Avellan, Gilbert Trejo, Tom Savini, Nimrod Antal…
Genre : Action/Comédie
Date de sortie : 1er décembre 2012
Le Pitch :
Laissé pour mort par Torrez, un puissant baron de la drogue mexicain, après avoir vu sa femme se faire assassiner sous ses yeux, Machete a les nerfs à fleur de peau. Ancien flic, il traine désormais sa carcasse burinée près de la frontière texane, enchainant les petits boulots. Néanmoins, une série de péripéties vont amener Machete a prendre la tête d’une milice révolutionnaire et à envisager une vengeance des plus sanglantes…
La Critique :
C’est désormais un fait pour de nombreux cinéphiles : Robert Rodriguez est un tocard et son Machete demeure l’ultime preuve de son incompétence. Porte-parole plus ou moins autoproclamé du revival grindhouse*, Rodriguez aurait-il franchit la ligne jaune avec Machete ?
Il est en effet aisé de ne trouver en Machete qu’un vulgaire ramassis de références mal dégrossies. Les détracteurs du film n’ont pas tout à fait tort lorsqu’ils s’appuient sur le côté bordélique du long-métrage. Mais pour autant, il est juste de se demander si le long-métrage méritait une telle volée de bois vert ?
Réalisé à partir d’une fausse bande-annonce inhérente au diptyque Boulevard de la mort (Tarantino)/Planet Terror (Rodriguez), et porté par l’enthousiasme du public pour le personnage de Machete, aperçu dans Desperado (il est en effet légitime de faire le rapprochement entre le tueur à gage du premier Desperado et Machete, eux qui partagent ce même amour des belles lames et qui sont tout deux incarnés par Danny Trejo), Machete a vite été au centre des préoccupations de Rodriguez. Se construisant sur le squelette de la bande-annonce, le film s’articule autour de la vengeance d’un homme laissé pour mort par un baron de la drogue, en pleine polémique au sujet de la frontière americano-mexicaine. Rodriguez a même reconstitué certains des plans clés de son trailer dans le montage final du film et a bien sûr tenu à ce que ce soit son pote Danny Trejo qui enfile à nouveau les frusques du mexicain badass.
Le résultat a donc beaucoup déçu. Rodriguez a forcé le trait, chose qu’il avait déjà faite avec Desperado 2, qui était encore plus débridé que son prédécesseur. Ici, le réalisateur chapeauté monte dans les tours et ne s’impose aucune limite. Il se force en quelque sorte à faire de Machete un pur film d’exploitation alors que le principe même de cette catégorie de long-métrage repose justement sur la spontanéité et sur la capacité à dépasser les contraintes budgétaires à l’aide d’un second degré assorti de diverses trouvailles. Le côté grindhouse de Machete peut ainsi parfois sonner faux.
En cela et pour tout un tas d’autres raisons, il est presque légitime de considérer Machete comme une œuvre éminemment crétine. Reste à voir maintenant si un tel qualificatif est forcement péjoratif. Car le problème avec les films grindhouse est qu’ils semblent parler à une majorité de cinéphiles nourris aux séries B qui, dans leur enfance, ont évolué dans les rayonnages poussiéreux des video-clubs de quartier. Ces derniers considèrent Machete comme un outrage à un style basé sur l’honnêteté. Rodriguez est-il honnête quand il réalise Machete en affichant ouvertement la volonté de renouer avec l’esprit vintage des productions avec lesquelles il a grandi ? C’est discutable, mais franchement il est probable que Machete (tout comme Planet Terror) reflète sa vision à lui de la chose. Une vision qui n’est manifestement pas partagée avec une majorité de fans du genre.
