[Critique] AVENGERS : L’ÈRE D’ULTRON

CRITIQUES | 22 avril 2015 | 2 commentaires

Titre original : The Avengers : Age of Ultron

Rating: ★★★½☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Joss Whedon
Distribution : Robert Downey Jr., Chris Evans, Scarlett Johansson, Chris Hemsworth, Jeremy Renner, Samuel L. Jackson, Aaron Taylor-Johnson, Elizabeth Olsen, Cobie Smulders, Don Cheadle, Paul Bettany, Andy Serkis, Hayley Atwell, Stellan Skarsgård, Idris Elba, Anthony Mackie, Linda Cardellini…
Genre : Action/Aventure/Fantastique/Science-Fiction/Adaptation/Suite/Saga
Date de sortie : 22 avril 2015

Le Pitch :
Alors qu’il tente de concrétiser son projet de programme de maintien de la paix, Tony Stark donne accidentellement naissance à Ultron, une intelligence artificielle supérieure. Bien décidé à remplir son objectif, ce dernier entend ainsi éradiquer les Avengers, jusqu’au dernier. Iron Man, Captain America, Black Widow, Hawkeye, Bruce Banner et son double rageur Hulk, et Thor, font alors face à une menace qui ne cesse de prendre de l’ampleur et dont les ramifications mettent en péril l’humanité toute entière…

La Critique :
C’est chargés d’une mission des plus périlleuses que débarquent à nouveau les Avengers au cinéma. Ayant contribué à redéfinir les limites du blockbuster populaire, ne serait-ce que sur un plan strictement visuel, le premier volet et son succès titanesque organisait également pour la première fois la réunion envergure de plusieurs super-héros, et donc de plusieurs franchises secondaires, illustrant les intentions du Marvel Cinematic Universe. Le second épisode devait donc faire plus grand, plus fort et plus ambitieux. Pas question de reculer pour Marvel Studios, mais bel et bien d’avancer, de pulvériser les barrières précédemment érigées, et d’étendre un univers partagé en posant de nouveaux enjeux. Annonçant la fin de la phase 2 d’un vaste plan (qui se terminera vraiment avec Ant-Man), Avengers : L’Ère d’Ultron fut donc depuis le début, à savoir l’annonce du projet, une monumentale somme de promesses faites aux fans, et se posait en toute logique comme l’occasion pour Marvel Studios d’asseoir une suprématie sur le genre super-héroïque, que DC Comics entend bien démonter en 2016 avec son Batman v. Superman : League of Justice.
Pour se faire, Joss Whedon n’a pour ainsi dire pas choisi la facilité et a convoqué Ultron, bouleversant au passage la genèse du super-méchant pour en faire non pas la création de Hank Pym (Ant-Man), mais celle d’un Tony Stark désireux de donner naissance à un gardien de la paix quasi-omniscient capable de remplacer en quelque sorte les Avengers en cas de menaces d’envergure. En soi, le changement est compréhensible, vu que le personnage de Hank Pym n’a pas encore fait son entrée et que celui de Tony Stark est non seulement l’un des plus intéressants de l’écurie Marvel Studios, mais aussi l’un des plus populaires.
En plaçant à nouveau Iron Man au centre de l’intrigue, Joss Whedon poursuit d’une certaine façon le travail accompli par Shane Black dans Iron Man 3 et table sur l’ambiguïté et la complexité des intentions d’un personnage plus sombre et torturé qu’à ses débuts, mais aussi sans cesse confronté à des démons qui semblent ne chercher qu’à l’exclure de la dynamique des Avengers. Le « diviser pour mieux régner » est au centre du plan machiavélique d’Ultron, ce super robot capable d’utiliser les réseaux de communication pour voyager dans le monde entier et se matérialiser dans des carcasses de métal qu’il peut modeler à sa convenance. Le choix d’Ultron et non de Thanos (ce sera pour plus tard) est vite justifié, et d’une remarquable façon, par Whedon, et ce qui aurait pu faire office de sorte de parenthèse avant de s’attaquer aux vrais enjeux de la saga, s’avère finalement être une brutale entrée dans le vif du sujet, en lien avec tout ce qui a été fait avant et probablement tout ce qui sera accompli après.
Avengers 2 n’est pas seulement la suite d’Avengers, mais aussi celle de Thor : Le Monde des Ténèbres, d’Iron Man 3, de Captain America : Le Soldat de l’Hiver, et dans une moindre mesure, des Gardiens de la Galaxie. Et si le fan hardcore pourra regretter certaines pirouettes d’écriture permettant au long-métrage de pouvoir être vu et apprécié indépendamment de la totalité de ces œuvres, il faut saluer la cohésion d’un ensemble de plus en plus cohérent, boosté par une ambition maîtrisée sur bien des points.

