[Critique] STAR WARS : ÉPISODE II – L’ATTAQUE DES CLONES
Titre original : Star Wars : Episode II – Attack of the Clones
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : George Lucas
Distribution : Hayden Christensen, Ewan McGregor, Natalie Portman, Christopher Lee, Ian MacDiarmid, Frank Oz, Christopher Lee, Samuel L. Jackson…
Genre : Science-Fiction/Aventure/Suite/Saga
Date de sortie : 17 mai 2002
Le Pitch :
10 ans après la libération de Naboo, la République Galactique est à nouveau menacée par les séparatistes. Padmé Amidala demande alors la protection du jeune Jedi fougueux Anakin Skywalker, désormais padawan, pour échapper aux chasseurs de primes lancés à ses trousses. Pendant ce temps, le pouvoir du Sénateur Palpatine continue de grandir, et le Maître Obi-Wan Kenobi découvre la fabrication d’une armée de clones, conçus pour servir la République en temps de guerre. Alors qu’un grand amour va naître entre Anakin et Padmé, le mystérieux Dark Sidious s’est trouvé un nouveau disciple…
La Critique :
Le titre est génial. Aujourd’hui alors que nous sommes en pleine génération des Commencements et des Origines où seuls les sous-titres sont acceptables pour rallonger le nom d’un gros blockbuster au-delà d’une monosyllabe (prononcée avec sérieux et gravité, sous risque de paraître trop évocateur!), il est facile d’écarter le souvenir que les titres données aux superproductions du type Lucas/Spielberg dans l’âge du VHS étaient souvent, franchement ridicules. Les profondeurs crépusculaires de l’Episode V, par exemple, ont fait beaucoup pour effacer à quel point L’Empire Contre-Attaque est un titre bébête. Il suffit de prendre deux secondes pour oublier la tristesse ressentie quand Han Solo vient de passer à la cryogénisation et le dire à voix haute : L’Empire Contre-Attaque.
On ne parle même pas du Retour du Jedi. Les Dents de la Mer ? Et c’est quoi au juste, une Rencontre du Troisième Type ? Les Aventuriers de l’Arche Perdue ? Et au final, est-ce qu’il y a vraiment un titre plus ringard que Star Wars, soit (presque) littéralement La Guerre des Étoiles ?
Mais tous sont magnifiquement expressifs : de grands titres pour de grands films, frappants et kitsch au possible et emblématiques de l’euphorie vertigineuse qu’on ressentait en regardant les dessins-animés du samedi matin. L’Attaque des Clones, donc, sonne balèze. Le titre correspond parfaitement à l’esprit de George Lucas et son penchant rétro pour les fondus enchaînés qui marquent chaque transition de séquence, et sa mythologie Joseph Campbell à la sauce Buck Rogers.
Dommage pour le film lui-même. On peut tergiverser autant qu’on veux, rester dans le spasme du déni et se fixer sur ce qui fonctionne, mais on peut pas échapper à la sale vérité : L’Attaque des Clones, deuxième dans la prélogie Star Wars signée Lucas, est lourdaud et chiant.
C’est du terrain difficile, car l’épisode précédent, La Menace Fantôme, a déjà été accusé de ces mêmes pêchés et fait encore sujet de débat aujourd’hui. Malgré tous ses innombrables défauts (montage décousu, répliques plates, Jar-Jar Binks, exposition laborieuse, scénario maladroit, Jar Jar Binks, quelques prestations vraiment aux fraises et Jar Jar Binks, pour en nommer que quelques-uns), il y a l’espérance que la réputation de La Menace Fantôme s’améliore avec le temps. Et même s’il a mal vieilli et tient difficilement la route au-delà d’un seul visionnage, on pourrait au moins dire que le film évoque encore un sentiment attachant d’émerveillement ; la douceur héroïque d’un acteur comme Liam Neeson, après tout, le rend assez agréable à revisiter en DVD.
Et d’ailleurs. Le Liam, il nous manque beaucoup dans L’Attaque des Clones. Idem pour ce sentiment d’émerveillement. Même en ayant la mentalité d’un spectateur voyant le film lors de sa sortie, il est évident que toute impression de nouveauté (La Menace Fantôme étant après tout, le premier Star Wars depuis presque 17 ans) a disparue ici et les talents de George Lucas, certes un peu « rouillés » en 1999, ont pris un sacré coup de vieux.
Punaise, que le film est bordelique. L’ensemble est maussade, mal joué et visuellement dégoûtant. Le plus frustrant, c’est qu’environ toutes les vingt minutes, il se passe quelque-chose d’exceptionnel. Que ce soit Maître Yoda en train de donner des cours de sabre laser à une classe de petits Jedi, ou les intonations tyranniques du grand Christopher Lee dans le rôle du Comte Dooku (un successeur honorable à Dark Maul, surtout qu’il met une raclée à deux guerriers qui ont la moitié de son âge), ou encore une cérémonie lunatique de gladiateurs qui confronte nos héros à une horde de monstres baveux dans une arène de mites géantes, Lucas se bouge occasionnellement le cul pour nous laisser quelques aperçus de l’étendu géniale de son imagination qui, dans le passé, avait transformé sa saga de jouets en véritable iconographie américaine. Puis le reste du temps, c’est merdique.