Le grindhouse ne se veut pas prétentieux. Il s’agit presque d’une philosophie. Alors que Machete se faisait décapiter par la critique, Hobo with a shotgun -trip hyper violent et complètement con- se faisait encenser. Réalisé par un inconnu (Jason Eisener), Hobo with a shotgun porte en lui les mêmes valeurs que Machete, mais ici c’est la forme qui diffère. Clairement réalisé avec peu de moyens, Hobo reste un film fauché, basé sur l’outrance et dépourvu de cynisme. Cynisme que beaucoup ont décelé dans Machete qui s’appuie sur un budget plus confortable et qui se repose sur une galerie de stars. Stars qui nuisent finalement à la sincérité de l’entreprise.
Au fond, la meilleure façon d’apprécier Machete est de ne pas considérer les tenants et les aboutissants du film. Car oui, il est possible d’apprécier Machete. Un long-métrage farci de défauts mais ô combien sympathique, qui vieillit tel le bon vin au fil des visions.
Rayon défauts justement, on peut parler des performances de certains acteurs. Robert De Niro le premier, qui en fait des caisses comme souvent dernièrement, avec une mention pour son intervention finale où il dézingue à tout va, casquette vissée sur le crane. Jessica Alba brille aussi par son jeu « décalé ». Visiblement pas à sa place, la sublime actrice n’arrive jamais à donner de l’épaisseur à son personnage. Elle a beau apparaître nue sous sa douche, la mine grave et faire du rentre-dedans au héros habillée de bottes en cuir et d’une mini jupe, rien n’y fait, son personnage n’existe pas. Pareil pour Lindsey Lohan, complètement aux fraises. Steven Seagal est égal à lui-même, c’est à dire à mourir de rire. Tout spécialement quand il parle espagnol armé d’un accent improbable. Les autres assurent le show, Danny Trejo en tête, né pour le rôle, ou Jeff Fahey toujours impeccable.
Rodriguez orchestre cette réunion de gueules avec légèreté. Les effets grindhouse (images dégueulasses, effets gores…) sont légion et souvent brouillons, le montage est un peu à l’arrache et les redondances lourdingues assez nombreuses. Peu importe car cette nonchalance colle avec le scénario, qui se fait un point d’honneur à enfiler les inepties et les raccourcis sauvages. À l’image de cette scène où Machete se paye une petite partie à trois ou encore cette épique conclusion où des types se bastonnent avec d’autres gars armés de toutes sortes d’ustensiles, allant du râteau à la sulfateuse. Une scène finale qui nuit à la cohérence et à la crédibilité de l’ensemble. Plus le film progresse et plus il sombre dans le n’importe-quoi.
Au milieu de ce joyeux bordel, Danny Trejo taille dans le lard avec une conviction qui fait plaisir à voir. Longtemps relégué au second plan, l’acteur a enfin droit à la tête d’affiche. C’est mérité. Non pas que Trejo soit un grand acteur, mais il fait bien le boulot et il a une vraie gueule. Il bouge bien, sait se mettre en valeur et maitrise à merveille le second degré. Il porte le film et contribue à lui conférer son côté sympathique. Peu importe si à côté tout fout le camp dans un élan dévastateur teinté de je-m’en-foutisme, Machete est un vrai personnage de série B.
* En gros des films vite emballés, bourrés de violence outrancière et de séquences lubriques, à l’image cradingue, présentés souvent en double séance dans les cinémas de quartier. Les films grindhouse étaient très populaires dans les années 30 et 60 et ont notamment inspiré Quentin Tarantino.
@ Gilles Rolland
Crédits Photos : Troublemaker Studios
Sors ta machette !
Je viens de le voir et je suis assez d’accord avec la chronique. Je relèverais aussi le coté largement politique du film, un peu comme dans les films d’horreur dans années 70’s…en bien moins fin évidement.
Cela peut sembler étrange de dire que le film manque de finesse par rapport à des films réalisés avec 20 fois moins de budget mais au final, le propos politique est largement altéré par un scenario trop évident. On est pas loin de la niaiserie totale à certains moments et même si Rodriguez semble sincère en voulant dénoncer le racisme il finit par en faire des caisses et déservir le résultat final. Dommage, même si évidement quelques scènes valent largement le détour.