[Critique] THE WAR ZONE
Titre original : The War Zone
Rating:
Origines : Angleterre/Italie
Réalisateur : Tim Roth
Distribution : Freddie Cunlife, Ray Winstone, Tilda Swinton, Kate Ashfield, Lara Belmont, Colin Farrell, Aisling O’Sullivan…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 26 Janvier 2000
Le Pitch :
Dans un patelin du fin fond du Devon en Angleterre, Tom, 15 ans, est un ado en pleine crise et renfermé sur lui-même. Sa famille, pas franchement aisée, s’est agrandie avec l’arrivée d’une petite fille, née dans la voiture familiale qui conduisait la mère à l’hôpital. Le tableau, aussi idyllique que le climat de l’Angleterre sous la pluie, s’assombrit nettement quand Tom découvre que son père a, envers sa sœur aînée, la pire conception qui soit de l’amour paternel…
La Critique :
En philosophie, on apprend, dans le chapitre Nature et Culture, que ce qui lie toute l’humanité et dépasse les clivages culturels et religieux, est la même chose que celle qui distingue l’Homme du reste du monde animal, à savoir le rejet et l’interdiction de l’inceste. Il faut dire qu’il s’agit là d’une des pires choses en ce monde, quelque chose dont personne ne sort indemne et qui détruit à vie la personne qui l’a subi. L’acteur Tim Roth a été victime de cette terrible épreuve et c’est ce qui l’a motivé à passer derrière la caméra pour adapter le roman d’Alexander Stuart.
Un premier film sert souvent, pour le réalisateur, à soit d’imposer un style, une patte, ou soit à se lâcher dans un délire créatif. Un premier film, comme c’est le cas pour The War Zone, sert aussi souvent à exorciser un traumatisme. Déclencheur d’une folie meurtrière dans Les Blessures Assassines (portant sur l’histoire tragiques des sœurs Papin), tentative tordue et glauque d’une mère pour « guérir » l’homosexualité de son fils dans Sitcom, traité de manière glauque dans Seul contre tous de Gaspard Noé, sous forme d’amour réciproque dans Beau-Père de Blier, l’inceste est un sujet hyper casse-gueule et aucune œuvre sur le sujet ne peut laisser de marbre. C’est pourquoi l’un des plus grands tabous est aussi peu traité dans le cinéma, comme dans la chanson (peu de morceaux notables à part Macho Blues de Lofofora dont le refrain exhorte les victimes à castrer leur bourreau, et Don’t Let Daddy Kiss Me de Motörhead, deux titres qui remuent les tripes). Pourtant, la première et unique réalisation de Roth cerne le sujet dans son ensemble, le poids du secret sur la famille, l’instauration d’un climat malsain, l’ambiguïté de la part du bourreau, les envies d’autodestruction chez la victime, et ce, sans tomber dans l’excès de voyeurisme glauque. Pourtant, ce film n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains, et son interdiction aux moins de 16 ans est clairement justifié par deux scènes à la limite du soutenable. Des scènes qui ont cristallisé toute la haine des détracteurs. Des scènes pourtant nécessaires afin de faire prendre conscience de la gravité des choses. Ce qui peut déconcerter aussi, c’est l’attitude de la victime, mais cela rentre également dans le processus d’autodestruction cité plus haut.
The War Zone est un drame social dans la lignée des Ken Loach ou des Lynne Ramsay, mais d’une dureté à faire passer des films aussi difficiles que Midnight Express pour La Mélodie du Bonheur. Dur sans être immonde (on n’est pas devant Irréversible non plus) ni gratuit ou complaisant. On ne parle pas d’un film coup de poing, mais d’une succession de droites dans l’estomac, qui au final laisse K.O.. La première œuvre de Tim Roth est portée par un casting et une direction d’acteurs de haute qualité, entre Colin Farrell dans un de ses tout premiers rôles, Tilda Swinton, sobre en maman qui ignore tout de la sombre histoire, et surtout les jeunes Freddie Cunlife et Lara Belmont et un Ray Winstone terrifiant. La caméra de Tim Roth est certes braquée sur les acteurs, mais par ricochet, on a l’impression pendant 90 minutes d’un flingue braqué sur les spectateurs. Plus qu’un film, une expérience nécessaire à un acteur qui a marqué le cinéma de son jeu tout en flegme (dans Reservoir Dogs ou Pulp Fiction notamment) afin d’exorciser un mal ancien logé en lui.
@ Nicolas Cambon