Se déroulant dix ans après La Menace Fantôme, L’Attaque des Clones permet de retrouver Obi-Wan Kenobi (de nouveau Ewan McGregor et sa superbe imitation d’Alec Guinness, sauf que maintenant il est barbu et grognon) et le jeune Anakin Skywalker (Hayden Christensen, qui est sans doute censé nous rappeler Mark Hamill… si Mark Hamill était un chialeur efféminé) enquêtant sur des tentatives d’assassinats sur Padmé Amidala (encore Natalie Portman, une actrice talentueuse qui, pour une raison inexplicable ici, insiste pour jouer son rôle de manière très monotone).
Il se passe des magouilles au cœur de la République, et le film débute assez bien. Obi-Wan embarque en solo sur une sorte de saga policière un peu sombre, offrant une indication de ce qui aurait pu se passer si Raymond Chandler avait envoyé Philip Marlowe en mission dans une galaxie lointaine, très lointaine. On découvre l’origine des Stormtroopers dans un centre de clonage sur la planète Kamino, où les villes sont bâties sur des océans et il est toujours en train de pleuvoir, et direct on peut se laisser impressionner par l’ambiance film noir.
Mais après, il y a cette vilaine love story. Désolé George, mais Spider-Man est sorti la même année et avait vachement relevé le niveau en termes d’aventures romantiques. Et après avoir vu des acteurs aussi charismatiques que Tobey Maguire et Kirsten Dunst faire la danse de l’adolescence dans un même contexte, il est vraiment impossible de dire « ça passe » à Hayden Christensen et son gémissement nasal ou aux proclamations passionnées de Natalie Portman, qui sont aussi molles et plates qu’une crêpe.
L’Attaque des Clones tombe alors rapidement dans une sorte d’arythmie boitillante ; l’espace d’un instant on est avec Obi-Wan et son Grand Sommeil, puis on retourne voir Padmé et Anakin en train de monter leur propre version pourrie de Titanic Redux – gambader dans les champs, faire des promenades en bateau comme si on était soudainement à Venise, sans oublier ce best of des dialogues affreux…
Les tonalités sont tellement différentes, et le montage entre les deux tellement abrupt et rapide, qu’il semble impossible de se sentir investi dans une des sous-intrigues proposées. Le film fait un va-et-vient incessant et puis on est servis de doubles portions de ces satanés conseils politiques…avec Jar-Jar. La Menace Fantôme s’était terminé alors que le redoutable sénateur, et bientôt Empereur, Palpatine (joué avec classe par le génial Ian McDiarmid) prenait le contrôle du Sénat, et donc L’Attaque des Clones monte et monte en crescendo jusqu’au moment où…Palpatine prend le contrôle du Sénat.
Le plus important, cependant, c’est que L’Attaque des Clones a était filmé en vidéo numérique haute définition, 24 images par seconde, et pourtant le film a l’air absolument dégueulasse. La majorité du cadre est, bien entendu, noyée par les effets de spéciaux de synthèse, mais ils sont intégrés avec une incohérence choquante. Notre seule constante est la misère de la photographie elle-même : les couleurs sont pâles et blafardes, des séquences entières paraissent inertes et sur-éclairées, et il y a parfois une dimension entière de décalage entre les acteurs et leurs décors numériques, contrastant la netteté de l’ordinateur et le flou du réel.
On a beau dire que La Menace Fantôme est rempli de moments pourris ; mais au moins c’est le genre de défauts intéressants ou idéalistes qui pourrait seulement venir des endroits les plus sincères et excentriques d’un orgueil créatif. L’Attaque des Clones est mauvais pour une raison très familière et très barbante – au point où il essaye carrément de réparer les erreurs du passé en léchant les bottes des fans : regardez, les gens ! J’ai réduit le rôle de Jar-Jar ! Regardez, les gens ! Pour aucune raison valable, j’ai mis un mec qui ressemble à Boba Fett mais qui n’est pas Boba Fett ! Regardez, les gens! Natalie Portman en corsage sexy ! Aimez-moi! S’il vous plaît, aimez-moi !
Il ne reste qu’à s’accrocher aux rares moments d’excellence. Le Mace Windu de Sam Jackson sort son sabre laser violet funky et abat alors le bras d’une terrible colère et d’une vengeance furieuse. Les origines de Boba Fett, enfouis quelque part dans la pagaille, vont vers une idée finalement assez sympathique, et le nombre de calembours affreux offerts par C-3PO dans le dernier tiers est tout simplement glorieux. Et puis il y a aussi l’occasion de voir la petite créature verte de Dagobah entrer enfin en combat avec les meilleurs, même si sa validité reste encore à ce jour un sujet de débat. Hélas, ce ne sont que de brèves lueurs de génie dans deux heures et demie d’un film qui est, au fond, moche, morose et sans joie. Mieux vaut revoir L’Empire Contre-Attaque, pour se souvenir comment les choses étaient avant…
@ Daniel Rawnsley