Avengers-2-Ultron-Scarlett-Johansson

Apprécier Avengers : L’Ère d’Ultron entend d’en accepter les codes et l’identité. Pour faire clair, ici, Joss Whedon ne rompt pas avec la tonalité des autres productions Marvel, mais désire faire progresser d’un coup d’un seul une somme d’intrigues réunies au sein d’une aventure globale en forme de grand barnum pyrotechnique. Les amateurs seront aux anges. Le film est pour eux et éventuellement pour rallier de nouveaux supporters et non pour essayer de faire changer d’avis les détracteurs. Avengers 2 est à l’image du précédent opus et à l’image de son créateur, même si celui-ci épaissit son propos et injecte une noirceur qui lui est propre, et donc assez éloignée de spectacles plus adultes et réalistes comme The Dark Knight. Peut-être crépusculaire et plus désenchanté, Avengers : L’Ère d’Utron reste fun. Un authentique blockbuster hyper généreux, car rempli à raz la gueule de références aux autres films et de scènes à s’en décrocher la mâchoire.
La scène d’introduction, gigantesque plan-séquence en forme d’illustration ultime de ce qu’on peut trouver dans les comics, donne le La d’une aventure XXL, aux proportions jusque là jamais atteintes par la saga. Joss Whedon matérialise l’essence visuelle de ses super-héros et donne corps aux folles possibilités que leurs pouvoirs confèrent à leurs actions demeurées. Rappelant curieusement le côté bourrin de l’ouverture d’Expendables 2, cette séquence d’ores et déjà mémorable se pose comme une démonstration de force ahurissante et promet quelque chose de grand, de tapageur et de totalement canalisé. Canalisé, car Joss Whedon n’est pas une sorte de chien-fou. Il sait précisément ce qu’il fait et s’évertue à livrer une action aux proportions certes démesurées, mais aussi complètement lisible, en gardant à l’esprit la nécessité de faire plaisir au public. Résultat : en 5 minutes, Avengers 2 colle un méga banane, rue dans les brancards, et explose tout ce qui été vu auparavant.
La suite est à l’avenant. L’Ère d’Utron profite du fait que les personnages nous sont désormais familiers. Nous connaissons leur parcours, leur histoire, leurs doutes et leurs aspirations. Les nouveaux, à commencer par Scarlet Witch et son frangin, Quicksilver, étant accolés à une histoire qui prend aussi le temps de ne pas seulement exploiter le côté spectaculaire de leurs capacités surnaturelles, mais bien de construire leur propre mythologie. Idem pour La Vision, cette entité mystérieuse, qui s’impose très vite comme l’un des personnages les plus stimulants du Marvel Cinematic Universe, car lui aussi intimement lié à une vaste dynamique de groupe dont personne n’est exclu.
En exactement 2h22, Joss Whedon et son équipe parviennent à faire exister tous les intervenants importants, sans léser personne. Les stars de l’équipe (Captain America, Iron Man, Black Widow, Thor…) continuent à faire office de leaders, tandis que d’autres prennent de l’ampleur, tel Hawkeye, qui tire véritablement son épingle du jeu, au fil de scènes destinées à offrir une pause bienvenue entre deux déferlements d’action, mais aussi à solidifier une dramaturgie indispensable à l’immersion, à la bonne progression de la tension, et à l’empathie. Jeremy Renner profite de la partition plus touffue qui lui est offerte pour explorer l’histoire de son rôle, avec tout le talent qui caractérise sa carrière, accompagné ici par l’excellente (et trop rare) Linda Cardellini, vue auparavant dans Freaks & Geeks et Urgences.
Plus globalement, tous les comédiens parviennent à exister et finalement, personne n’est condamné à faire tapisserie, comme c’est parfois le cas dans ce genre de production chorale. Bien sûr, Anthony Mackie, découvert dans Captain America : Le Soldat de l’Hiver, en Falcon, ou Don Cheadle, de retour dans les pompes de James Rhodes alias War Machine, ne trustent pas le haut de l’affiche, mais Avengers 2 jouit de leur implication, en tant que moyens de lier un peu plus le film à la saga dans son intégralité, et donc de renforcer les fondations du Marvel Cinematic Universe et finir de donner au spectacle des airs de réunions de famille.

Et puis il a Ultron. Comme l’avait si bien fait remarquer Alfred Hitchcock, la qualité d’un méchant est souvent fortement responsable de la réussite ou de l’échec d’un film. Incarné, grâce à la Performance Capture, par James Spader, Ultron constitue en cela un antagoniste parfait. Métaphore vivante du mythe de Prométhée (ou de Pinocchio, comme le sous-entend souvent le long-métrage et les multiples trailers avant lui), il se pose comme la création monstrueuse et fanatique d’un esprit torturé (celui de Tony Stark) et amène un surplus de psychologie directement responsable de la bonne tenue du show. Facétieux, parfois drôle, cruel et mégalomaniaque, Ultron est non seulement capable de projeter les Avengers au cœur de situations propices à des démonstrations de force impressionnantes, mais aussi de questionner leur condition et leur rôle. Il permet aussi à Joss Whedon d’effleurer du doigt des thématiques chères à des productions comme Terminator 2, et de se positionner sur une réflexion dans l’air du temps, histoire de placer les héros dans un contexte contemporain, également en lien avec leurs craintes respectives et leur capacité à justifier leur implication dans une mission globale au cœur de toute la démarche Marvel.

