[Critique] PERFECT SENSE

STARVIDEOCLUB | 29 avril 2012 | Aucun commentaire

Titre original : Perfect Sense

Rating: ★★★★★
Origine : Angleterre
Réalisateur : David MacKenzie
Distribution : Eva Green, Ewan McGregor, Connie Nielsen, Ewen Bremner, Stephen Dillane, Denis Lawson…
Genre : Apocalypse/Romance/Drame
Date de sortie : 28 Mars 2012

Le Pitch :
Alors que Michael, un cuisinier, et Susan, une épidémiologiste, tombent amoureux l’un de l’autre en plein cœur de Glasgow en Ecosse, une maladie mystérieuse se propage à travers le monde, déclenchant des crises inexplicables d’émotion intensive, puis détruisant progressivement les cinq sens…

La Critique :
Les cinq sens, c’est le truc que l’on apprend en maternelle. L’odorat, le goût, l’ouïe, la vue, le toucher. On les utilise chaque jour, mais on ne se rend pas compte à quel point ils sont extraordinaires. L’odorat nous rattache au passé et aux souvenirs. Le goût nous verrouille dans le présent. L’ouïe et la vue nous aident à naviguer à travers le monde. Mais c’est le toucher qui nous relie intimement l’un à l’autre.

Ça va de soi. Alors comment réagir, si un jour, on en était dépourvu ? Si un par un, nos sens disparaissaient, jusqu’à ce qu’on soit aveugles, sourds et insensibles, perdus sur la surface de notre propre planète, condamnés à mourir ? Comment changerait-on notre mode de vie ? Quels vestiges de notre propre identité resterait-il à sauver ?

La pensée fait froid dans le dos. Le concept de Perfect Sense semble être tout droit sorti d’un film catastrophe de série B. Le genre qu’on trouve sur les étagères d’un magasin avec des titres aussi originaux que « Pandémie Apocalypse » ou « Infection Mortelle ». Mais le long-métrage de David MacKenzie l’explore au maximum de son potentiel. Le choix du réalisateur de nouer apocalypse et histoire d’amour paraît quelque-peu débile, mais ici l’idée reste basique et intrigante. Évoquant inévitablement La Peste d’Albert Camus.

Le cinéma d’aujourd’hui n’a jamais été très créatif quand il s’agit d’apocalypse, optant soit pour des situations très conventionnelles (2012, Le Jour d’Après, Armageddon, Deep Impact…) ou très débiles (Phénomènes…). La fin du monde n’est-elle pas plus intéressante si elle est bizarre ? Même si la perte des cinq sens par l’intermédiaire d’un virus invisible est un scénario un peu « poussé », le film explore le concept d’une manière très réaliste et finalement assez plausible. C’est certainement une version unique du thème de l’apocalypse. Une variation que l’on ne voit pas souvent.

À bien des égards, Perfect Sense est l’opposé de Contagion. Ce qui a causé la perte des sens n’a aucune importance. S’il y a un remède, c’est hors-sujet. À la place, le film s’intéresse à la façon dont les gens y font face, comment ils se débrouillent. Après tout, l’intrigue n’aurait aucun intérêt si on ne ressentait rien pour les personnages. Heureusement, l’œuvre de MacKenzie choisit à juste titre de prendre une perspective plus personnelle que mondiale par rapport au phénomène inexpliqué. L’action est domestique, se centrant seulement autour d’une poignée de personnages vivants à Glasgow.

Les acteurs sont fantastiques. Ensemble, ils forment une petite communauté authentique et illuminent la tonalité parfois très sombre du long-métrage. Ils mettent chacun en scène des individus imparfaits, en particulier le couple central : Susan et Michael, deux personnes qui portent leurs cicatrices et leurs regrets à travers le film et qui se trouvent l’un et l’autre quand tout est perdu. Eva Green a un charisme instantané : elle joue une femme exigeante, à la volonté forte, qui se fixe des hauts standards (parce qu’elle sait qu’elle les mérite), tout en craignant de ne trouver personne à sa hauteur. Ewan McGregor met son talent à l’épreuve en jouant Michael, qui passe de femme en femme aussi rapidement qu’il passe une commande en cuisine, avec le même niveau d’attention et d’intérêt. Avec Susan, il trouve quelqu’un à qui se mesurer, la femme qu’il a cherché toute sa vie et qu’une épidémie dévastatrice lui arrache.

Le couple McGregor/Green partage une intimité chaleureuse, non seulement pendant les parties inévitables de jambes en l’air, mais aussi dans leur relation sentimentale. Leur amour est organique et crédible, alimenté par leur situation mais davantage approfondie à chaque fois que l’un de leurs sens est dérobé. On peut ressentir leur perte. Mais s’ils étaient de simples victimes, leur histoire d’amour serait une tragédie sans espoir. À la place, leur récit est celui d’un homme ordinaire et vulnérable et d’une femme extraordinairement déterminée qui s’attaquent, puis s’enlacent, trébuchant sur leurs propres difficultés pour mieux les transcender.

Et d’un certain côté, le film marche sur une note fermement optimiste. Même dans le pire des instants, l’amour persévère, nous permet de tenir. La vie continue. Un fait désespérant mais aussi une affirmation de la vie. On nous bassine depuis toujours avec le message « L’amour triomphe de tout ». Depuis Shakespeare, une idée nunuche répétée encore et encore dans le cinéma. Mais peut être est-ce vrai. Peut être que dans une catastrophe telle que celle-ci, comme disaient les Beatles, all you need is love

La puissance du film est la simplicité de son intrigue et de ses personnages. Aussi personnel soit-il, le long-métrage essaie de situer les évènements de l’histoire sur une échelle internationale, en utilisant des images d’archives et des vieux reportages télé pour souligner l’effet mondial de l’épidémie. Faute de budget sûrement. Quoi qu’il en soit, il obtient des résultats plus ou moins à l’aveuglette. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas. Des images d’émeutes ou de prières sont compréhensibles, mais que viennent faire des vidéos YouTube de gens qui se tabassent ou des plans de chiens et de girafes dans le métrage ?

Il y a aussi plusieurs instants de narration en voix-off. Ces séquences d’explications pseudo-bibliques renforcent l’atmosphère d’inquiétude, mais on peut aussi avoir l’impression qu’on nous martèle avec le message et l’ensemble peut être vu comme étant légèrement prétentieux, alors que le film s’efforce seulement d’être sincère. Peut-être un peu trop sincère parfois… Des scènes trash de gens qui s’empiffrent de tout ce qui leur tombe sous la main lorsqu’ils perdent le sens du goût est certes un spectacle horrifiant, mais aussi exagéré au point d’en devenir drôle….

Mais c’est le genre de défauts qui ne sont que des petites fissures dans un noyau pour le moins très solide. Perfect Sense est un « petit » film exceptionnel. Une fresque effrayante, romantique, étrange, honnête, pleine de désespoir et presque poétique dans son amertume. C’est une œuvre sombre et dramatique qui prend des risques courageux et qui, lors de sa conclusion logique et déchirante, nous laisse reconnaissants d’être encore en vie. Tout dépend du niveau de cynisme du spectateur. Perfect Sense n’est pas un simple divertissement. C’est une expérience à savourer. Essayez, par exemple, d’écouter le son de votre propre respiration dès que l’écran devient noir…

@ Daniel Rawnsley

Crédits photos : Pretty Pictures

Par Daniel Rawnsley le 29 avril 2012

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