[Critique] THE HOUSE OF THE DEVIL
Titre original : The House of the Devil
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Ti West
Distribution : Jocelin Donahue, Tom Noonan, Mary Woronov, Greta Gerwig, AJ Bowen, Dee Wallace, Heather Robb, Danielle Noe, Brenda Cooney…
Genre : Épouvante/Horreur
Date de sortie : 8 septembre 2010 (DTV)
Le Pitch :
Une étudiante trouve enfin un logement abordable pour poursuivre ses études. Désireuse de trouver un emploi afin de payer son loyer, la jeune fille accepte un job de baby-sitter. Très bien payé, le travail l’amène à rencontrer d’étranges personnes. La maison dans laquelle elle doit rester une bonne partie de la nuit est de plus très isolée. Sans le savoir, la pauvre étudiante s’apprête à vivre une nuit de cauchemar, alors que dehors, le monde se prépare à assister à l’une des plus spectaculaires éclipses lunaires…
La Critique :
En cinéma comme en musique, ou dans d’autres formes d’art, beaucoup tentent de reproduire des patines qui ont fait leurs preuves. Pour ce qui est des films d’horreur, la patine 70’s est particulièrement recherchée. Celles de Massacre à la tronçonneuse ou d‘Halloween pour ne citer que deux des plus célèbres monuments du genre. En témoigne la vague grindhouse, qui est revenue sur le devant de la scène à la suite de la sortie du diptyque de Tarantino et Rodriguez, Boulevard de la mort/Planète Terreur.
Ceci dit, peu nombreux sont les cinéastes qui parviennent à reproduire avec efficacité l’époque visée et ses codes. Ce n’est ainsi pas rare de voir des longs-métrages se déroulant dans les années 60 ou 70 et sonner comme des œuvres résolument modernes. On pense alors aux néanmoins sympathiques préquel et remake de Massacre à la tronçonneuse justement, pour ne citer qu’eux.
En la matière, The House of the Devil s’impose comme l’une des tentatives les plus convaincantes de ces dernières années. Ti West, en utilisant le même matériel qu’à la grande époque et en s’attachant aux détails (même si certains sont visiblement passés à travers les mailles de son filet), est parvenu à livrer un pur trip old school. Un film d’épouvante comme on n’en fait plus en somme, qui rameute une imagerie bien particulière, à tel point qu’il ne serait pas difficile de croire qu’il a en effet été réalisé il y a une quarantaine d’années.
Sur la forme, The House of the Devil est impressionnant. Tout est là. Le générique, la police bien vintage, les costumes, les coiffures, les bagnoles, la musique, les effets, tout ! Sur le fond aussi, le film de Ti West se défend.
On suit ici une jeune femme, assez proche des scream queens des 70’s. On pense à Jamie Lee Curtis même si l’histoire, en progressant, va plus rapprocher la belle, d’une version 2.0 de Mia Farrow.
Elle est donc jolie, naïve et trop gentille. Elle accepte un boulot un peu étrange et tombe entre les mains de malades aux intentions plus que louches.
Dans le rôle principal, Jocelin Donahue est parfaite. Avec son walkman cassette vissé sur les oreilles, son bonnet et son regard plein d’une détresse palpable, elle cadre à merveille avec le décors. Même son jeu est vintage ! Tout comme celui de Tom Noonan, l’une des gueules les plus inquiétantes du cinéma américain. Vu notamment dans Le Sixième Sens de Michael Mann où il interprétait un serial killer et où son talent pour incarner le mal déviant absolu éclatait lors d’un final traumatisant rythmé par le In Da Gadda Da Vida d’Iron Butterfly, Noonan fout vraiment la trouille. Avec sa carrure impressionnante, son regard douceâtre flippant et ses manières de gentleman d’un autre temps, le comédien inquiète dès sa première scène. Il déboule, cadre lui aussi avec le décors (en l’occurrence une grande battisse isolée) et accueille l’héroïne dans ce qui sera son cauchemar le plus traumatisant.
Alors que The Innkeepers, l’excellent dernier film de Ti West vient enfin de débarquer chez nous, The House of the Devil illustrait déjà la propension du cinéaste à prendre son temps. Un trait de caractère que beaucoup lui reprochent. Pourtant, rien ne semble être fait au hasard chez West. Il installe l’ambiance. Lentement mais surement. Il provoque l’empathie et crée un climat oppressant. Quand intervient la première scène violente (et pas des moindres), c’est l’explosion. Un véritable électrochoc qui prend à revers, avant un retour au calme relatif. Peu à peu, The House of the Devil prend une teinte malsaine vraiment enveloppante. Les fantômes de Rosemary’s Baby rodent sur cette histoire à peine teintée de fantastique, mais assurément tournée vers une épouvante sourde. Simple (trop) et soigné, The House of the Devil dénote d’un profond respect pour le genre abordé. On reconnaît là les classiques, même si Ti West ne joue pas au même jeu qu’un Tarantino par exemple, qui n’hésite jamais à citer ses références. Doté d’un budget réduit, ne mettant en scène qu’une poignée de comédiens et se déroulant principalement dans un espace restreint, le film relate un soi-disant fait divers. Il n’en est rien. Le stratagème fait partie de la démarche du réalisateur. Jadis, le cachet « histoire vraie » était souvent utilisé. Ti West renoue avec cette tradition. Faites-lui confiance. Son film vaut vraiment le détour car il fait peur. Encore une fois, c’est rare. Difficile de ressortir indemne, car au fond, le long-métrage reste. Quelque part dans un coin sombre, il occupe l’esprit longtemps après la projection. Cela aussi est rare ! De quoi pardonner les défauts, les baisses de rythme, la faculté du scénario de tourner un peu autour du pot et les quelques incohérences. Le contrat est rempli. Sorti de nulle part, The House of the Devil semble hors du temps. Tout droit venu d’une époque où l’horreur et la peur n’étaient pas des denrées aussi rares au cinéma.
@ Gilles Rolland