[Critique] NOUS TROIS OU RIEN

STARVIDEOCLUB | 12 mars 2016 | Aucun commentaire

Rating: ★★★★☆

Origine : France
Réalisateur : Kheiron
Distribution : Kheiron, Leïla Bekhti, Gérard Darmon, Zabou Breitman, Khereddine Ennasri, Alexandre Astier, Arsène Mosca, Kyan Khojandi…
Genre : Drame/Comédie
Date de sortie : 4 novembre 2015

Le Pitch :
Hibat Tabib, un jeune juriste iranien militant pour la démocratie, est à condamné à sept ans de prison pour s’être engagné contre le Chah d’Iran. À sa sortie, il rencontre Fereshteh qui deviendra sa femme. Quand le Chah meurt, ses espoirs de démocratie s’effondrent lorsqu’il comprend que son successeur, l’ayatollah Khomeini sera encore pire. Voyant que la contestation se paye au prix fort, il n’a d’autres choix que de partir en exil avec sa femme et son enfant. Destination les cités de la banlieue parisienne…

La Critique :
Un premier film retranscrit souvent quelque chose de personnel. Ainsi le nouveau réalisateur y met tout son univers et parle généralement de quelque chose qu’il connaît bien. Et c’est en effet ce qu’a décidé de faire Kheiron. Révélé au public dans le Jamel Comedy Club puis en acteur récurrent de la série Bref, l’humoriste et rappeur Kheiron a décidé de s’éloigner de là où son parcours semblait le prédestiner. Pour son passage derrière sa caméra, il ouvre son cœur et livre une œuvre intime en rendant hommage au parcours de vie extraordinaire de ses parents. Et contrairement à ce que l’affiche et la bande-annonce peuvent laisser présager (concentrée surtout sur les moments drôles du film), nous ne sommes pas devant une comédie ordinaire, ni même devant une comédie dramatique, mais devant un drame où les moments comiques permettre de souffler quand l’émotion est trop prégnante, et quand le film devient trop dur. Car les parents de Kheiron, en dépit du ton souvent positif du film, ont connu un parcours très difficile. Hibat Tabib a vécu la prison sous le règne de Reza Pahlavi et même l’isolement et la torture pour avoir refusé le gâteau que le dictateur offrait aux prisonniers pour leur anniversaire. Avec sa femme, ils ont vu des proches se faire assassiner, que ce soit en Iran mais aussi à l’étranger quand Khomeini faisait éliminer les opposants. Ils ont connu le danger et l’exil pour repartir de zéro dans une cité HLM d’un quartier sensible de la banlieue parisienne avec leur fils en bas âge et, pour tout meuble, un tapis. Face à l’adversité, ils ont montré un éternel optimisme et une envie de se battre.

Nous-trois-ou-rien

Cet optimisme, on le retrouve dans la narration et dans l’art de placer une réplique drôle quand la tension est trop palpable. Si la partie en Iran est excellente, chargée en émotion jusqu’au climax de la séquence montrant l’exil, en revanche, on regrette que la partie en France, et notamment le final, soit un peu trop gentillette, un peu trop calibrée selon les critères de la comédie à la française. Fatalement, par moment, le film perd de sa puissance et c’est dommage. Le discours sur l’intégration est un peu trop appuyé et tombe parfois à plat. Pour autant, cette partie permet de rencontrer de nouveaux personnages, pour certains campés par des visages connus de la fiction française, souvent touchants.
De Téhéran à Pierrefitte, le parcours des Tabib est accompagné par une très belle musique (mention spéciale au morceau récurrent, Mir-e Nowruz (Ramteen Remix) d’Ahmad Ali Rezayi, subtil mélange de musique traditionnelle et de sonorités urbaines) et une photo superbe, sublimant des paysages magnifiques, des corps abîmés par des coups ou une réalité sordide. La réalisation est juste, convaincante, le film est riche et documenté, et porteur de belles valeurs comme l’importance de la famille et la nécessité d’être intègre face à ses idées. Les acteurs sont tout simplement bluffants, en premier lieu le couple Kheiron/Leila Bekhti magnifique de courage. On voit qu’ils ont pris le projet à cœur et s’impliquent à fond dans leurs personnages. Les autres ne sont pas en reste. Alexandre Astier est très drôle dans le rôle d’un Chah d’Iran complètement déconnecté de la réalité. Kyan Khojandi, le créateur de la série Bref, sort de son personnage de trentenaire glandeur et débonnaire qui l’a fait connaître pour camper un rôle plus dur, celui d’un islamiste zélé que personne ne prend au sérieux. Le duo Gérard Darmon/Zabou Breitman est touchant, et arrive à nous faire oublier que ce sont des acteurs français qui jouent des iraniens. Quant à Khereddine Ennasri, son personnage de kleptomane compulsif est la touche drôle et décalée du film.

Bien que Nous Trois ou Rien soit handicapé par une bande-annonce qui ne reflète pas du tout le film et par une deuxième partie parfois bancale, c’est le genre de film qui manque au cinéma français. Drôle juste ce qu’il faut, émouvant et triste, il évite tout misérabilisme et garde, à l’image du couple auquel il rend hommage, un optimisme nécessaire. Pour son baptême du feu en tant que cinéaste, Kheiron surprend et prouve qu’il faudra compter sur lui.

@ Nicolas Cambon

Nous-trois-ou-rien-cast  Crédits photos : Gaumont Distribution

Par Nicolas Cambon le 12 mars 2016

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