On pourra bien sûr reprocher à Joss Whedon d’avoir un peu le cul entre deux chaises. D’un côté, le réalisateur cherche à profiter des multiples ramifications de son récit pour verser dans une noirceur palpable, mais d’un autre, il ne laisse pas tomber cet humour qui fait si souvent polémique. Avengers : L’Ère d’Ultron possède plusieurs visages et ces vannes, qui seront sans aucun doute perçues comme fragilisant la force dramatique des enjeux, ne font finalement que replacer le film dans une optique grand public propre à la majorité des productions du genre et d’une grande partie des comics, eux aussi destinés pour la plupart aussi bien à des enfants de 12 ans, qu’à des adultes. Faut savoir ce que l’on va voir. À aucun moment Avengers ne prétend offrir quelque chose de sauvage et d’ultra violent. Là n’est pas l’essence profonde des comics de Stan Lee et consorts. Le tout étant de ne pas tomber dans la bouffonnerie et de respecter ses personnages et son public. En cela, L’Ère d’Ultron a tout juste. Et au fond, même si régulièrement, de bonnes vieilles blagues viennent diluer la tension, c’est cette certaine noirceur qui l’emporte, permettant probablement d’annoncer les prochains opus, dont Captain America : Civil War et les Infinity War. Alors oui, Avengers 2 est un peu schizophrène et parfois carrément maladroit, mais jamais il ne tourne le dos à sa condition de divertissement populaire façonné pour matérialiser les fantasmes du public. Ses défauts, inhérents à une ambition démesurée et pas toujours correctement canalisée, font de lui une créature cinématographique plus attachante car finalement plus humaine. Derrière la débauche d’effets-spéciaux demeurent des personnages plein de failles, ce que n’oublie pas de souligner Joss Whedon. Whedon dont le vrai visage, celui qu’il s’est évertué à montrer avec Buffy contre les Vampires, est davantage visible ici que précédemment. Sa place privilégiée chez Marvel Studios lui laissant les coudées franches pour inclure à la sauce quelques unes de ses thématiques fétiches.

Porté par un casting aux petits oignons (Scarlett Johansson, Chris Hemsworth, Robert Downey Jr., Chris Evans, ou Mark Ruffalo, tiennent la baraque avec style et conviction), sans cesse étoffé par de nouveaux arrivants, dont le génial Paul Bettany, la superbement intense Elizabeth Olsen ou encore Aaron Taylor-Johnson (même si son Quicksilver se fait au final moins remarquer que son homologue dans X-Men : Days of Future Past), Avengers : L’Ére d’Ultron s’apparente à un feu d’artifice à la puissance de feu dévastatrice. Tenant toutes ses promesses visuellement parlant, au grès de scènes parfaitement ahurissantes, dont le combat tant attendu entre Iron Man et Hulk, et l’affrontement final, dantesque à plus d’un titre, et rythmé de main de maître par un cinéaste appliqué à ne jamais trop laisser reposer la tension, ce long-métrage en forme d’ultime festin, ne fait pas dans la demi-mesure. Joss Whedon enfonce le clou, se montre généreux et talentueux, sans jamais trop en faire, quitte à flirter plus d’une fois avec la surenchère. Mais non, il s’arrête à temps, rebondit dans une autre direction, explose ses propres limites et offre aux Vengeurs une aventure mémorable, vibrante et jubilatoire. On peut ne pas goûter à cet orgie jouissive, reprocher telle ou telle chose au nom d’une nostalgie probablement un peu déformatrice, de fantasmes bâtis depuis l’enfance, mais il ne faut pas oublier une chose : derrière ses tentatives (réussies) pour assimiler une certaine profondeur, Avengers : L’Ère d’Ultron est avant tout un divertissement populaire dont l’objectif premier est de proposer du grand spectacle. Si on le juge alors à l’aune de sa condition et de ses objectifs fondamentaux, il mérite bien des louanges et se pose comme le fleuron de sa catégorie.

@ Gilles Rolland

Avengers-Ultron-2Crédits photos : The Walt Disney Company France

 

 

Par Gilles Rolland le 22 avril 2015

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Karl Libus
Karl Libus
8 années il y a

Que dire de plus… P…. de belle critique, bravo… Vivement que je le vois, encore quelques jours et je serais devant ses Avengers.
En tout cas bravo à toi, tu es au top Mr Rolland!!! 😉